Dès la première double-page, le lecteur ne peut qu’être surpris en voyant quelqu’un courir dans son scaphandre sur le sol lunaire et s’exprimer : « on peut rentrer maintenant ?! » Il s’agit de Kate à 7 ans, elle trouve que le cadeau de son père n’est en rien extraordinaire et n’attend que de rentrer pour enfin vivre de grandes choses. Un début surprenant, mais qui prend tout son sens au fil de l’album qui nous fait perdre nos repères au fur et à mesure des rebondissements.
L’histoire ne se déroule pas sur notre Terre, mais sur une Terre parallèle bien différente, beaucoup plus délirante quand on voit sa société et sa mixité.
Le scénariste Joe Keatinge sait parfaitement ménager ses effets, comme cette scène où elle tire les rideaux de son appartement plongé dans le noir pour révéler une vue de la ville. Graduellement, le lecteur se demande où il se trouve, dans quel monde vit Kate et jusqu’où l’imagination du scénariste le plongera. Très loin, soyez en sûr !
Le dessin et la colorisation sont au diapason de cette création des plus originales. Suivant la période de la narration (passé plus ou moins lointain, présent), le style et le remplissage changent, montrant la coupure. Les premières fois, cela surprend, mais au final, on ne peut qu’adhérer à cette manière de procéder, tant le récit part dans tous les sens. En effet, avec Kate, les mondes parallèles s’ouvrent à nous. Pas seulement le sien, mais aussi tous les autres quand sa famille lui apparaît plus grande qu’elle ne devrait.
Son visage présente des traits acérés, alors que son chat arbore une bouille toute ronde et ne manque pas de répartie. Un vrai personnage de cartoon ! Et que dire des méchants et des plus ou moins gentils ? Tout est permis : le majordome squelette, les ninjas roses, un tricératops comme monture... la liste est longue et clairement ce comics en met plein la vue.
Au dessin, Leila Del Duca montre sa virtuosité à donner vie à cet univers déjanté, elle réussit à donner corps à des créatures improbables, des décors futuristes et surannés. Même au niveau du découpage, elle multiplie les effets et contribue à créer une ambiance perturbante, souvent relevée par des couleurs psychédéliques. Quel graphisme !
Ce premier tome de “Shutter” nous transporte dans un monde parallèle où tout semble possible. Son héroïne Kate s’apparente à une Lara Croft qui dispose d’un terrain de jeu bien plus vaste. L’action est omniprésente, les rebondissements se succèdent quasi sans temps morts. Il faut aimer être surpris, être malléable pour suivre des développements des plus surprenants, voire saugrenus, pour adhérer à ce comics déjanté. Une fois rentré dans l’imagination débridée des auteurs, attention à l’avalanche d’effets scénaristiques et visuels.
Par son côté extrême et sans compromis, “Errance” divisera, c’est certain, mais c’est un vrai plaisir à lire, car ça part dans tous les sens et aucun aspect n’est en reste.
Un comics très stimulant !
(T1) Errance
Série : Shutter
Scénario : Joe Keatinge
Dessin : Leila Del Duca
Couleurs : Owen Gieni
Traduction : Philippe Touboul
Éditeur : Glénat Comics
Dépôt légal : 18 octobre 2017
Format : 18,5 x 28,3 cm
Pagination : 144 pages couleurs
Numéro ISBN : 9782344022993
Prix public : 15,95 €
Illustrations © Leila Del Duca, Owen Gieni et Glénat Comics (2017)