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Monde d’azur (Un)
Jack Vance
Le Livre de Poche, n°7273, traduit de l’anglais (États-Unis), science-fiction, 285 pages, août 2016, 6,90 €

Un « petit » Jack Vance, à peine plus de deux cents pages dans l’ancienne édition du Livre de Poche (avec la traduction de Jacqueline Remillet), un peu plus trois cents pages (préface de Gérard Klein comprise et avec une typographie beaucoup plus lisible) dans l’édition actuelle, qui propose la traduction effectuée par Patrick Dusoulier dans le cadre du projet VIE (Vance Integral Edition) il y a une dizaine d’années. Moins épais, donc, que la plupart des romans ou des cycles de l’auteur, mais pas moins foisonnant pour autant.



« D’autres végétaux poussaient dans le tissu spongieux de l’ilot : des buissons, des fourrés d’une espèce de bambou qui fournissait un osier de bonne qualité, ainsi que des épiphytes retombant de la tige centrale de la plante marine.  »

Il y a de nombreuses générations de cela, un vaisseau spatial est venu s’échouer sur cette planète sans nom qui ne possède pas de continent, mais seulement une multitude d’îles flottantes propices à la survie. Propices, mais guère mieux : leur nature presque exclusivement végétale limite les ressources sur le plan qualitatif, et le développement d’une véritable technologie s’y heurte à des difficultés d’autant plus insurmontables qu’une partie de la mémoire collective s’est perdue et qu’il est devenu difficile de comprendre les écrits de l’époque précédant la chute depuis les étoiles.

« Bah. Après douze générations, tout a pu changer. Les mémoires sont le refuge des pédants. À quoi bon remuer les cendres du passé ? Les copistes ne sont pas plus utiles que les intercesseurs. »

Un océan immense sur lequel les descendants des navigateurs spatiaux échoués, devenus le Peuple des Iles Flottantes, peuvent donc difficilement régner, et ceci d’autant plus que de terrifiants monstres marins leur mènent la vie dure : les kragens. Une caste de ces hommes, les Transmetteurs, est parvenue à développer un mode de communication avec le plus puissant d’entre eux, le Roi Kragen, et à établir avec lui un pacte : ils le nourrissent, il les protège. Mais le monstre n’est pas toujours aussi préoccupé par leur sort qu’il devrait l’être et un jeune homme, Sklar Hast, estime que le moment est venu de changer l’ordre des choses et de le faire évoluer.

« Qui pourrait un jour rivaliser avec le roi Kragen en taille et en puissance, c’est cela ? L’idée n’est pas déraisonnable - bien que le Roi Kragen soit déjà devenu énorme avec ses interminables festins, et qu’il ne montre aucun signe d’avoir arrêté sa croissance.  »

Comme toujours avec Jack Vance, un exotisme riche, touffu, détaillé – et ceci malgré la brièveté du roman – est de mise. Sociologie (avec des nombreuses castes liées aux activités et aux professions) et ethnographie, géographie et zoologie, botanique et architecture, et technologie souvent rudimentaire ou de recyclage en l’absence de véritables ressources géologiques sont tour à tour abordées en une myriade d’informations et de détails distillés au fil du roman. Des détails qui donnent à cet univers – comme à tous les univers de l’auteur – une densité et une cohérence toutes particulières.

« J’ai longuement réfléchi à la question. J’en ai conclu qu’un grand fléau existe, et que l’inertie et la paresse pèsent si lourdement sur des gens estimables comme vous, qu’ils supportent néanmoins ce fléau. »

On connaît Vance : s’il accumule à l’envi les détails, ce n’est jamais au détriment de son histoire, mais toujours pour la soutenir avec un cadre crédible. Aussi l’intrigue révolutionnaire de Jack Vance se déroule-t-elle sans temps mort et sans jamais lasser. Une intrigue qui, comme c’est souvent le cas dans le genre, a pour point de départ un individu qui fait office de point de rupture, cherche à bousculer l’ordre établi, à donner une nouvelle direction à l’Histoire. Un homme de destin qui bouscule l’une ou l’autre des formes de tyrannie que les humains s’imposent, un tyran choisi parmi eux, un dieu qu’ils inventent, ou encore, comme c’est ici le cas, une semi-divinité d’allure animale.

« Le Roi Kragen flaira une menace. Comment expliquer autrement l’audace de ces hommes ? Il agita ses ailerons, s’approcha lentement jusqu’à cent mètres. Puis, il fonça en avant. »

Planet-opera riche et rythmé, « Un Monde d’azur », pour les amateurs de Jack Vance comme pour les autres, mérite d’être lu. Si « Un monde d’azur », comme de nombreux autres romans en un seul volume, a été éclipsé par les grands cycles de l’auteur – par exemple la Geste des Princes démons, les chroniques de Lyonesse et de Cadwal, ou le cycle de Tschai – il est impossible de ne pas lui reconnaître les qualités marquant l’ensemble du corpus vancéen. Un ouvrage qui souligne, une fois de plus, que si Vance a énormément écrit, il n’a jamais été mauvais. Une œuvre particulièrement abondante, mais pas vraiment de textes mineurs : là n’est pas le moindre des paradoxes d’un auteur qui ne goûtait guère la science-fiction et n’en lisait jamais.


Titre : Un Monde d’azur (The Blue World, 1966)
Auteur : Jack Vance
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Patrick Dusoulier
Couverture : Alain Brion
Éditeur : Le Livre de poche ](édition originale : Robert Laffont, 1970 )
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 7273
Pages : 285
Format (en cm) : 11 x 18
Dépôt légal : août 2016
ISBN : 9782253112815
Prix : 6,90€


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Hilaire Alrune
27 septembre 2016


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