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Grand Est
Denis Robert, Franck Biancarelli
Dargaud

Un homme lambda est inscrit à un stage de récupération de points du permis de conduire à l’automobile club de Moselle. 2 longues journées à passer au beau milieu d’un public paumé constitué notamment de jeunes alcooliques smicards dans le meilleur des cas. Que fait-il là, lui, l’écrivain en manque d’inspiration ? Il n’arrive plus à écrire, son troisième œil comme il aime si bien dire, est parti. Il passe ces 2 jours à regarder des photos d’accidents mortels de la route, à écouter des banalités. 280 euros pour ça ? Pas le choix, c’est le prix à payer pour récupérer quelques misérables points si chers pour garder sa liberté.



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A la fin de cette épreuve, l’homme récupère Woody, son plus jeune fils chez ses parents. Fatigué de sa vie actuelle, il propose à son fils un périple à la découverte de l’est de la France. Ils prennent la route le lendemain et l’aventure commence : la montagne des singes, la volerie des aigles, le château du Haut Koenigsbourg, les hauts-fourneaux, le zoo d’Amnéville...

Adaptation du roman “Vue imprenable sur la folie du monde”, ce roman graphique est une belle histoire entre un fils et son père qui vont à la découverte d’une région qui se meurt. Le sol de la Lorraine s’effrite suite aux milliers de kilomètres de galeries souterraines et aux déchets enfouis. L’industrie textile vosgienne meurt, les gens ont du mal à se projeter dans un avenir quelconque.

En parcourant ces territoires devenus hostiles, il se souvient du petit Grégory retrouvé mort ligoté dans la Vologne. Personne ne saura jamais le fin mot de l’histoire, mais personne n’oubliera cette petite tête d’ange qui ne demandait qu’à vivre.
Il se souvient aussi de l’Affaire Cahuzac mentant à la France entière et jurant ne pas avoir de compte en Suisse. En passant à côté des usines sidérurgiques désaffectées, les promesses des politiciens sont rappelées : Mitterrand, Sarkozy, Hollande ... personne n’est épargné, ils ont tous fait des promesses non tenues.
Au-delà de ce désastre lorrain, ce sont bien évidemment les effets destructeurs du capitalisme qui sont visés.

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Le titre de l’album est évocateur puisqu’il s’agit du nom choisi pour la nouvelle région. Lors de l’écriture, le choix n’était pas fait, en plein dans le mille.

Denis Robert est le personnage de la BD, il se raconte avec son fils qui ne s’appelle pas Woody mais qui se reconnaîtra en grandissant. L’histoire est une concentration d’événements vécus. Il est attaché à ses racines pour sa qualité de vie ainsi que pour ses fantômes du passé.

Denis Robert, connu du grand public pour avoir dévoilé l’affaire Clearstream, et Franck Biancarelli ont déjà collaboré ensemble sur “Dunk” et “Circuit Mandelberg”. Les couleurs sont audacieuses et osées : de grosses masses franches de bleu, jaune et rouge illustrent les dessins. Elles donnent de l’émotion et correspondent parfaitement au style décalé de l’album.

Le pessimisme est de mise dans ce roman graphique, la folie de notre monde actuel n’est pas édulcorée, bien au contraire. Pour lire cet album, il ne faut pas être dans un état dépressif mais bien dans sa tête. Il faut avoir espoir dans notre monde et se dire qu’il y a toujours pire.

Bravo, le sujet n’est pas facile à évoquer, j’ai été tenue en haleine du début jusqu’à la fin. Très belle histoire d’un homme sensible et désabusé qui ne veut pas quitter sa région malgré tous ses déboires économiques.


Grand Est
- Scénario : Denis Robert
- Dessins et Couleurs : Franck Biancarelli
- Éditeur : Dargaud
- Format : 20 x 16 cm
- Pagination : 152 pages couleur
- Dépôt légal : 20 mai 2016
- Numéro ISBN : 978-2-2050-7539-7
- Prix public : 22 €


A lire sur la Yozone :
L’Affaire des Affaires (T1)


Illustrations © Franck Biancarelli et Dargaud (2016)



Anne Schnebelen
20 août 2016




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