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Royaume des Cercueils Suspendus (Le)
Florence Aubry
Le Rouergue, épik, roman (France), fantasy initiatique, 152 pages, octobre 2014, 11,€

C’est une vallée isolée, autarcique. C’est un village, une communauté, faites de rites, de traditions, de lois. C’est un peuple dont les hommes ont un pouvoir dont il faut user avec prudence.
C’est l’histoire d’un jeune homme qui, le jour de son initiation, voit son univers s’effondrer : il n’est pas d’ici, pas de ce peuple qui l’a élevé. Il est condamné à un exil mortel.
Ils étaient quatre, deux filles et deux garçons. Certains s’aimaient. D’autres... Mais maintenant, plus rien ne sera comme avant.



« Le Royaume des Cercueils Suspendus » est un petit bijou de 150 pages au fil desquelles Florence Aubry nous surprend à chaque chapitre par une habile déconstruction chronologique et le jonglage des points de vue.

Elle commence par presque la fin : Huang, lors de la cérémonie qui fait des jeunes des adultes, découvre, et toute la communauté avec lui, qu’il n’est pas d’ici. Plus tard, les souvenirs de son père lèveront le voile sur ce mystère. Pour l’instant, c’est l’exil pour lui dans une caverne à flanc de falaise, inaccessible. Le cimetière de son peuple. Il y trouvera son propre cercueil et quelques provisions, pour lui laisser le temps de penser à son crime. Laisser le temps aux remords de le ronger. Penser à Leï, son amour perdu.

Dans la vallée, son père est parti, lui-même ne sait trop où. Expier le péché qu’il a commis et pour lequel on fait payer celui qu’il a toujours considérer comme son fils. Leï s’inquiète, désespère de trouver un moyen de soustraire son amour à son châtiment. Lou-Ki, son amie, veut l’aider. Quant à Xiong, il n’est plus le même...

Et dans un incessant et régulier va-et-vient entre passé et présent, l’auteure nous montre la vie de ses quatre amis, quatre enfants devenus ados et que les sentiments de cet âge ont bouleversé en profondeur. Huang et Leï s’aimaient. Voulaient se marier. Mais Xiong aime aussi Leï, et le bonheur de ses deux amis le prend de court, et jour après jour le remplit de fiel. Quant à Lou-Ki, elle aime Xiong, mais il n’a d’yeux que pour Leï. Mais il existe plusieurs moyens d’écarter une rivale...
Et puis il y a l’accident, qui privera Xiong de son statut de guerrier, à tout jamais, le condamnant à travailler avec les femmes...
La jalousie ronge, ronge ses jeunes âmes... L’amour peut pousser aux pires extrémités. On ne le mettra peut-être pas entre les mains des plus jeunes (l’éditeur le conseille à partir de 15 ans), mais ados et adultes sentiront résonner en eux les pulsions qui animent les personnages.

Au-delà de ces tourments amoureux, Florence Aubry a conçu une communauté autarcique fascinante, profondément organisée, par sexe, caste, métier. Une utopie où chacun a sa place. On hésite fréquemment à la croire verrouillée, car de nombreuses passerelles permettent de changer de destinée : chaque talent est valorisé, préféré à la simple filiation quand c’est possible. Lorsque tout va bien, tout va bien. Mais lorsqu’un individu enfreint les règles, la punition doit être exemplaire, car cet acte personnel, égoïste remet en cause toute la société.
Utopique (« sans-lieu »), uchronique (hors du temps« ), le roman navigue entre fantasy merveilleuse et conte moral. Ce sont les lois qui ont conduit à la rupture initiale du récit, la condamnation de Huang, seules les lois pourront le sauver. Pour Leï et ses »amis", pas question d’exploit physique (et que pourraient-ils faire ?), seules les règles qui régissent leurs vies à tous peuvent défaire ce qui a été fait.

Rythmé en courts chapitres, alternant la parole des quatre ados et du père de Huang, mais aussi les époques (de façon bien moins mécanique que dans « Tobie Lolness » de Timothée de Fombelle), le livre se recompose à la façon d’un puzzle aux pièces inégales. Il n’est pas grand, on a la sensation qu’en quelques pages on a saisi ce qui se passe, et ce qui s’est passé. Mais c’est flou : le pourquoi, le comment viendront l’un après l’autre, comme autant de petites pièces indispensables à la compréhension exacte de l’ensemble.

La tension va crescendo, tandis qu’on voit Huang s’échapper (mais n’est-ce pas une fuite métaphysique ? n’est-il pas simplement en train de mourir ?), Xiong et Lou-Ki ourdir leurs plans, chacun en secret, avant que tout bascule à la faveur d’une révélation. Jusqu’à l’avant-dernier chapitre, on ne sait pas comment cela va finir. On craint le pire. C’est plus que probable. Et pourtant...
Un bijou, disais-je.


Titre : Le Royaume des Cercueils Suspendus
Auteur : Florence Aubry
Couverture : Marta Orzel
Éditeur : Le Rouergue
Collection : épik
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 152
Format (en cm) : 20,5 x 14 x 1,3
Dépôt légal : octobre 2014
ISBN : 9782812607103
Prix : 11 €



Nicolas Soffray
10 mars 2016


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