Vasco a convaincu les siens de quitter la ville, puis de rester unis sur le bateau, mais le challenge est encore plus élevé dans cette dernière partie du voyage : avec l’épuisement, les dissensions éclatent dans la tribu, les jeunes mâles contestent l’autorité de Vasco, ne voyant que les bénéfices immédiats. Ils doivent se mettre en danger, et la tribu avec eux, pour réaliser la sagesse de leur chef. Mais si dans le bidonville l’évidence s’impose, une fois dans la forêt les choses se compliquent, car la vie y est moins facile mais tout aussi dangereuse, car cet univers leur est totalement étranger : les rats doivent réapprendre, redécouvrir leur nouvel environnement, les nouveaux prédateurs...

Face à la contestation, Vasco est de plus en plus isolé, et recherche même la solitude, le calme. Le rat ne supporte pas la courte vue de ses semblables, une vie qui se résume au présent, manger, dormir. Survivre. Il aspire, pour lui et les siens, à une vie sans violence omniprésente. Dans cette philosophie, il est rejoint par Zeya, la petite rate infirme. Ce rapprochement contrebalance la distance qui s’installe avec Régus et Nil. Car Vasco n’est pas un parangon non plus : la jalousie le dévore, et il met longtemps à se départir de ce sentiment, et de l’idée qu’il s’était faite d’une sorte de « dette » sentimentale de Nil à son égard. Avec Zeya, c’est davantage une relation père-fille qui se noue, confortant le rat dans son rôle de protecteur quand la tribu le rejette. Mais les talents de la petite rate, conséquences de sa cécité, vont aussi renverser les rôles.

La plus douloureuse des disputes est avec Régus. Le rat beige souffle le chaud et le froid sur la tribu. Tantôt il soutient Vasco, et sa décision ne souffre aucune réponse, tantôt ses instincts de solitaire prennent le dessus et il entraine tous les jeunes mâles contestataires dans son sillage. Plus individualiste et conservateur que Vasco, il se fait plus difficilement aux changements sociétaux que le héros veut imposer pour leur survie à tous. Il faut parfois d’autres leviers que les simples mots de son amis pour le faire plier. C’est là que Nil entre en jeu, rappelant que sans les femelles, les mâles n’ont aucun avenir.

Les discours féministes et pacifistes sous-tendent largement cette trilogie, mais sont encore davantage prégnants dans cette dernière partie. Vasco se démène pour montrer qu’une autre voie est possible, celle du dialogue, de l’entraide, de la paix, plutôt qu’une vie de violence, de faim, de mort et de peur.
Même les plus jeunes verront le parallèle avec notre espèce.

C’est donc une très bonne idée de Gallimard Jeunesse de redonner une nouvelle vie à cette trilogie. J’ai d’abord tiqué sur le choix de conserver trois volumes plutôt qu’une intégrale, mais le roman s’adresse aux lecteurs dès leur plus jeune âge (8-10 ans), et trois tomes de moins de 200 pages, écrits assez gros, sont moins effrayants qu’un pavé. La plume d’Anne-Laure Bondoux est très fluide, le vocabulaire sans difficulté, adapté à la petite tête des personnages et à une lecture agréable, sans martelage superflu des messages humanistes que l’histoire transmet à merveille.

A mettre entre les petites mains.

Titre : La Survie
Série : La tribu de Vasco, tome 3/3
Auteur : Anne-Laure Bondoux
Couverture : Renan Porto
Éditeur : Gallimard Jeunesse (édition originale : Bayard jeunesse, 2002, sous le titre « La tribu des forêts »)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 182
Format (en cm) : 20,5 x 14 x 1,5
Dépôt légal : juin 2018
ISBN : 9782075105439
Prix : 12 €

La Tribu de Vasco :
1 : La Menace
2 : L’Exil
3 : La Survie