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Main de l’Empereur (La), tome 1
Olivier Gay
Bragelonne, roman (France), fantasy, novembre 2016, 374 pages, 20€

Fils illégitime d’un gladiateur émérite et de l’épouse d’un riche marchand qui la délaisse... Adolescent débrouillard et déjà belle gueule, un rien trop curieux... Combattant de talent de l’arène, entré dans la légende... Repéré et protégé par l’Empereur... Soldat pour l’Empire, sous-officier pragmatique... Maître de guérilla, terreur de l’ennemi... Vainqueur des guerres koushites...
Voici les 25 premières années de la vie de Rekk, trois fois Cimeterre d’or dans les arènes de Musheim, dit Danseur Rouge, dit Unga’ular, dit Le Boucher.



Rhâ, qu’il est difficile de raconter un prequel sans tout révéler... Car « la Main de l’Empereur », pour ceux qui n’ont pas suivi, raconte la jeunesse du croquemitaine des « Épées de glace » (précédemment paru en diptyque sous les titres « Le Boucher » et « La Servante ») : une histoire sombre dans laquelle un père vient venger le meurtre de sa fille, quel qu’en soit le prix, qui que soit le coupable... même s’il devait être destiné à monter sur le trône impérial, par exemple.

Mais, et c’est le talent des plus grands, l’on peut aisément lire « La Main de l’Empereur » en premier. Bien sûr, quelques petites allusions vous échapperont, certaines références ne vous feront pas tiquer, rien de grave... mais du coup, hormis Rekk, vous n’êtes pas assuré de la survie de la plupart des personnages.

Et Olivier Gay, à la plume plus affûtée que l’épée de son héros, n’y va pas de main morte. Son écriture très efficace, équilibrant à merveille dialogues, action dépouillée et descriptions réduites à l’essentiel, ne s’embarrasse pas de divagations lyriques sur la beauté du paysages ou de longue introspection sur le sens de la vie : Rekk vit dans le présent, parce que sa vie tient perpétuellement à un fil, de sa jeunesse dans l’arène jusqu’aux terres de Koush. Ensuite, parce que les morts pleuvent dès les premiers chapitres.
On ne forge pas un héros sanguinaire dans la soie et le duvet. Dans les 100 premières pages, on lui tue sa mère, son père, le coupable est châtié dans la foulée... Puis, une fois dans l’armée, on s’en prendra à sa mère adoptive, à une de ses rares amies, une contrebandière nommée Dareen... Il ne fait pas bon être proche de Rekk. Mais il fait encore pire avoir affaire à lui lorsqu’il est en colère.

Olivier Gay réussit à nous rendre sympathique, presque attendrissant, un héros à la fois trop gâté par la nature (il est beau et diablement mortel une épée à la main) et profondément naïf, dépourvu de subtilité tant dans ses actes que dans ses contacts avec les autres, persuadé que cette franchise désarmante lui ouvrira toutes les portes. Quitte à défoncer celles qui resteront fermées. Au fil des pages et des années qui s’écoulent, le portrait de Rekk se nuance, bien sûr, il est plus qu’une belle brute, mais le fond de sa personnalité est là : ancrée en lui, marquée au fer.
On ne peut lui donner totalement tort, puisque les faits lui donneront souvent raison : la franchise avec les autres soldats lui apporte leur confiance, et dans la sale guerre contre les Koushites, elle est nécessaire. Mais la violence, la colère, la peur sont des armes dont il a appris le maniement depuis l’enfance, et font sa force, parmi les siens comme face à l’ennemi. Son talon d’achille : les traîtres dans son camp, les manipulateurs, au premier rang desquels l’Empereur Bel, pour qui les hommes ne sont que des pions. Et si Rekk est une pièce décisive, qu’il serait chagriné de sacrifier trop tôt, d’autres sont remplaçables...
Toute la « subtilité » sera donc l’affaire des autres protagonistes, que le lecteur observera, avec plus ou moins de frissons d’anticipation, manœuvrer dans l’ombre, ordonner des meurtres sans le moindre scrupule, traçant leur voie autour de celle de Rekk.

Après la genèse du combattant, l’auteur nous l’envoie dans une sale guerre, donc, en pleine jungle, un conflit inégal qui n’est pas sans rappeler les nombreuses incursions occidentales en Asie (bien que les Koushites soient noirs de peau, mais comme dit Rekk, ils saignent rouge comme nous) de la seconde moitié du XXe siècle, Iwo Jima, Dien Bien Phu, le Viêt-Nam, etc. Après une sévère déculottée, l’Empire, en position de faiblesse, opte pour la tactique de la terre brûlée, et envoie Rekk cramer des villages et tuer des civils dans la jungle. Avant même de découvrir que les racines de sa haine pour les Koushites sont pourries, Rekk est travaillé par ce sale boulot et montre des remords, une remise en cause des choix, des ordres, de ses actes, et de fait une dimension psychologique torturée. Un état bien naturel pour un jeune adulte plongé dans un tel enfer et porté aux nues pour des actes barbares.
Les lecteurs assidus d’Olivier Gay ne seront pas surpris : tous ses personnages, même les plus archétypaux en apparence, ont une psychologie bien plus fine et travaillée qui les rend très humains sitôt qu’on s’attache un peu à leurs pas.

Saluons également la magnifique couverture de Magali Villeneuve (qui, en toute objectivité, ne sait faire que des couvertures magnifiques), première tentation de prendre ce livre en main, pour l’ouvrir et ne plus le lâcher ensuite. Ses 370 pages n’auront tenu que trois jours entre mes mains, et bien qu’en théorie, je sache comme cela finit, je n’ai qu’une hâte : lire la suite, prévue pour cet automne.


Titre : La Main de l’Empereur
Série : La Main de l’empereur, tome 1
Auteur : Olivier Gay
Couverture : Magali Villeneuve
Éditeur : Bragelonne
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 374
Format (en cm) : 24 x 15 x 3
Dépôt légal : novembre 2016
ISBN : 9791028101091
Prix : 20 €



Nicolas Soffray
19 mai 2017


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