Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Traces
Florence Hinckel
Syros, Mini Syros+, Soon, roman (France), science-fiction, 121 pages, mai 2016, 5€

Thomas, un ado marseillais pas plus sage ni turbulent qu’un autre, entend un jour les flics débarquer dans son immeuble pour l’arrêter pour un crime qu’il va commettre. Le jeune homme s’enfuit, la police aux trousses. Le gouvernement vient de mettre en marche Traces, une intelligence artificielle capable de « prédire », d’après toutes nos données personnelles, les criminels potentiels sur le point de passer à l’acte. L’enfance « difficile » de Thomas (un père absent, de petits délits) s’ajoutant à ses récentes recherches sur des armes à feu (dans le cadre de l’écriture d’un roman) ont fait faire « tilt » à la machine. Pour Thomas, il s’agit donc de prouver que la machine a tort et de ne tuer personne dans les prochaines 24h... tout en restant libre.
La forte mobilisation populaire contre l’IA et cette « anticipation » de l’arrestation sur le crime va lui donner un coup de pouce et un peu de baume au cœur.
Pendant ce temps, la commissaire Olympe Sax, hostile au numérique, aimerait se concentrer sur l’arrestation d’un trafiquant, plutôt que mobilier ses hommes sur cette affaire très médiatisée.



Le petit nouveau de la collection Soon délaisse la SF de ces derniers temps (Les Voyageurs silencieux, ) pour de l’anticipation contemporaine. Le thème est connu : la nouvelle « Le rapport minoritaire » de Philip K. Dick (lisez-la, elle est très complexe mais géniale), dont est tiré le film « Minority Report » avec Tom Cruise (regardez-le, il est moins commplexe et donc plus compréhensible), l’exploitait déjà : si nous pouvions arrêter les criminels avant qu’ils commettent leur crime ?

Florence Hinckel pose le même problème dans « Traces », mais à des mutants précogniscients, elle préfère une intelligence artificielle nourrie de toutes nos données personnelles que l’administration (au sens large) et Internet ne cessent d’engranger. Le résultat est hélas très actuel : on est aujourd’hui capables de cibler, inventorier des profils « à risque ». L’IA va plus loin en indiquant, comme chez Dick, le lieu et l’heure du crime (mais pas la victime), ce qui relève pour le coup, là, de l’anticipation (sauf si on cible un lieu que vous fréquentez régulièrement, école, travail, maison, etc.)

Au récit à la première personne de Thomas, l’autrice alterne avec des extraits de journaux, papier ou télé, des interventions de ministre ou d’avocat, pour évoquer, comme son illustre prédécesseur américain, le gros problème moral de ce joli système : les gens poursuivis sont innocents !

La seconde intrigue, qui va bien entendu rejoindre la ligne narrative de Thomas, nous fait suivre la commissaire et sa vraie affaire, qui mettrait sous les verrous un vrai coupable, et qu’on dépouille de ses moyens pour ce rodéo médiatique qu’elle ne cautionne pas mais où la moindre bavure peut lui coûter cher. Elle œuvre néanmoins en suivant sa conscience : la technologie ne l’aime pas, et c’est réciproque.

Mais la technologie est partout. Puces, caméras, etc. Ou presque. C’est ce qui va tantôt perdre et tantôt sauver Thomas.

Je suis un peu dubitatif sur la fin : si les événements et les gens incitent Thomas à se rendre sur les « lieux du crime » (au sens large : le 3e arrondissement), l’enchainement d’actions qui conduit, jusqu’à la dernière page, à envisager qu’il puisse effectivement commettre un meurtre relève davantage de la science-fiction dickienne et des ressorts du thriller que de la prédiction telle que Traces peut la formuler.

L’essentiel n’est pas là, cependant, mais dans cette excellente description des réactions de chacun face à cette « évolution de la présomption d’innocence ». L’attitude de la mère de Thomas (elle veut qu’il se rende pour prouver sa bonne fois) est présentée de façon parfaitement défendable, prouvant comme il est difficile voire dangereux, dans notre société actuelle, de prouver son innocence. Tout est dans la formule : apporter la preuve qu’on a rien fait. Et quand on a effectivement rien fait...

Un nouveau tome propice à la réflexion, à mettre entre toutes les mains.


Titre : Traces
Auteur : Florence Hinckel
Couverture : Prince Gigi
Éditeur : Syros
Collection : Soon / Mini Syros +
Site Internet : fiche du roman
Pages : 121
Format (en cm) : 16,5 x 11 x 1
Dépôt légal : mai 2016
ISBN : 9782748521245
Prix : 5 €



Nicolas Soffray
20 septembre 2016


JPEG - 30.8 ko



Chargement...
WebAnalytics