Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Fascinantes araignées
Christine Rollard et Philippe Blanchot
Quae, essai / document, 143, pages, octobre 2018, 28 €

S’il y a un animal qui suscite l’unanimité, aussi bien dans le registre des réflexes avec un mouvement de recul spontané et largement partagé que dans celui de la fascination, souvent teintée d’effroi, c’est incontestablement l’araignée. Les lecteurs de la Yozone l’ont croisée mille fois dans le domaine de la fiction, sous forme cinématographique tout d’abord, avec des longs métrages tels qu’ « Arachnophobia » (Franck Marshall, 1990) ou le bondissant « Arac Attack » (Ellory Elkayem, 2002). En littérature, qui ne se souvient pas, dans « L’Homme qui rétrécit » de Richard Matheson, du personnage affrontant une araignée à sa taille à l’aide d’une aiguille à coudre ? Et si cet ouvrage remonte aux années cinquante, l’araignée est bel et bien toujours là, se glissant dans les publications récentes, avec une civilisation arachnoïde dans le roman « Dans la toile du temps » d’Adrian Tchaïkovski, une invasion d’araignées à travers les récits « Eclosion » et « Infestation » d’Ezekiel Boone, et venant même en tête d’affiche dans les titres eux-mêmes, comme « Ce livre est plein d’araignées » de David Wong. Exagérations, excès, inventions et idées fausses, abondent. Mais qui sont réellement ces animaux, que chacun craint et que bien peu connaissent ? Avec Christine Rollard, professeur au Muséum National d’Histoire Naturelle et spécialiste incontestée du domaine, ces « fascinantes araignées » nous permettent d’en savoir un peu plus.



Elles ont précédé les dinosaures de plus de soixante-dix millions d’années. Elles ont colonisé tous les biotopes hormis les zones polaires (mais certaines d’entre elles résistent jusqu’à moins vingt-cinq degrés), on les trouve depuis les profondeurs souterraines jusqu’au sommet des arbres, et même à six-mille-sept-cents mètres, sur les contreforts de l’Everest, on peut en compter jusqu’à plus de mille au mètre carré… de quoi terroriser ceux qui estimaient déjà en savoir bien assez !

JPEG - 64 ko

Fort heureusement, dans un premier chapitre consacré aux idées fausses et aux idées reçues, Christine Rollard s’empresse de dissiper les craintes injustifiées. Non, elles ne sont pas dangereuses, ou alors exceptionnellement (moins de vingt espèces, sur les quarante-sept-mille connues, peuvent indisposer l’homme, les latrodectes dont la veuve noire, les loxoscèles, ubiquitaires mais dont le venin semble de toxicité variable en fonction des régions, et certaines variétés de mygales australiennes), non, elles ne remontent pas les canalisations pour débarquer en masse dans nos salles de bains, non elles ne sont ni sales ni nuisibles. Bien au contraire, pouvant dévorer des centaines de millions d’insectes par hectare chaque année, elles nous évitent d’être envahis par ces derniers, aussi bien dans les milieux naturels qu’à l’intérieur de nos maisons.

En nous y intéressant, nous avons tout intérêt à nous pencher sur ces dames. Ce sont de magnifiques tisserandes. Elles dorment dans des draps de soie qu’elles fabriquent elles-mêmes. Très propres, elles se nettoient comme les chats. Elles sont capables de changer de livrée en fonction des fleurs sur lesquelles elle s’installent. Elles ont de beaux motifs, comme cette thomise qui sur son abdomen porte le dessin d’un chapeau napoléonien. Elles ont également de beaux yeux, jusqu’à huit, sur une ou plusieurs rangées, elles muent régulièrement pour être toujours aussi jeunes et aussi belles. Et d’ailleurs, elles sont si charmantes que, contrairement à ce que l’on prétend, elles ne mangent pas systématiquement leurs mâles - même si cela arrive quand même assez régulièrement.

JPEG - 78.5 ko

Ces araignées, malgré l’intérêt que leur portent depuis toujours les naturalistes, sont encore assez mal connues, tant sur le plan du mode de vie que de la biologie et la taxonomie, et constituent un formidable champ d’études. Si quarante-sept mille espèces sont connues, une centaines de nouvelles espèces sont décrites chaque année, soit par découverte sur le terrain, soit par examen des spécimen en bocaux des réserves des muséums. Si certains d’entre elles sont d’ores et déjà protégées, il est vraisemblable que des espèces auront disparu avant d’être seulement connues.

Avec un vocabulaire simple et à la portée de tous, Christine Rollard emmène donc le lecteur sur la piste de ces créatures qui ont plus d’un tour dans leur sac, et plus d’un fil à leur patte. Étrange branche du règne animal dont certaines espèces sont capables, tout autant que les scorpions, de jeuner durant des mois, voire une année entière, dont certaines espèces sont capables également de vivre jusqu’à vingt ans, les araignées fascinent pour la diversité de leurs techniques de chasse, à la course, par saut, à l’affût, ou dans des toiles orbiculaires, triangulaires, en zigzags, en tunnels, en entonnoirs, en nappes. Toiles qui restent des merveilles de conception biologique – il faudrait qu’un fil de soie d’araignée dépasse les soixante-dix kilomètres pour se rompre sous son propre poids – dont l’Homme a cherché à tirer parti, sans que jamais l’opération ne soit rentable, pour en faire nombre d’objets, comme des vêtements, des cordes de violon, et même des fibres optiques. Et l’on n’oubliera pas que ces fils sont de formidables outils de dissémination, les araignées partant pour des voyages aéronautiques suspendues à des fils emportés par le vent. Non, nous explique l’auteur, nous n’avalons pas d’araignées, en dormant, mais en nous promenant, à l’époque où surviennent ces phénomènes connus sous le nom de « fils de la vierge » !

JPEG - 57.8 ko

Nous en apprenons donc beaucoup sur le mode de vie de ces animaux, mais l’auteur n’oublie pas les mythes, avec un dernier chapitre abordant l’araignée à travers diverses cultures, où elle apparaît tour à tour comme devineresse, dépositaire des secrets ancestraux, symbole de sagacité ou de sagesse, ou encore de création et de liaison avec la divinité. Un joli tour d’horizon complété par une bibliographie, une sitographie, un glossaire, un index, une préface de Cédric Villani, le fameux mathématicien ubiquitaire à la broche-araignée, et surtout, à chaque page, les magnifiques photographies de Philippe Blanchot, qui, d’espèces en biotopes, révèle ces créatures dans leurs demeures ou sur leurs terrains de chasse. Pour les adultes comme pour les plus jeunes, ces «  Fascinantes araignées » porte bien son titre : une invitation à l’attention et à l’émerveillement, un ouvrage grâce auquel chacun observera désormais les araignées avec un regard plus attentif et un intérêt nouveau.


Fascinantes araignées
- Auteur : Christine Rollard et Philippe Blanchot
- Photographies : Philippe Blanchon
- Couverture : Gwendolin Butter
- Préface : Cédric Villani
- Illustrations : Estelle Villemin
- Éditeur : Quae
- Pagination : 144 pages couleur
- Format : 24,5 x 21,5 cm
- Dépôt légal : octobre 2018
- ISBN : 9782759227167
- Prix public : 28 €


Les éditions Quae sur la Yozone :
« Biomimétisme – il y a du génie dans la nature »


Photos © Philippe Blanchon et Éditions Quae (2017)


Hilaire Alrune
18 décembre 2018



JPEG - 22.4 ko



Chargement...
WebAnalytics