Illustrateur depuis plus de quarante ans (Batman, Killraven, Star Wars, Conan), Craig P. Russel n’en est pas à sa première collaboration avec Neil Gaiman : “Sandman”, “L’étrange vie de Nobody Owens” et “Coraline”.
Avec “Le Premier Meurtre”, il adapte une pièce radiophonique de l’auteur britannique vivant aux États-Unis. Sur les 112 pages de l’album, une quarantaine tournent autour de sa création. Russel y explique sa façon de fonctionner, les choix qu’il opère pour capter les lecteurs et les pousser à s’interroger sur certaines situations... Présenté au moyen d’un entretien, le processus créatif s’avère très instructif et apporte un autre regard sur cette œuvre.
Habilement, “Le Premier Meurtre” débute par le vif du sujet avec l’ange poignardé, avant un retour sur terre, avec un homme de passage à Los Angeles et qui retrouve le temps d’un soir une ex-petite-amie. Russel émaille les planches de détails troublants qui intriguent le lecteur, sans qu’il puisse forcément en donner la raison. Et finalement, la rencontre avec l’ange déchu et le dialogue qui s’instaure sur un banc apportent des certitudes. Finis les non-dits donnant un étrange sentiment. Aussi bizarre que soit l’histoire racontée, elle tranche dans ce quotidien plutôt glauque, elle est même empreinte d’une certaine pureté. Comme chaque narrateur s’exprime à la première personne, le récit de Raguel est enchâssé dans la vie de l’homme de passage.
La partie centrale de ce comic se passe à la cité d’argent où une multitude d’anges travaille à la création, expérimentant des concepts pour qu’ils deviennent un jour une réalité. Chacun a sa place, joue le rôle qui lui est désigné. Raguel attend d’être appelé, il sait qu’il existe mais ignore le pourquoi, jusqu’à ce que Lucifer, le premier ange, lui apparaît. Son chemin est désormais tracé, il symbolise la justice, celui qui doit trouver l’assassin et le châtier. L’intrigue s’avère diabolique et s’inscrit dans un vaste plan, celui que l’on connaît...
En feuilletant l’ouvrage, je n’ai pas vraiment eu envie de m’y plonger. Peut-être la vue de ces anges asexués, symboles religieux s’il en est ! Par contre, une fois la lecture commencée, impossible d’en sortir, car la magie de Neil Gaiman opère comme d’habitude. Le merveilleux s’installe dans le quotidien sans que cela ne rebute et Craig P. Russel le met très bien en scène et en images.
Il donne vie à cette pièce radiophonique, lui rajoute la dimension de l’image qui lui va très bien, notamment grâce à sa maîtrise du découpage. Sa vision de la cité d’argent nous transporte ailleurs, aussi bien par le dessin que par la couleur de Lovern Kindzierski.
“Le Premier Meurtre” fait son effet. L’adaptation de l’œuvre de Neil Gaiman par Craig P. Russel est réussie et prouve une fois de plus que cette collaboration fonctionne parfaitement. Le polar s’invite parmi les anges pour le meilleur, mais cet album est loin de se résumer à cette seule intrigue.
Dérangeant et envoûtant !
Le Premier Meurtre
Scénario : P. Craig Russel
D’après l’oeuvre originale de : Neil Gaiman
Dessin : P. Craig Russel
Couleurs : Lovern Kindzierski
Éditeur : Delcourt
Collection : Contrebande
Pagination : 112 pages couleurs
Format : 18,8 x 28,4 cm
Dépôt légal : 31 août 2016
Numéro ISBN : 978-2-7560-8108-3
Prix public : 15,95 €
À lire sur la Yozone :
L’Étrange vie de Nobody Owens (T1)
L’Étrange vie de Nobody Owens (T2)
Illustrations © P. Craig Russel et Éditions Delcourt (2016)