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YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Invasion
D. Nolan Clark
Bragelonne, science-fiction, 475 pages, mars 2018, 20 €


« Il trouvait une beauté angoissante aux gueules tortueuses des trous de ver, aux murs pâles des tunnels, aux jets radieux qui s’élançaient vers le vaisseau telles des griffes fantômes qui se désintégraient juste avant d’atteindre leur proie. »

Dans l’avenir imaginé par Nolan Clark, l’humanité, tout comme dans les futurs de Peter F. Hamilton, a colonisé l’espace en franchissant d’incommensurables distances grâce aux raccourcis offerts par les fameux « trous de ver ». Après des guerres incessantes, le modèle civilisationnel que l’on voit peu à peu se dessiner dans le monde réel est parvenu à son plein accomplissement : on a laissé les multinationales gérer non seulement le commerce, mais également tout le reste. Un modèle qui a fait un moment ses preuves, et que l’on a considéré un moment comme le meilleur, notamment parce qu’il permettait d’éviter les conflits. Mais cela n’a pas vraiment duré : bientôt, les multinationales se sont mises à se faire la guerre entre elles. Fort heureusement, la puissance militaire – la Navy – est restée entre les mains des États. Cette Navy n’a pas d’autre choix que d’« arbitrer » ces conflits en épousant systématiquement la cause de la multinationale la plus faible et en écrasant la plus forte, pour éviter que l’une d’elles ne prenne le dessus sur toutes les autres. Un pis-aller comme ligne politique pour l’humanité : on peut parler de lendemains qui déchantent.

« Ici, j’ai une chance de sauver cent mille personnes. C’est beaucoup plus que j’en ai jamais tué. Ça ne me rachètera pas, bien sûr. Mais c’est un bon point.  »

C’est dans ce contexte que la planète Niraya, colonisée par des habitants paisibles, une centaine de milliers d’âmes, se trouve attaquée de la manière la plus barbare qui soit. Par quelle multinationale, on l’ignore. Mais Centrocom, qui en est en charge, ne se décide pas à intervenir : quelques modestes extractions minières sur cette planète, financièrement, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Quant à la Navy, elle n’intervient qu’en cas de conflit entre multinationales. On va donc laisser les habitants se faire massacrer jusqu’au dernier.

« Je suis venu repousser cette invasion. J’ai amené avec moi autant de pilotes que possible. J’aurais aimé en avoir plus. Je ne vais pas vous promettre un miracle : ça va être une sacrée bataille et il n’est pas impossible qu’on la perde. »

Mais c’est compter sans Aleister Lanoe, trois cents ans et une multitude de guerres au compteur, le pilote le plus mythique, le plus légendaire de l’univers connu. Qui s’empresse de prendre fait et cause avec son vieux chasseur pour défendre les opprimés. Qui monte une petite équipe avec Zhang, son ancienne ailière (laquelle, après avoir perdu ses jambes au combat, a fait transférer sa personnalité dans un corps plus jeune, mais pas complet puisque ce corps est aveugle) avec Zheta, quasiment la seule autre rescapée de sa fameuse escadrille, avec Magg, ruffian de la pire espèce mais pilote de première, avec Valk, le légendaire Diable Bleu qui autrefois a combattu Aleister Lanoe, et avec Thom, fils d’aristocrate en fuite et aux talents de pilote kamikaze. Une équipe bien éclectique. Une poignée de combattants contre une flotte entière ? Qu’importe, à partir du moment où la cause est belle.

« Les pilotes ressentaient une peur spéciale du vide. Celle d’être aspiré par une brèche de la coque puis de tomber, tomber pour l’éternité. »

Des ennemis indéfinissables qui pourraient bien être autre chose qu’une simple multinationale – quelque chose d’encore plus teigneux et plus difficile à combattre – le détournement des assaillants vers les lointaines planètes Garuda et Aruna, des batailles spatiales épiques, des attaques vertigineuses en rase-mottes, des affrontements au sol, des aventures dans les entrailles de vaisseaux ennemis, des prises d’assaut de mines planétaires, des retournements de situation à tout va. On s’en doutait : ça dézingue dans tous les sens et on peut faire confiance à Nolan Clark pour transformer à vitesse supraluminique un espace intersidéral que l’on pourrait croire infini en cimetière encombré de débris de vaisseaux spatiaux en train de refroidir. Pour permettre au lecteur de respirer, un soupçon de romance justement dosée vient donner un peu d’humanité à l’ensemble.

« Plus l’objet à protéger est gros, plus le champ de force requiert d’énergie. La demande augmente de façon exponentielle, au point de vite dépasser ce que n’importe quel réacteur est capable de fournir. Impossible de protéger un destroyer ou un croiseur avec un champ de force. Alors que nos braves petits chasseurs pouvaient en avoir un tout en gardant de l’énergie pour leurs propulseurs. Ainsi est né le cataphracte. »

Côté puissance d’évocation, on n’est pas au niveau d’auteurs maîtrisant pleinement le genre à la manière de Peter F. Hamilton. Les péripéties priment. On n’ira pas non plus chercher la moindre once de vraisemblance scientifique dans ce roman où l’on se poursuit en traversant des trous noirs, et où la technologie a le caractère simpliste, voire simplet, d’un « Star Wars » : on y pilote encore à la main des chasseurs frôlant la vitesse de la lumière et l’on s’y mitraille en utilisant des mires de visée comme on le faisait déjà durant la première guerre mondiale. Les dialogues sont efficaces mais souvent superficiels, les personnages suffisamment saillants pour être facilement identifiables mais peinent à échapper aux stéréotypes. Et l’on comprend une fois encore que certains space-operas ne sont que des déclinaisons contemporaines de récits de mousquetaires, de pirates ou de cow-boys… ou même de space-operas antérieurs ! On trouvera aussi des robots tueurs qui ne sont pas sans évoquer les fameux tripodes de H.G. Wells. Reprises ou hommages, peu importe : le lecteur et le cinéphile auront ici et là comme une impression de déjà-vu.

« Le faisceau de particules plongea dans les entrailles du vaisseau, le tailladant comme une dinde rôtie. Il n’y eut pas grand-chose à voir – les dommages étaient internes – mais les canons de l’intercepteur cessèrent de vomir leurs projectiles. »

Il y a dans « Invasion  » un goût indéniable des « Sept mercenaires », ou encore d’Alexandre Dumas façon « Vingt ans après ». Des histoires de guerriers, d’anciens soldats au grand cœur qui ont le sens du sacrifice, qui aiment avant tout l’aventure, et qui découvrent peu à peu les populations qu’ils ont choisi de protéger. Ce goût – mais on connaît déjà Nolan Clark, alias David Wellington – c’est celui d’une certaine littérature populaire, avant tout destinée à tromper l’ennui, une littérature simple et généreuse, sans prétention, qui correspond parfaitement à l’esprit des anciens feuilletons de la presse et des fascicules d’aventures.

Les amateurs de romans dits de quai de gare – la formule n’est pas péjorative – devraient donc apprécier cet « Invasion  » qui remplit son contrat, même si l’on souhaiterait à l’ensemble un petit supplément d’âme et d’originalité. Ces amateurs ne devraient d’ailleurs pas tarder à retrouver le commandant Aleister Lanoe et ses acolytes pour de nouvelles aventures, « Invasion  » étant présenté comme le premier volume d’une trilogie, « La Longue traque », dont les tomes suivants sont en cours d’écriture.


Titre : Invasion
Auteur : D. Nolan Clark
Série : La longue traque, volume I
Couverture : Julian Nguyen
Traduction : Claude Mamier
Éditeur : Bragelonne
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 547
Format (en cm) : 15 x 22,7
Dépôt légal : mars 2018
ISBN : 9791028106959
Prix : 20 €



D. Nolan Clark alias David Wellington sur la Yozone :

- « Positif »
- « 13 balles dans la peau (Vampire Story I) »
- « 99 cercueils (Vampire Story II) »
- « Vampire zéro (Vampire Story III) »
- « 23 heures (Vampire Story IV) »


Hilaire Alrune
15 mai 2018


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