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Voix de l’Empereur (la), tome 3 : Le Courage et le Vent
Nabil Ouali
Mnémos, Dédales, roman (France), fantasy, 253 pages, novembre 2018, 21€

Malgré sa défaite, l’armée du Roi-Soldat a capturé Elin. Sa libération, savamment orchestrée, dévoile le secret de l’empereur aux yeux de son peuple en même temps qu’elle l’humilie. Pour juguler le soulèvement populaire, Glawol accepte de prendre le pouvoir.
Loin de là, les armées du Roi Souterrain approchent de Lamborre, sans savoir quelle horreur ni vivante ni morte les attend là-bas, où Ma’Zhir et ses esprits ont pris leurs quartiers. Captif des nains, Ravel n’est plus qu’une ombre.
Les enfants du Roi-Peintre assiègent la cité du Roi-Sage, pour s’emparer des armes fabuleuses nées de sa science, dont ils s’estiment injustement privés. L’assaut vire à la boucherie, Cobalt meurt, Ciel hésite, et c’est Saphir qui renversera la donne en prouvant qu’elle vaut mieux que ses frères.



Trois ans que nous attendions la fin. Trois ans que nombre d’entre nous tannions Nabil Ouali, en festivals ou sur les réseaux sociaux, pour avoir la fin de « la Voix de l’Empereur ». Une pression qui a fini par l’exaspérer mais à laquelle il n’a pas cédé, pour nous offrir finalement « Le Courage et le Vent » conforme à son projet.
Que dire, sinon que plus longue est l’attente, plus hautes sont les espérances ?
Et tout comme nous avons attendu, gardons-nous de juger trop vite.

Je n’ai pas relu les deux premiers tomes avant de me plonger dans « Le Courage et le Vent ». On y retrouve néanmoins immédiatement la même musique, celle des mots, des termes choisis. Et le même art de ne pas forcément aller là où on l’attend.

Après la fin surprise de Frimas et l’apparition de Tara, c’est la place consacrée à la guerre entre le Peintre et le Sage qui surprend. De magnifiques scènes de bataille, de charnier, une infiltration digne d’un rogue-like... tout cela pour habiller des messages très actuels, le refus de faire des femmes des personnages de second ordre, leur refus de rester dans l’ombre de leurs frères, pères, maris. Pour dénoncer l’appétit, l’ambition qui conduit à vouloir prendre de force ce qu’on aurait partager avec vous de bonne grâce. Et l’absurdité, l’horreur d’une guerre qui bascule par excès de confiance (d’un camp puis de l’autre). Nabil Ouali brosse de magnifiques portraits de dirigeants capables de se sacrifier pour le bien du plus grand nombre. Une qualité bien absente de notre quotidien, et qui sous-tend ce dernier tome, puisque le plan de Glawol passe aussi par la perte irrémédiable de certaines pièces essentielles.

Néanmoins, j’ai parfois peiné à me passionner pour cette fratrie détruite par une guerre stupide. Tout simplement parce qu’à côté se joue la conclusion des arcs narratifs d’Elin et Glawol, et de Ravel et Ma’Zhir. Tout comme je suis peut-être passé à côté du rôle de Tara dans ce volume, réduit à peau de chagrin et presque aucun enjeu.
La dramaturgie est à son comble lors de l’humiliation publique d’Elin, qui rappellera celle de Cersei Lannister dans « Le Trône de Fer », mais aux conséquences plus terribles encore. Le subterfuge de Glawol pourra sembler manquer de finesse, pour qui n’aura pas oublié (mais le pourrait-on ? j’ai encore les images et les derniers mots de son chapitre introductif en tête) quel est son véritable objectif. Toute sa vie n’était dédiée qu’à ce moment, et si son point d’orgue ne surprend pas, comme dans toute bonne tragédie, il n’en est que plus poignant.

Il en est de même pour la confrontation entre les frères, séparés enfants et on ne peut plus opposés. Si la trame de Ma’Zhir m’a toujours paru plus floue, elle trouve ici davantage de clarté grâce à Artelas. Comme de nombreuses choses, le rôle de la bête restera lui aussi sans réponse définitive (est une sorte de McGuffin ?), mais les retournements qu’elle induit n’en sont que plus savoureux. Et je me garderai de trop en dire...

Le livre refermé, on peut ressentir un léger pincement. Une pointe de déception ? Peut-être. Mais c’est avant de se rappeler que Nabil Ouali ne nous a jamais donné ce que nous voulions, qu’au contraire il n’a cessé de prendre le contrepied de nos attentes formelles ou scénaristiques. Dans ce dernier tome, il ne déroge pas à son habitude, utilisant son style ciselé pour nous offrir d’épiques fresques, des contes délicats et des scènes tragiques, tout cela au service des femmes, affirmant avec « Le Courage et le Vent » qu’elles sont la meilleure réponse pour l’avenir du monde, contre la folie des hommes et les chaînes qu’impose la religion.

Il nous rappelle que certaines batailles ne résolvent rien, mais qu’une seule mort peut faire basculer tout un monde vers la folie ou la raison. Que parfois un changement radical impose des méthodes tout aussi radicales, et que la tiédeur, la demi-mesure n’ont jamais rien résolu. Qu’à un système qui opprime, il faut opposer une résistance sans faille. Jusqu’à la victoire.

Cette trilogie ne nous aura jamais laissé prendre les chemins balisés, jouant avec les mots, nos attentes et le destin de ses personnages, résonnant avec les mutations psycho-sociales actuelles. Nabil Ouali n’a pas failli, et on remercie encore Mnémos d’avoir offert à son œuvre si bel écrin.


Titre : Le Courage et le Vent
Série : La Voix de l’Empereur, tome 3/3
Auteur : Nabil Ouali
Couverture : Atelier Octobre Rouge
Éditeur : Mnémos
Collection : Dédales
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 253
Format (en cm) :
Dépôt légal : novembre 2018
ISBN : 9782354086961
Prix : 21 €


1 - Le Corbeau et la Torche
2 - Le Poignard et la Hache
3 - Le Courage et le Vent


Nicolas Soffray
11 décembre 2018


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