Ne pouvant admettre la passivité des fermiers, Sei décide de quitter le village et repartir dans la montagne pour découvrir l’autre versant de l’île en compagnie de Live. Depuis qu’il est parvenu à la convaincre de ne pas sauter du toit, les deux jeunes forment un véritable couple mais la jeune fille subit encore les séquelles des viols de son oncle et d’autres hommes qu’elle a rencontrés dans sa vie. Sei est dans l’incapacité de la toucher mais le jeune homme est patient et surtout très compréhensif envers Live. De l’autre côté du versant, Les deux jeunes découvrent une maison au bord d’une plage, comprenant encore une literie, comme si son propriétaire était parti pour un long voyage. Pour la première fois depuis longtemps, ils peuvent dormir sur de vrais futons. Ils découvrent également tout un attirail de filet pour pêcher en eaux peu profondes. Loin des conflits, Sei est apaisé mais il demeure impuissant face aux cauchemars réguliers de Live. Pourtant, il faut croire aux miracles car une nuit, alors qu’il s’en voulait de ne pouvoir l’apaiser, Live s’ouvre entièrement à lui et parvient à se donner enfin à l’homme qu’elle aime.
Que de traumatismes chez les protagonistes de “Suicide Island” ! Anciens ou nouveaux, ils détruisent leurs vies et les poussent à diverses extrémités. Le plus symptomatique de ces deux tomes sera évidemment le syndrome de Stockholm. Ou plutôt le lavage de cerveau d’un gourou des plus efficaces qu’est Sawada. Syndrome de Stockholm chez les membres de son groupe, qu’il a pourtant torturés physiquement et mentalement et qui vont se donner corps et âme à sa cause pour détruire le clan adversaire. Le lecteur est d’abord surpris par le discours du prisonnier fait par Ryo et ses amis. Il va littéralement reprocher au groupe adversaire de les avoir attaqué et de les forcer à se défendre. Mémoire courte ? Non, clairement un endoctrinement parfaitement efficace de Sawada. Difficile de ne pas faire de rapprochement entre ce dernier et n’importe quel dictateur fasciste (d’Hitler ou fous de Dieu de Daesh). Mais le summum viendra des filles, que Sawada viole et fait violer par les autres hommes du groupe et qui vont vendre leur âme pour leur gourou. Kouji Mori nous donne une vision atroce et effrayante de l’esprit humain, si facilement manipulable et oubliant toute morale pour suivre un homme qui se dit providentiel mais qui ne cherche qu’une seule chose : son propre plaisir et la destruction de toute opposition. Une logique qui mènerait inévitablement ce groupe s’il devenait seul sur l’île au suicide collectif.
Le cas de Tomo interroge plus le lecteur, pour ne pas dire ses amis. Si les autres membres du groupe de Sawada ont eu le cerveau lavé depuis pas mal de temps, ce n’est pas le cas de Tomo, et pourtant il va choisir de rester avec son violeur plutôt qu’avec ses amis. Les paroles de Sawada auraient-elles eu une véritable portée ? En baisant Tomo, il reconnait son homosexualité et l’accepte de la pire des façons. Plus grave, la logique de Sawada en fait l’homme providentiel qui lui a révélé sa véritable nature. Cette logique est évidemment inquiétante et que Tomo y adhère nous montre toute la faiblesse psychologique du personnage, qui se rapproche alors des femmes violées qui se sentent coupables du crime odieux de leur agresseur. Toutefois, Tomo n’aura pas la confiance des autres car contrairement à elles, il n’est pas encore sous la totale domination de Sawada. En fait, il possède une porte de sortie, un échappatoire à l’enfer, ce que n’ont pas les autres, convaincues que, sorties de leur groupe, il n’y a que des ennemis.
Le tome 12 va se focaliser sur le personnage de Live et de son traumatisme. La jeune fille a été violée à de nombreuses reprises par son oncle et malheureusement, elle n’est jamais parvenue à échapper à cet enfer car la jeune femme est devenue incapable d’éprouver du plaisir avec un homme. Son corps tout autant que son cerveau s’est fermé pour protéger le peu qu’il restait d’elle. Mais cette carapace d’insensibilité est devenue son pire ennemi, alors qu’elle redécouvre l’amour vrai avec Sei. Kouji Mori parvient à trouver les bons mots entre ses deux personnages et le lecteur est vraiment aux côtés de Sei dans ses tentatives, souvent naïves ou trop brusques, de convaincre Live qu’elle n’est pas coupable de ce qu’elle a vécu et aussi qu’elle doit s’ouvrir à lui. Mais comme va s’en rendre compte le jeune homme, c’est à Live de provoquer l’événement qui la libérera de ses chaines de honte, qu’elle ne mérite aucunement. Ce tome est extrêmement positif, montrant que l’amour vrai peut être plus fort que tout. Mais cela demande un combat contre soi-même épuisant. Ce tome est un véritable souffle d’espoir et s’avère à la fois fort et vrai, convainquant, sans artifice mais également sans aberration. On sent que Kouji Mori a travaillé intensément ce moment pour que le lecteur ne soit pas déçu et soit, lui aussi, heureux pour les deux jeunes.
Malheureusement, le bonheur sera de courte durée et le cliffhanger du tome 12 jette un froid et surtout n’augure qu’une seule chose : la guerre !
Suicide Island (T11 et 12)
Auteur : Kouji Mori
Traducteur : Frédéric Malet
Éditeur français : Kaze Manga
Format : 127 x 182, noir et blanc - sens de lecture original
Pagination : 208 pages
Date de parution : 17 décembre 2014 et 25 mars 2015
Numéro ISBN : 9782820319012 ; 9782820319982
Prix : 7,99€ (T11) et 8,29 € (T12)
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JISATSUTOU © 2009 by Kouji MORI / Hakusensha, Inc.
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