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Hammour
Bruno Pochesci
Black Coat Press, Rivière Blanche, roman, science-fiction humoristique, 352 pages, novembre 2016, 25€

Elyah et Hugo s’aiment dans une société bien mal en point. Après une relation sexuelle dans une hutte prévue à cet effet dans un parc, une énième guerre contre le pays voisin, les Valls’, est déclarée. Hugo est envoyé au Tarthare, comme chair à canon dont l’espérance de vie est des plus brèves, et Elyah chez les espionnes formées à tous les plaisirs pour parvenir à leurs fins.
Les chances de se revoir s’avèrent des plus minces, elles sont quasi inexistantes. Mais Elyah est persuadée d’être enceinte, alors il leur faut tenir, franchir tous les obstacles pour être à nouveau réunis.



Depuis “Les retournants”, Bruno Pochesci écume les sommaires des revues et fanzines, il a remporté deux fois le Prix Visions du futur et une fois le Prix Alain le Bussy. Après de nombreuses nouvelles publiées, il nous livre son premier roman, « Hammour ».

Il me faut avouer que le bref aperçu ci-dessus est pour le moins trompeur. Non pas qu’il soit mensonger, mais plutôt qu’il s’écarte de l’esprit loufoque voulu par l’auteur. Rien que le titre donne le ton. Elyah et Hugo ne s’aiment pas, ils s’haimment ! Ce livre n’est pas vraiment rédigé en français, mais en sub’, la langue du pays où vivent, ou plutôt survivent, les deux tourtereaux. Il est clair que c’est l’occasion pour Bruno Pochesci de se faire plaisir, de sans cesse inventer de nouveaux mots détournés.
Au fil de mes chroniques, je vantais son imaginaire débridé, ses idées tordues qui lançaient les lecteurs dans des histoires improbables. Là, il va beaucoup plus loin et pas forcément où il était attendu. En effet, ce que l’on retient surtout d’« Hammour », en plus de la trame principale, c’est ce foisonnement de jeux de mots.
Dès l’entame, il y a de quoi être surpris, voire déboussolé par cette débauche qui hache la lecture. Un temps d’adaptation est nécessaire pour bien s’immerger, il ne faut pas non plus chercher absolument à comprendre. Les voies de Bruno Pochesci sont parfois impénétrables !

Une fois de plus, le thème de l’amour l’inspire. Il se situe à la limite de l’impossible, une guerre horrible les sépare. Heureusement les portables permettent de conserver un semblant de contact, tout bidouillé que soit celui de Hugo. Il suffit de taper MONHAMMOUR et c’est bon ! Chez les Tartharots, Hugo n’est pas seul, il se fait un ami qui a tout de l’ange-gardien. Hugo bat tous les records de longévité, fait preuve d’une chance insolente, même si son corps est recouvert de sutures. De son côté, Elyah est seule, livrée à elle-même en pleine capitale ennemie. Elle trouve du réconfort dans le petit être qu’elle devine dans sa matrice, la Maizonnette comme elle dit. Un unique leitmotiv les pousse à continuer, à résister au découragement, à vouloir aller jusqu’au bout pour se revoir : Maintenir !

Le ton est à la déconnade, mais la guerre règne en arrière-plan. Une guerre idiote, inutile où les vies ne pèsent rien sur l’échiquier politique. T’es chez les Tartharots, alors ferme ta gueule et meurs pour la potrie ! L’humour est partie prenante du récit et vient contrebalancer toutes les horreurs présentes.
Bruno Pochesci garde une certaine distance avec la réalité, pour cela il conserve un décalage aussi bien au niveau de la langue que de la situation géopolitique. Le lecteur peut éprouver un air de déjà vu sans vraiment pouvoir le relier à notre passé. Bien sûr, la Guerre 14-18 semble avoir inspiré l’auteur, mais d’autres conflits viennent à l’esprit. De plus, où situer ces pays ? Il est légitime de penser qu’« Hammour » se situe dans un monde parallèle au nôtre à cause de certaines similitudes qui ont la vie dure.
« Hammour » dénonce la cruauté des conflits armés, mais aussi leur bêtise due aux egos des dirigeants. Et pour quel but ? Pour quelle gloire ? Questions dont les réponses frisent le ridicule. Par opposition, l’amour ne se veut pas destructif mais constructif, il se réclame comme l’alternative crédible à la haine.

La lecture d’« Hammour » se situe donc sur plusieurs plans, Bruno Pochesci se fait plaisir à force trouvailles amusantes aussi bien au niveau scénaristique que linguistique. L’ensemble peut se comparer à un feu d’artifice, mais si imposant qu’il n’est pas possible de tout assimiler en même temps. À chaque interruption, il faut un moment d’adaptation pour reprendre le fil de l’histoire, retrouver le rythme d’une lecture assez exigeante et pas toujours aisée. Il est clair que certains préféreront glisser sur les tournures alambiquées pour ne pas faire du surplace et heurter outre-mesure la lecture.
Bruno Pochesci est un peu victime de sa générosité. En effet, il serait resté plus mesuré sur le plan de l’écriture qu’« Hammour » aurait été plus facile d’accès. Qu’importe, ce roman fait dans la surenchère, il en met plein la vue aux lecteurs, dans la droite lignée des nouvelles de Bruno Pochesci mais un cran plus loin, ce qui dilue un peu une originalité à double tranchant ici.

Amour, humour, horreur.... « Hammour ». Tout un programme !


Titre : Hammour
Auteur : Bruno Pochesci
Couverture : Grégory Allirol
Éditeur : Black Coat Press
Collection : Rivière Blanche
Directeur de collection : Philippe Ward
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 352
Format (en cm) : 20,4 x 12,8
Dépôt légal : novembre 2016
ISBN : 978-1-61227-577-2
Prix : 25 €



Également sur la Yozone :
- Un entretien avec Bruno Pochesci

Pour contacter l’auteur de cette chronique :
[email protected]


François Schnebelen
21 janvier 2017


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