Le premier texte, “Le jour où je faillis être reine”, de Marc Séfaris relate le déroulement d’un jeu par lequel chaque année une reine mise son pouvoir usurpé. Le perdant gagne la mort. Sa rivale, dépossédée, met la main sur un esclave qui semble bénéficier d’une chance insigne, et l’envoie affronter la reine. Ce genre d’histoire n’est pas franchement ma tasse de thé, mais elle devrait séduire les amateurs de jeux du type « Donjons et dragons ».
“Luck it” de Mélodie Gervais affiche une ambition bien supérieure. La chance est ici une marchandise délivrée par une « major » sous forme de lucks. Des coursiers mandatés par elle interviennent pour infléchir le cours des choses en fonction du potentiel de chance acquis par les abonnés. Le cadre de l’action est assez particulier – elle se passe à Johannesburg – et l’ambiance générale m’a fait penser à un texte de George Alec Effinger. Jolie performance.
“Une question de point de vue” de A D Martel joue de tout le bric à brac de la fantasy (sorcière, roi désirant marier sa fille au plus valeureux de ses chevaliers, bête démoniaque gardant un trésor au plus profond d’une grotte...) pour délivrer une histoire burlesque et amusante qui met en scène une sorte de Don Quichotte pour qui la malchance est en fait une bénédiction.
“Le dernier serviteur” de Olivier Saraja use de quelques poncifs de la fantasy. Est-ce là le texte d’un débutant auquel la revue « Etherval » a donné sa chance ? C’est en effet un des rôles majeurs des revues que de prendre quelques risques en acceptant des œuvres plus faibles, mais par forcément mauvaises puisque ici l’auteur prend tout de même la peine de raconter une histoire.
Changement de décor et d’ambiance avec “Bonne étoile” de Stéphane Arnier qui imagine un univers à la fois onirique et cruel, opposant des nomades à une étrange confrérie, le tout dans le cadre d’une quête aussi intrigante que le monde dans lequel elle se déroule. Beaucoup d’images et aussi de poésie dans ces pages plutôt ensorcelantes.
Il y a du George Orwell dans “Nation des merveilles” de Cédric Zampini. À travers cette nouvelle implacable, l’auteur peint avec justesse un monde orchestré par une multinationale qui a réussi à absorber toutes les autres, imposant ses produits et manipulant sans vergogne ses clients. La chance même y est factice. Une belle réussite.
Elodie Bouchet nous sert un petit air de space-opéra avec “La chance n’existe pas”. Une enquêtrice de la répression des fraudes vient porter main forte à un de ses collègues sur une planète où est installé un casino suspecté de tricherie. L’écriture est agréable, mais la crédibilité de l’histoire est un peu limite. L’évocation de cet univers est minimaliste et l’action aurait tout aussi bien pu se dérouler sur Terre. L’aspect dépaysant est peu présent.
La dernière nouvelle, la plus ingénieuse, est due à Julie Limoges qui signe avec “Eschyle Mallory” le meilleur texte de ce numéro avec celui de Cédric Zampini. Ici, un malchanceux notoire est recruté pour porter la poisse aux concurrents de son employeur, en l’espèce une société de transport en commun. Julie Limoges pose les bases d’un monde inquiétant où le numérique est roi, au point de biaiser ou cacher la triste réalité d’une planète en piteux état. Mais tout le monde n’est pas malchanceux...
Ce numéro s’achève avec quelques chroniques portant sur le thème de cet opus. Catherine Loiseau, Rachel Fleurotte et Audrey Aragnou mettent en exergue des livres ou des personnages placés sous le signe de la chance. La BD n’est pas négligée non plus avec l’évocation des aventures de Constant Souci, personnage de Greg. Enfin, et « Etherval » ne serait pas ce qu’il est sans elles, les “missives” potaches sont de retour.
Soulignons une fois de plus qu’« Etherval » est un bel objet, soigneusement mis en page et abondamment illustré.
Titre : Etherval
Numéro : 13
Éditeur : Association des Plumes de l’Imaginaire
Directrice de publication et rédactrice en chef : Andréa Deslacs
Couverture : Alexperiment
Type : revue
Genre : Science-fiction, fantasy, fantastique
Site Internet : Etherval ; le numéro 13
Dépôt légal : octobre 2018
Périodicité : semestrielle
ISSN : 2260-6025
Dimensions(en cm) : 36 x 24
Pages : 70
Prix : 8 €