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Galaxies n°54 (Nouvelle série)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Revue, n°54, SF - nouvelles - entretiens - articles - critiques, juillet 2018, 192 pages, 11€

Avec ce numéro 54, la revue « Galaxies » fête ses dix années depuis la reprise du titre par Pierre Gévart. Une étoile rouge assez inesthétique le souligne sur la couverture de Krystal Camprubi, évocation de l’Eurocon Nemo 2018.
Dans les dernières pages se trouvent d’ailleurs les souvenirs d’organisateurs d’anciennes conventions de science-fiction en France. Bien s’entourer, démarrer le projet suffisamment à temps... et surtout prévoir un bar bien fourni, voilà les sages conseils pour se lancer dans une telle entreprise.



Dans l’éditorial, Pierre Gévart évoque la nouvelle “Rex (Tremendae majestratis)” de Pierre Stolze qui n’est pas du tout au sommaire, étant remplacée par “Retour à la maison” de Mike Resnick. Dix années au compteur n’empêchent pas les ratés de ce genre !

La valse des nouvelles débute avec “Seul ce soir” du regretté Alain Dartevelle qui, malgré sa brièveté, raconte beaucoup de choses : relation d’un soir, évocation des possibles, monde alternatif sur fond de séduction / sexe... Elle est si travaillée que saisir le propos du premier coup semble illusoire.

Après un bilan 2018 et un rappel historique du Prix Infini devenu Prix Alain le Bussy, place à “Blue Binary Bluff” d’Antoine Vanhel, lauréate 2018. Deux robots R.A. et R.B. se retrouvent face à un grave dilemme. Comment le résoudre alors que les deux se ressemblent tant ? Ce texte fait assez daté par son thème, mais une bonne dose d’humour contrecarre ce sentiment et, au final, il se lit avec plaisir.

Jean-Pierre Andrevon nous plonge dans un “Vendredi” sans fin, un jour fluctuant qui, d’idyllique, vire insidieusement au cauchemar. Quelle est la réalité ? Est-on dans la matrice ? Le quotidien est-il édulcoré par un filtre se délitant petit à petit ?
Les variations glissées dans une trame identique à chaque fois interpellent, s’apparentent à une litanie qui reste dans notre tête et nous obsède. C’est très bien fait.

Pour son “Retour à la maison”, le fils unique d’un couple est accueilli froidement par son père. Il faut dire que son aspect n’a plus rien d’humain, car il a été adapté à la vie sur une planète lointaine. Une opportunité pour lui, une malédiction pour son père qui le lui reproche toujours. De son côté, son fils lui en veut de ne pas l’avoir averti que sa mère souffrait d’Alzheimer. Les retrouvailles s’apparentent à un dialogue de sourds, sa mère lui demande à de multiples reprises qui il est, s’il est habillé pour Halloween... La traitement s’avère très touchant, la maladie et le changement sont traités avec finesse. Tout en retenue, Mike Resnick fait fort et c’est toujours un bonheur de le lire.

L’Italien Giandomenico Antonioli livre la remarquable nouvelle “Le monastère des frères muets”, traduite par Jean-Pierre Laigle. Dès le début, il fait perdre aux lecteurs ses repères. Une évêque femme, échange du droit de tuer des ours contre des microprocesseurs, jeux virtuels, chariots à vapeur... autant de détails n’allant pas forcément ensemble et qui surprennent. Quelle est la situation ? Sans grandes explications, le Grand Désastre évoque la piste nucléaire. Le déroulement est très prenant, car bien des surprises attendent l’expédition lancée vers le Gran Sasso. Le contexte est très fouillé, notamment du point de vue religieux avec l’émergence d’un nouveau courant plus optimiste. L’ensemble est passionnant, riche en péripéties et en révélations. Une belle découverte !

Gillian Polack s’intéresse au passé que des mathématiciens rendent visible par bribes sur un écran. Encore faut-il trouver un élément suffisamment fédérateur pour croire en ce procédé ! L’événement choisi est plutôt tiré par les cheveux et ne suscite pas forcément l’intérêt pour “Les horreurs de l’histoire”, qui ne marque pas les esprits.

Le dossier est consacré à l’innovation dans la SF. En plus d’une nouvelle, Jean-Michel Calvez signe l’article : “Expertise et science-fiction : une hybridation prometteuse ?”, pas facile à résumer, mais qui se lit très bien et ne manque pas de sens. Giacomo Bersano donne une définition de l’innovation, diagrammes à l’appui, avant d’interviewer sur le sujet tout un panel d’auteurs de SF. C’est intéressant de voir comment chacun répond aux mêmes questions, certains ne distinguant pas vraiment la création de l’innovation. Le rédacteur en dégage les grandes tendances, notant fort justement qu’en France, les auteurs de SF ne sont pas vraiment pris au sérieux et ne sont pas vecteurs d’innovation comme ils pourraient l’être si le monde des sciences s’ouvrait plus.
L’ensemble se tient bien et se révèle aussi intéressant qu’instructif.
“Brise-larmes” de Jean-Michel Calvez clôt le dossier. Il revient sur le drame de Pukhet quinze années après. Un couple encore endeuillé par la perte de leur fille vient en pèlerinage sur les lieux à présent sécurisés par les Japonais. Si l’auteur présente l’invention qui briserait une vague géante, il s’attarde surtout sur le côté intimiste et douloureux de la perte, imaginant des vertus bienfaisantes à l’installation qui ne manquent pas d’interloquer. La dérive ne m’a vraiment pas convaincu.

Au rang des articles, Didier Reboussin parle de Gilles d’Argyre, le pseudo de Gérard Klein, ce qui n’est que justice tant son rôle est important dans le paysage de la SF en France. Sylvain Lamur décrypte la musique de Man or Astroman ? dont je n’avais jamais entendu parler. La rubrique “Musique et SF” ne cesse de me surprendre. À défaut de nouvelle, Pierre Stolze met en avant de manière poussée « Le baiser de la cigogne », un roman d’Hélène Laly.
Chroniques de livres et de bandes dessinées complètent ce numéro. Il est à noter qu’une partie est consacrée au seul Cthulhu qui a inspiré plusieurs auteurs dans la même période.

Ce numéro des dix ans est chargé : sept nouvelles dont se dégagent celles d’Andrevon, de Mike Resnick et de Giandomenico Antonioli, un dossier sur l’innovation et la SF, et des articles et chroniques en nombre. De quoi combler toutes les sensibilités !


Titre : Galaxies Nouvelle Série
Numéro : 54 (96 dans l’ancienne numérotation)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Couverture : Krystal Camprubi
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, entretiens...
Site Internet : Galaxies
Dépôt légal : juillet 2018
ISSN : 1270-2382
Dimensions (en cm) : 13,8 x 20,9
Pages : 192
Prix : 11€



Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
17 août 2018


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