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Ogre en Cavale (Un)
Paul Beorn
Castelmore, roman (France), fantastique, 272 pages, mars 2016, 10,90€

Jeanne est une collégienne comme il en reste peu : fan de romans de cape et d’épée et autres mondes imaginaires, elle n’hésite pas à répondre à coups de poing aux filles superficielles qui l’ont prise en grippe. Mais rien dans ses lectures ni son quotidien ne l’a préparée à cette folle nuit : victime d’une maladie inconnue, elle est transférée aux urgences et alors qu’elle se croit mourante, débarque par magie un ogre qui lui arrache le cœur, puis un mousquetaire et son chat, visiblement à la poursuite du monstre glouton. L’homme, visiblement magicien, la saupoudre un peu avec une fiole étrange, empêchant son trépas, parce que bon, c’est quand même grâce à elle qu’ils ont pu ouvrir une porte entre leur monde, Asmarie, et Paris.
Mais voilà que Jeanne, et son fichu caractère, emboîtent le pas au duo de chasseurs de monstres, bien décidée à récupérer son cœur. L’arrivée du fantôme de la princesse d’Asmarie achève de la convaincre de leur coller aux basques.
Elle se sait pas encore que la nuit va être longue et la traque dangereuse...



Paul Beorn n’a pas à prouver ses talents en fantasy. Après « 14-14 », roman sur la guerre coécrit avec Silène Edgar, il revient à l’imaginaire en jeunesse avec cette folle nuit de course-poursuite. Et si l’ouvrage est un rien bref, surtout pour un lecteur chevronné, il déborde de qualités.

Tout d’abord, son héroïne, loin des filles fadasses ou énamourées, mais pas non plus un garçon manqué. Jeanne est une fille rare, une fille qui lit plutôt que se maquiller ou passer son temps à cancaner. Pas étonnant qu’elle soit la tête de Turc des autres filles. Plus surprenant, Jeanne ne se laisse pas faire, son caractère trempé par les courageux héros dont elle lit les aventures.
Si on sent bien, dans les premières pages, que se savoir mourante la révolte un peu, elle prend vite le dessus quand tout s’emballe, et que malgré un cœur arraché elle vit toujours. L’irruption de la magie la sidère, et malgré l’urgence elle s’interroge à son propos : il ne s’agirait pas de tout accepter comme ça, non, elle sait clairement que sans cœur, la magie ne lui a accordé qu’un sursis. Mais elle se doute qu’elle peut faire plus, aussi doit-elle aider le mousquetaire à capturer l’ogre, forcer l’un à recracher son cœur et l’autre à lui remettre en place. Une fille pragmatique.

La magie d’« Un Ogre en Cavale » est plutôt originale : le « mousquetaire » répand diverses poudres aux effets miraculeux, depuis celle qui redonne vie à Jeanne à d’autres qui éclairent la nuit ou donnent vie à la pierre. Cette magie chimique est loin des incantations habituelles, dont l’auteur se moque un peu, son magicien étant un peu ridicule, entre les phrases grandiloquentes dont il accompagne inutilement ses poudres, et sa grande faiblesse, les jolies femmes, qui lui fait rapidement oublier l’urgence de sa mission ou les dangers qui rôdent. Un vrai personnage de roman, donc. Jeanne se tournera davantage vers son apprenti, Tempête, qui n’est pas un chat comme on le croit au début, mais bien un jeune homme, capable de se métamorphoser, ainsi que nous le verrons dans des passages dignes du duel de sorcellerie de « Merlin l’enchanteur ». On évoquera aussi le pouvoir du nom, un élément présent dans de nombreux mythes.

Certes, nous n’échapperons pas à l’histoire d’amour entre les deux jeunes héros, mais leurs sentiments sont mis à mal par les événements et leur rapide enchaînement, et sont contrebalancés par le ridicule des échanges entre le mousquetaire et... à peu près toutes les femmes qu’il croise. Un amour vrai contre un amour surjoué, de l’émotion contre du rire. Un mélange savamment dosé.

L’ogre est aussi intéressant. Puissant sorcier, il grandit au fil de ses repas, et change en nourriture tout ce qu’il touche, laissant derrière lui un chemin digne d’une table de banquet, même si les mélanges peuvent parfois donner mal au cœur. Il sème ainsi dans Paris un véritable festin qui permet à nos héros de le suivre à la trace, lorsque les trous dans le paysage ne suffisent plus. Notons que Paul Beorn nous entraîne dans une agréable visite nocturne de la capitale, mais qu’il prend un évident plaisir à détruire certains grands monuments.
Bien évidemment, on s’en doute, il y a un vrai Méchant derrière l’ogre, qui ne s’est pas échappé tout seul, et dont l’apparition donne un second souffle à la course-poursuite.

Donc, ça court, ça bouge, ça se bat, ça explose même, ça visite Paris, ça drague, ça se moque, ça parle de la mort, ça s’aime... ça ne nous laisse guère le temps de respirer, sauf une fois la dernière page tournée. Rien n’est superflu ou laissé au hasard. De jeunes héros qui se découvrent des ressources et des capacités lorsque le besoin s’en fait sentir ; des adultes imparfaits, à la fois mentors et personnes aveuglées par leurs certitudes et leurs ambitions : toutes les qualités d’un excellent ouvrage pour la jeunesse.
Bref, c’était trop bref, en bon ogre de lecture j’ai avalé cela comme un dessert, et j’en reprendrai bien une part de plus. Mais dommage, y’en a plus. D’autant que j’ai déjà englouti « Le Septième guerrier-mage », nominé au prix Imaginales des Lycéens 2016 (entre autres).


Titre : Un Ogre en Cavale
Auteur : Paul Beorn
Couverture et illustrations : Noémie Chevalier
Éditeur : Castelmore
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 272
Format (en cm) : 19,5 x 13 x 2,5
Dépôt légal : mars 2016
ISBN : 9782362311666
Prix : 10,90 €



Nicolas Soffray
14 mars 2016


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