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Songe d’une Nuit d’Octobre (Le)
Roger Zelazny
ActuSF, Perles d’épices, roman traduit de l’anglais (USA), fantastique, 283 pages, janvier 2018, 18€

En ce mois d’octobre 1887, le 31 va tomber une nuit de pleine lune, conjonction idéale pour ouvrir la Porte... ou La maintenir close. D’étranges personnages s’organisent, récoltant les ingrédients nécessaires à leurs rituels, d’un camp ou de l’autre. On s’étudie, on se teste, on s’allie parfois, avant la date fatidique. De puissants personnages, sorciers, connaisseurs des arts sombres sont de la partie. Et pas qu’eux... leurs familiers aussi.
Snuff est le chien de Jack, un grand type qu’on a pas envie de croiser dans les rues sombres de Londres. Leur retraite à la campagne n’est pas pour lui déplaire. Animal plus intelligent que la moyenne, capable de parler à son maître l’heure qui suit minuit, il est le calculateur du duo : au fil de ses rondes, de la reconnaissance des lieux de vie des différents Joueurs, c’est lui qui va déterminer le point précis où va s’ouvrir la Porte.
En fidèle compagnon, il noue aussi des contact avec les autres familiers : Graymalk, la chatte de Jill la Folle, Nightwind le hibou, Quicklime le serpent de Rastov, Needle la chauve-souris du Comte, Cheeter l’écureuil... entre les animaux, capables de communiquer, les rapports s’équilibrent, on s’échange informations, conseils, déductions, avec confiance ou suspicion tandis que les jours passent et que le Jeu s’accélère : certains Joueurs sont plus agressifs, détiennent telle relique plus ou moins décisive, et sont près à tout pour affaiblir le camp adverse en prévision de la dernière nuit...
Cette édition semble particulièrement mouvementée. Un prêtre virulent semble Jouer pour la première fois, avec violence et audace, et quelques personnes satellites, observateurs actifs, viennent fausser les calculs de Snuff.



Publié il y a plus de 25 ans, ce « Songe d’une Nuit d’Octobre » est une pépite de Roger Zelazny qu’on est heureux de voir rééditée en français. L’auteur du cycle des Princes d’Ambre, entre autres, écrivait là un de ses derniers romans, mêlant fantastique lovecraftien, en toile de fond, grands personnages de la littérature de genre (Sherlock Holmes, Jack l’éventreur, Raspoutine, Frankenstein...) et une bonne dose d’humour.

Et cela par un procédé fort astucieux : se placer à hauteur de chien. De super-chien, certes. Pas dans un personnage humain, pas dans le personnage central, mais à côté, dans le compagnon. Celui qui ne sait pas tout, qui ne voit pas tout ce qui se prépare mais qui, dans son domaine, participe activement.

Comme un agent de l’ombre, Snuff fait sa part du boulot. Au fil des jours-chapitres, on a même la sensation qu’il est la tête pensante du duo : c’est lui qui doit trouver la Porte, son réseau d’information est très efficace, ses alliances décisives. Jack semble pâle et peu actif. Mais cette sensation est la marque du succès du procédé, et quelques scènes viennent nous rappeler que l’humain n’est pas à sous-estimer. Son arme non plus.

Zelazny se plait à mettre en scène ses Joueurs célèbres. Ainsi du Grand Détective, comme l’appelle Snuff, qui ne sera pas nommé, venu jouer les trouble-fêtes dans leurs préparatifs d’Halloween. Maître du déguisement, il bluffera tous les humains mais ne fera pas illusion face à notre héros à quatre pattes.

Les familiers ne passent pas un mois calme. Chacun étant officiellement l’espion de son maître, ils sont régulièrement chassés par les joueurs adverses. Entre eux, la guerre qui couve est plus froide. Zelazny prend un plaisir évident à dépeindre des auxiliaires animaux plus diplomates et pondérés que les hommes, qui apparaissent souvent impulsifs. Un renversement de caractères qui provoquent des situations délectables.

Les rebondissements sont nombreux dans cette (murder-)partie de campagne, et l’incertitude sur l’identité des Joueurs et leur affiliation maintient le suspense jusqu’au bout. Quelques éléments aléatoires y rajoutent le sel de l’imprévu, ce qui déplaît au calculateur Snuff, mais sauve potentiellement notre monde. Jusqu’au prochain 31 octobre de pleine lune. Tous les 19 ans, et le prochain est en 2020, apprend-on au détour de la préface fort érudite de Timothée Rey, qui en ouverture nous donne nombre de clés culturelles et littéraires pour savourer pleinement, sans révélation malvenue, toute la richesse du texte de Zelazny.

Une pépite, presque un jeu littéraire très riche et tout de suite immersif, une plongée dans des terrains connus rassemblés en un tout cohérent, et narré avec ce décalage inattendu qui lui donne un style à nul autre pareil. On pourra s’essayer à reconstituer les emplois du temps des hommes, mais il a l’air moins palpitant que les aventures des animaux, au rôle décisif jusqu’à la dernière minute... et jusqu’à la prochaine fois, pour les duos gagnants.
Devinerez-vous dans quel camp sont Jack et Snuff ? J’avoue avoir pris avec des pincettes les déclarations du chien, car autant que les autres, il sait parfois prêcher le faux pour savoir le vrai...


Titre : Le Songe d’une Nuit d’Octobre (a night in the lonesome october, 1993)
Auteur : Roger Zelazny
Traduction de l’anglais (USA) : Ange Desmarais, 1995
Préface : Timothée Rey
Couverture : non créditée
Éditeur : ActuSF (édition originale : J’ai Lu, 1995)
Collection : Perles d’épices
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 230
Format (en cm) : 20 x 14 x 2,5
Dépôt légal : janvier 2018
ISBN : 9782366298604
Prix : 18 €


Signalons une dizaine de coquilles, plutôt grossières, malheureusement...


Nicolas Soffray
3 février 2018


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