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Comment écrire de la fantasy et de la science-fiction
Orson Scott Card
Bragelonne, collection Essais, traduit de l’anglais (États-Unis), 220 pages, octobre 2018, 14,90, €

Après « Personnages et point de vue, voici le second essai d’Orson Scott Card consacré à l’écriture. Le bilan apparaît également en mi teinte : nous ne connaîtrons certainement jamais les secrets ayant permis à cet auteur d’aboutir à de véritables réussites. Mais, ces secrets, les connait-il lui-même ? À défaut de lever le voile sur ce mystère, il enseigne au moins à ses lecteurs comment éviter des erreurs trop communes.



« L’imaginaire est une lentille par laquelle on voit le monde réel mieux qu’on ne pourrait le faire avec l’œil que nous a donné la nature. »

Un essai assez flou consacré à la définition de ce que sont ou ne sont pas les littératures de l’imaginaire, une introduction à ce qu’est la « hard-science » pour ceux qui n’en ont jamais lu, les grandes lignes le plus souvent retenues par les auteurs pour faire voyager l’humanité à travers des espaces incommensurables, ou presque, quelques précisions basiques sur le voyage temporel, les systèmes de magie avec leurs bases, les limites qu’il importe de leur fixer et les variations que l’on pourra en tirer : on est, dès la première partie, sur de grands thèmes, sur de grandes lignes qui intéresseront surtout ceux qui découvrent le genre.

« La deuxième chose que vous devriez apprendre de mes exemples est que les idées viennent de partout, à condition que vous pensiez à tout ce qui vous arrive comme étant une histoire potentielle. J’imagine volontiers que la différence entre les conteurs et ceux qui ne le sont pas, c’est que nous autres conteurs, comme les pêcheurs, nous tirons constamment un filet d’idées derrière nous.  »

La chose est entendue : que l’on n’aille pas attendre de « Comment écrire de la fantasy et de la science-fiction » des astuces d’écriture particulièrement élaborées. Ce que propose Scott Card, c’est un ensemble de règles très élémentaires à destination de personnes qui n’ont jamais écrit de littérature de l’imaginaire, et même parfois qui n’en ont pas lu. Le caractère particulièrement fondamental des principes rappelées par Scott Card, des principes à tel point évidents qu’un adolescent qui a déjà écrit une poignée de récits acceptables les aura déjà compris de lui-même – par exemple, la nécessité pour une histoire d’être tout simplement cohérente – laisse entrevoir un public que l’on ne peut pas considérer comme averti, ou même simplement réellement éveillé aux littératures de genre ou à l’écriture. Que Scott Card, dans son chapitre listant les manières possibles, ou, disons, les moins scientifiquement invraisemblables, de se déplacer sur d’immenses distances à travers l’espace, se sente obligé d’insister sur le fait que Star Trek ne soit pas un modèle de réalisme scientifique à adopter sous peine de se ridiculiser fait deviner le profil d’une partie du public de ses ateliers d’écriture : des Trekkies, ou, plus exactement (car nous ne souhaitons ni être réducteurs, ni mettre tous les Trekkies dans le même panier) ceux d’entre eux dont Star Trek représente la culture exclusive. Quelques chapitres plus loin, Scott Card, au sujet des hiérarchies et des missions accomplies par les personnages, reviendra d’ailleurs sur Star Trek en avertissant son public que «  les lecteurs de science-fiction ne tolèrent pas de telles inepties. »

C’est dire que plus d’un chapitre de « Comment écrire de la fantasy et de la science-fiction » pourra laisser sur sa faim le véritable féru du genre, ou même le lecteur de littérature générale ayant lu avec attention une poignée de classiques de l’imaginaire. Pourtant, on notera des points pertinents et des anecdotes intéressantes, et un exemple présenté par l’auteur montre, si besoin était, que les ateliers d’écriture peuvent permettre d’élaborer des idées complexes à leur tour susceptibles de donner naissance à de bons récits. Parmi les conseils, en évoquant des auteurs tels que Shakespeare, Frederik Pohl, Larry Niven, Tolkien, Lindholm, Robert Reed, Ursula K. Le Guin, Jane Austen ou Octavia Butler, il rappelle bien des évidences, mais aussi des éléments auxquels tous ne penseront pas forcément. Ainsi Scott Card alerte-t-il sur certaines facilités comme l’utilisation excessive de mots inventés, ou la lourdeur et la maladresse des prologues destinés à mettre en scène un monde imaginaire au détriment d’une exposition progressive, beaucoup plus fluide et moins artificielle. Il milite en faveur d’un juste dosage entre ce que l’on doit révéler et ne pas encore révéler au lecteur, notamment pour les nouvelles avant tout articulées autour d’une idée, et insiste sur le fait, exemples personnels à l’appui, que les histoires évoluent et s’améliorent au fil du temps, parfois des années, et qu’il ne faut jamais s’arc-bouter sur une idée de départ. Reprenant de façon synthétique la manière de choisir un personnage qui sera aussi le déterminant du point, décrite en détail dans « Personnages et point de vue », il complète son propos avec les justes dosages, pour qui souhaite décomposer une œuvre, des éléments « MIPE » (Milieu, Idée, Personnages, Éléments) en fonction du type de récit choisi, et précise les libertés qu’il peut être intéressant de prendre avec la chronologie en définissant le début et la fin de l’histoire. Et il n’hésite pas à revenir sur l’écueil bien connu où un personnage, pour faire parvenir des informations au lecteur, explique quelque chose à un comparse qui sait déjà tout – une erreur que l’on voit en effet bien trop souvent, y compris parfois chez des auteurs chevronnés.

Un bilan en mi teinte, donc, pour ce volume qui, tout comme « Personnages et point de vue », apparaîtra aux lecteurs de genre comme insuffisamment pointu pour être vraiment convaincant. Un essai, néanmoins, qu’il pourra être intéressant de feuilleter, et dans lequel plus d’un pourra trouver des exemples ou des astuces potentiellement utiles.


Titre : Comment écrire de la fantasy et de la science-fiction (How to write Science-Fiction and fantasy, 1990)
Auteur : Orson Scott Card
Traduction de l’anglais (États-Unis), l’anglais (Grande-Bretagne) : Karim Chergui
Couverture : Shutterstock
Éditeur : Bragelonne (édition originale : Bragelonne, 2006)
Collection : Bragelonne Essais
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 220
Format (en cm) : 14 x 21
Dépôt légal : octobre 2018
ISBN : 9791028102807
Prix : 14,90€


À lire également sur la Yozone :

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Hilaire Alrune
11 novembre 2018


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