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Vostok
Laurent Kloetzer
Gallimard, Folio Science-Fiction, n°598, roman (France, 2016), science-fiction, 512 pages, février 2018, 8,30€

À la tête d’une bande de gamins, la jeune Leo écume les rues de Valparaiso. Juan, son grand frère, n’est pas n’importe qui, il s’agit d’un des pontes du cartel et, quand leur maison est détruite par un missile, car Juan devient trop menaçant, ils déménagent dans une grande demeure dans laquelle Leo reste sous surveillance pour sa protection. Fini la liberté !
Sortant de son champ d’action, Juan lance une opération d’enlèvement, mais cela tourne mal et la vieille scientifique meurt. Il devient alors gênant pour ses supérieurs qui ne veulent plus le couvrir. Seule la promesse des codes d’accès au vault des Andins le sauve, encore faut-il réussir ! L’ancienne station russe Vostok au pôle sud géomagnétique abrite le secret qui manque à Juan. Il embarque avec lui, entre autres, sa sœur Leo qui semble la clé du succès.



« Vostok » possède un côté déroutant, car la science-fiction y apparaît discrète, se faisant souvent oublier. De plus, après lecture du résumé et à la vue de la couverture, on pense plonger en plein pôle sud dans des conditions extrêmes. Or, il n’en est rien, tout débute à Valparaiso où se déroule le drame qui va conduire tout ce petit monde à Vostok, la station russe désaffectée implantée au pôle géomagnétique. Les équipes s’y sont succédé pour forer la glace jusqu’à atteindre un lac à 3700 mètres de profondeur. Juan en est persuadé, la clé y est. C’est là que Veronika Lipenkova aurait trouvé Europa et s’en serait inspirée pour son code de cryptage.
Il parvient à convaincre le cartel de financer une opération pour la chercher. En cas de succès, ils intègreraient le réseau des Andins et accéderaient ainsi à la toute-puissance de leurs ennemis. Il n’a pas le choix, il est condamné à réussir. Juan est quelqu’un qui a la foi, qui croit aux prédictions et en sa bonne étoile. Il sait se montrer dur pour assoir sa domination sur son entourage, mais aussi très doux envers sa sœur. La famille est sacrée. Leo voit en Vostok un nouveau départ dans la vie, car la réclusion lui pèse, elle qui a soif de liberté. Elle a perdu de vue ses compagnons, seul lui est resté fidèle, Araucan, un ghost.

Le contexte n’est qu’esquissé, il n’est pas facile d’avoir une vue d’ensemble. Les Andins demeurent un peu une énigme, ils mènent des projets fous comme repeindre les montagnes, vaporiser les nuages... et dirigent un vaste réseau d’engins survolant la planète, tel une épée de Damoclès. Quand le roman se déroule-t-il ? Je serais bien en peine de répondre à la question. La SF demeure en arrière-plan, s’estompe au profit de Vostok, la station au milieu d’un désert de glace. Chacun s’y transforme en explorateur, subsistant plus ou moins difficilement à la cohabitation, toujours à la merci d’une panne de générateur... et de la volonté de Juan qui n’en démord pas. Il va réussir, il faut juste le temps.
Cette promiscuité pèse à beaucoup, elle fragilise les esprits, car il n’y a pas de fuite possible, notamment quand l’hiver arrive. L’attention des lecteurs se focalise sur Leo, une jeune fille qui ne devrait pas courir de tels risques mais fait front avec courage et détermination. Au contact de Vostok, elle grandit, se transforme jusqu’à embrasser une réalité autre, plus vaste. Il plane toujours l’ombre de Veronika Lipenkova sur la station où elle a passé une bonne partie de son existence, la nostalgie de temps appartenant au passé et la présence évanescente du ghost qui a besoin des gens réels pour exister.
À l’image des étendues blanches glacées, « Vostok » possède un côté hypnotique. Longtemps, la voie empruntée par Laurent Kloetzer demeure une énigme. Où veut-il en venir ? La SF se fait oublier pour mieux resurgir de manière légère. Leo, Juan et la station se dégagent du récit et lui donnent un aspect envoûtant, entêtant dont on ne peut se départir. La conclusion laisse pensif, le lecteur reste captif de l’étendue glacée et, à l’image des personnages, ne parvient qu’avec peine à tourner la page d’une expérience à la fois traumatisante et enrichissante.

Au fil des romans « L’anamnèse de Lady Star », « Vostok » et le récent « Issa Elohim », Laurent Kloetzer dresse le tableau d’une société future difficile à dater et subtilement décalée. « Vostok » fait montre d’une SF légère, souvent à l’arrière plan, facile à oublier, car si bien intégrée au récit. Ce roman s’adresse finalement à un vaste public que l’étiquette ne doit pas effrayer, la nature humaine y est décryptée, révélée par des conditions extrêmes.
Laurent Kloetzer mérite d’être suivi, car il possède une voix originale dans la science-fiction française. À chaque fois, il me surprend agréablement.


Titre : Vostok
Auteur : Laurent Kloetzer
Couverture : Aurélien Police
Éditeur : Gallimard (1ère édition française : Denoël Lunes d’Encre, 2016)
Collection : Folio SF
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 512
Format (en cm) : 10,8 x 17,8
Dépôt légal : février 2018
ISBN : 9782072766022
Prix : 8,30 €


Du même auteur sur la Yozone :
- « Issa Elohim »
- « Bifrost 83 » spécial Laurent Kloetzer
- « Mémoire vagabonde »
- « Petites morts »
- « Le royaume blessé »


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
13 avril 2018


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