En Sicile, au Brésil, en Chine ou en Somalie, des militaires, des scientifiques, des artistes, des politiques, de simples citoyens, des criminels, essaient de comprendre ce comportement et cette forme de déni de l’intelligence de l’humanité.
Parfois, les « arbres » exhudent une sève verdâtre, qui ronge, détruit et ravage autour de ses troncs... expulsant ses déchets toxiques sur une population impuissante.
Sous leur ombre, beaucoup ont fui et seules les populations les plus pauvres sont restées. Des communautés y survivent, dans des sortes d’interzones aux économies douteuses, sous l’influence de fascistes et de voyous (Italie), d’une police ou de militaires ultra-violents (Brésil, Chine), dans l’intérêt de joutes politiciennes complexes (Somalie), des communautés provisoirement libérées des pensées étatiques (Chine)...
Dans la station scientifique Blindhail, au nord-ouest du Spitzberg, une découverte étrange, au pied de l’arbre va pourtant modifier le regard interrogatif et attentif des hommes. Si les « arbres » influent lentement sur le climat terrestre, ils semblent accélérer le processus, dans une forme de communication. Bientôt, ils vont parler... mais cela risque fort d’être un désastre majeur pour l’homme.
Avec ce ton direct qui a fait sa réputation, ses dialogues incisifs et provocateurs, ses questions piquantes sur notre société (il aborde superbement le sujet des transgenres), Warren Ellis se glisse, avec “Trees”, dans le grand laboratoire humain qu’est devenue cette planète qui s’interroge devant l’invasion extraterrestre.
Les cylindres mystérieux des « arbres » évoquent le fameux “Jour des Triffides” de John Wyndham, imposant une menace sourde, sournoise, lente et silencieuse. La présence est menace et angoisse pour une humanité en peine de réaction.
Plaçant les questionnements dix ans après « l’arrivée », le scénariste s’offre une gamme de réactions ouvertes et intéressantes selon le point de vue et l’endroit qu’il choisit. Sur plusieurs fils narratifs, il compose des micro-sociétés qu’il explore, les faisant évoluer avec les nouvelles composantes qui s’imposent sous l’ombre des « arbres ». Les sujets divers, politiques, géo-politiques, sociétaux abondent là où la violence, l’art, le sexe et les manipulations dont l’homme use et abuse méthodiquement offrent à la curiosité aiguisée d’Ellis des sujets d’abondance.
Le dessin de Jason Howard, même s’il paraît parfois un peu raide et restrictif, réussit à donner une très belle dynamique à cette mosaïque pas si simple à assembler. Quelques traits exagérés ressembleront à de rares mauvais tics dans une palette d’émotions fortes et d’ambiances de fin de monde cataclysmique qui emporteront l’adhésion. Il faut juste un peu s’accaparer le style du dessinateur.
Ce premier “Trees”, “En pleine ombre”, porte les graines d’un très bon récit d’invasion extraterrestre, moderne et original, qui appelle vite à d’autres implantations. La prochaine plantation, intitulée “Deux Forêts”, est prévue pour le 28 octobre 2016. À noter, pour les deux tomes, les couvertures tout à fait remarquables.
L’album présente huit épisodes de cette série américaine, qu’Urban Comics a présenté en librairie au prix imbattable de 10€ pendant trois mois. Une fois de plus, c’est une très bonne initiative du catalogue Indies de l’éditeur, qui pioche régulièrement de très belles séries, notamment SF, chez Image Comics.
(T1) En pleine ombre
Série : Trees
Scénario : Warren Ellis
Dessin : Jason Howard
Couleurs : Chemineau
Éditeur : Urban Comics
Pagination : 192 pages couleurs
Dépôt légal : 16 octobre 2015
Numéro ISBN : 9782365776158
Prix public : 17,50 €
Illustrations © Jason Howard et Éditions Urban Comics (2015)