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Boneshaker
Cherie Priest
Le Livre de Poche, n°34206, imaginaire, traduit de l’anglais (États-Unis), steampunk, 646 pages, août 2016, 8,90€

Seattle, dans les années 1880. Un inventeur prolifique, le docteur Leviticus Blue, invente une machine de forage révolutionnaire : capable de progresser à travers la glace ou la roche, guidée par un conducteur placé à son bord, elle est capable d’exploiter les richesses de tous types de gisements. Hélas, le premier essai est catastrophique. Comme incontrôlable, la machine creuse des galeries responsables de l’effondrement de plusieurs bâtisses de la ville – préférentiellement des banques, semble-t-il – et fait surgir des entrailles de la terre une substance immonde qui tue les vivants et ranime les morts. Une substance intermédiaire entre gaz et liquide et plus lourde que l’air, et d’une expansion suffisamment lente pour donner à une partie de la population l’opportunité non seulement de s’enfuir, mais aussi d’élever autour de la cité un mur improvisé qui enraye sa progression.



« Une fois, Leviticus lui avait fabriqué une broche qui ressemblait à un bouton de manteau, mais lorsqu’on faisait tourner le bord en métal ouvragé, de minuscules engrenages contenus à l’intérieur faisaient résonner une délicieuse mélodie.  »

Bien des années plus tard, en périphérie de Seattle, Briar Wilkes, qui préfère oublier qu’elle a été l’épouse d’un Leviticus Blue dont tous ignorent ce qu’il est devenu, subsiste tant bien que mal en travaillant en usine pour nourrir Ezekiel, son fils à présent adolescent. Mais celui-ci est hanté par le passé. Il voudrait réhabiliter son père mais aussi son grand-père – conspué parce qu’il a ouvert les portes d’une prison, ce qui a permis aux prisonniers de fuir et de se soustraire au gaz – mais rien de ce que sa mère lui dit ne parvient à l’en détourner.

Une nuit, armé d’un masque de protection, il s’introduit dans la cité maudite afin d’y chercher des arguments qui pourraient venir à l’appui de ses thèses. Bien mal lui en prend : les souterrains par lesquels il est passé s’effondrent. Pour le sauver, sa mère s’introduit à son tour dans la cité, en passant par la voie des airs à bord d’un dirigeable. Mère et fils vivront dans cette ville maudite des aventures mémorables.

«  Tout ce mécanisme la fascinait : les filtres, les joints, les soufflets. Seattle avait été une simple ville commerciale, alimentée et engraissée par l’or de l’Alaska, puis elle s’était transformée en ville cauchemardesque remplie de gaz et de morts-vivants. Mais des gens étaient restés. D’autres étaient revenus.  »

Des aventures mémorables, car ils trouveront dans cette villes les zombies auxquels ils s’attendent, mais aussi bien d’autres surprises. Il se trouve, en effet, que cette ville, malgré ses dangers, est toujours occupée par des habitants qui n’ont jamais voulu la quitter. Pompant à l’aide de hautes cheminées un air respirable, se déplaçant entre leurs demeures colmatées en évitant les zombies et en respirant à travers des masques, ils y vivent une existence dangereuse et inconfortable. Des hordes de morts-vivants, d’étranges individus armés, des bandes de Chinois, une gare qui est aussi le repaire d’un savant fou qui pourrait bien être Leviticus Blue lui-même : la ville n’est pas tout à fait aussi défunte qu’on le dit.

Quête familiale et roman d’initiation, fausses pistes et vraies révélations, attaques de zombies, courses-poursuites, affrontements, machines infernales, personnages hauts en couleurs, et même combats des dirigeables – car, dans cette uchronie des années 1880, dont le point de divergence par rapport à la réalité historique semble être le fait que le général Jackson ait survécu à ses blessures lors de la bataille de Chancelorsville, la guerre civile américaine fait rage depuis dix-huit ans, et l’on s’y affronte à l’aide d’aérostats blindés – tous les ingrédients d’un grand roman populaire sont ici rassemblés. D’excellentes idées, un argument original, un grand sens de l’image font de « Boneshaker  » un roman divertissant.

Reste que le volume n’est pas exempt de défauts. On note quelques soucis d’homogénéité – par exemple les premières pages ont une tonalité très évocatrice du roman victorien, mais la manière dont Briar, un peu plus loin bascule d’un dirigeable dans une conduite d’aération relève tout à fait de la bande dessinée –, certains dialogues sont excessivement longs, l’accumulation de péripéties et de personnages truculents prend parfois des allures un peu forcées, et maintes questions ne sont pas tout à fait résolues. Ainsi peut-on par exemple se demander comment le fait que la ville soit encore habitée ait pu échapper à Briar alors qu’elle vit dans les environs et que la chose n’a rien de secret, pourquoi les habitants, durant toutes ces années, n’ont pas eu l’idée de concevoir des plans pour se défaire des zombies, ou comment les émanations de cette substance qu’un simple mur suffit à arrêter ne puissent pas, à leur origine, être stoppées. On trouve également ici et là quelques maladresses qui font apparaître des éléments fondamentaux comme des Deus ex-machina, comme ces dirigeables qui n’avaient jamais été mentionnés avant que Briar n’en ait besoin.

Malgré ces défauts, malgré quelques longueurs « Boneshaker  » apparaît comme un bon roman populaire, une œuvre de divertissement taillée sur mesure pour l’industrie cinématographique ou télévisuelle. Une pierre de plus à l’édifice sans cesse croissant du steampunk et de ses variantes, en attendant les deux suites déjà écrites, « Clémentine » et « Dreadnought ».


Titre : Boneshaker (Boneshaker , 2009)
Série : Le Siècle mécanique (Clockwork Century Universe), tome I
Auteur : Cherie Priest
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Agnès Bousteau / Zibeline & Co
Couverture : Jon Foster
Éditeur : Le Livre de poche (édition originale : Panini, 2013)
Collection : Imaginaire
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 34206
Pages : 640
Format (en cm) : 11 x 17,8
Dépôt légal : août 2016
ISBN : 978-2-253-13302-5
Prix : 8,90€



Hilaire Alrune
3 octobre 2016


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