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Lockwood & Co, tome 1 : L’Escalier hurleur
Jonathan Stroud
Le Livre de Poche, n°34029, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), fantastique, 453 pages, février 2016, 7,90€

Nous sommes à Londres, dans ce qui ressemble au vingtième siècle : on y connaît la télévision, les boissons énergisantes, le plastique, mais pas encore les téléphones portables. Ce qui change par rapport au monde connu, c’est ce que l’on désigne sous le nom de Problème : quelques décennies auparavant, les classiques mais rarissimes fantômes se sont mis à pulluler absolument partout.



« Jadis, les fantômes étaient plutôt rares. Maintenant, nous sommes confrontés à une épidémie. »

Ces fantômes qui partout pullulent sont assez classiques. Ils ne se manifestent que la nuit, répondent à quelque épisode historique ou personnel significatif, hantent des lieux spécifiques, et sont pour certains abominablement dangereux. On s’en débarrasse de manière classique – procurer une sépulture décente à leurs restes ou faire justice de leur assassinat – ou moins traditionnelle, par exemple en les faisant flamber à l’aide d’un feu grégeois. De manière empirique, on a appris à s’en protéger. Le fer est parfaitement efficace, d’où l’utilisation de nains de jardins en fer.

On a appris, également, à mieux suivre leurs traces pour trouver leurs corps d’origine. Les arachnides adorent l’émanation psychique que dégagent les fantômes, aussi est-il parfois utile de suivre la piste des toiles d’araignées. On peut utiliser des chats en cage également, mais leurs miaulements deviennent rapidement insupportables. Mais ce ne sont là que détails : l’important est que les enfants, ou du moins certains d’entre eux, perçoivent mieux, beaucoup mieux que les adultes les émanations des fantômes. À la différence des détectives classiques de l’étrange, comme le Thomas Carnacki de William Hope Hodgson ou le John Silence d’Algernon Blackwood, les enquêteurs de Jonathan Stroud sont donc essentiellement des enfants ou des adolescents.

« Devant se dressait un grand lampadaire antifantômes cabossé de presque trois mètres de haut. Les grands volets articulés étaient fermés, les ampoules éteintes et les lentilles cachées. La rouille se répandait comme du lichen sur les surfaces de fer. »

Lucy Carlyle fait partie de ces enfants qui ont le Talent. Elle entend les fantômes mieux que quiconque. Ce Talent lui permet d’intégrer une prestigieuse agence de chasseurs de fantômes, mais l’une des opérations, mal supervisée par un adulte, se solde par la mort du reste de son équipe. Elle s’enfuit, cherche du travail, et en trouve bientôt dans la minuscule et naissante agence Lockwood & Cie, la seule agence indépendante de chasseurs de fantômes – et, accessoirement, la seule à ne pas être supervisée par des adultes.

« Et ce qui marche très bien quand vous entrez dans une maison hantée en équipe devient moins efficace quand vous êtes seul dans votre chambre et que vous venez d’apercevoir une créature morte à deux mètres de vous. »

Jonathan Stroud s’y entend pour mettre en scène lieux et personnages en se basant sur les situations classiques et en y ajoutant une pincée d’humour un peu théâtral qui fait mouche. Si ce roman, publié dans une collection tout venant, est à l’évidence destiné aux adolescents (la couverture est assez parlante en ce sens : c’est celle de l’édition originale dans la collection Wiz (ado) d’Albin Michel), les adultes pourront eux aussi s’en amuser. La demeure du 35 Portland Row, siège de l’Agence, complexe, tordue, étonnante, pleine de fatras, de pièces minuscules, ne pourra que séduire avec sa bibliothèque, sa salle d’escrime, et sa collection de reliques hantées. Même soin apporté par la suite au manoir où se dénouera l’aventure, bâti sur les fondations d’un ancien prieuré du treizième siècle, où des précédents chasseurs de fantômes ont trouvé la mort, un manoir avec «  des couloirs qui ne mènent nulle part et d’autres qui ramènent à leur point de départ, et des changements de niveaux étranges. »

« Une mort en entraîne une autre et à force, ça forme une chaîne de morts qui continuera à s’allonger tant que la maison restera debout. »

On le devine : entre ratages périlleux et réussites inattendues, entre échecs catastrophiques et vies sauvées d’extrême justesse, les aventures attendant la jeune Lucy, le non moins jeune Lockwood et son attaché George, grand amateurs de beignets, ne seront pas de tout repos. Il n’est pas très pratique d’utiliser les feux grégeois dans des manoirs hautement inflammables, et oublier sa limaille de fer ou ses chaînes d’arpenteur peut conduire à des situations pour le moins difficiles. D’autant plus que les agences étatiques de chasseurs de fantômes ne demandent qu’à voir disparaître ce dangereux trio d’indépendants, et que le redoutable Département de Recherche et de Contrôle Psychique, agence d’état également, ne tarde pas à les menacer d’une interdiction d’exercice. Ils n’ont pas droit à la moindre erreur.

Sans temps mort, sans fausses notes, avec une pointe d’épouvante, en brodant avec imagination sur des situations classiques, Jonathan Stroud offre avec cette première aventure de l’agence Lockwood & Cie un roman léger, rythmé et plein d’humour, qui devrait convaincre ses lecteurs de lire les tomes suivants, dont le troisième paraît ce printemps chez Albin Michel.


Titre : L’Escalier hurleur (The Screaming Staircase, 2013)
Série : Lockwood & Co.(Lockwood & Co.), tome I
Auteur : Jonathan Stroud
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Jean Esch
Couverture : Alessandro Taini
Éditeur : Le Livre de Poche(édition originale : Albin Michel, 2014)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 34029
Pages : 453
Format (en cm) : 11x 17,7
Dépôt légal : février 2016
ISBN : 9782253183976
Prix : 7,90 €



Jonathan Stroud sur la Yozone :
- « L’escalier hurleur » version grand format
- « L’œil du Golem »
- « Les héros de la vallée »


Hilaire Alrune
20 mars 2016


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