Bernard Duchesne illustre en couverture la nouvelle “La faucheuse” de Julie Marcil. Quand elle apprend qu’elle n’a plus que quelques mois à vivre, une femme trouve un exutoire à sa mauvaise fortune. C’est court, cela m’a semblé totalement gratuit et au final guère convaincant.
Alain Bergeron œuvre un peu dans le même registre, mais le cheminement est bien mieux exposé. Depuis tout petit, Antoine Doucet se voit devenir tueur en série, mais la voie est longue et il ne faut pas s’y engager à la légère. Il y a mûrement réfléchi, élaborant bon nombre de crimes parfaits. Il a décidé de se lancer, de se mettre à l’épreuve en prenant comme victime “Le quatrième chien seul”.
L’auteur insuffle une bonne dose d’humour dans son récit. La personnalité d’Antoine qui flirte avec le ridicule permet d’alléger un thème grave. Bien sûr, les choses ne tournent pas du tout comme prévu... Très bon moment de lecture !
Les anonymes s’improvisant tueurs trustent d’ailleurs le sommaire, car il peut être rajouté à la liste : “Mon écrivain” de Jean Charbonneau et “De si beaux yeux verts” de François Leblanc.
Chez le premier, un immigré n’accepte pas ce qu’un écrivain écrit et décide de l’assassiner. Chez le second, un amant éconduit crie vengeance et poursuit son ex pour la faire payer. Les deux textes illustrent la difficulté de passer aux actes pour parvenir à ses fins. Les issues diffèrent et obéissent à une certaine moralité, avec une préférence pour “De si beaux yeux verts” qui prend un tour inattendu.
Maude Gosselin-Lord nous amène dans une maison de retraite. Un pensionnaire vient de mourir. Thérésa trouve ce décès bien soudain et décide en compagnie de son petit fils de mener l’enquête. Le décor manque de glamour, mais les résultats de leurs investigations révéleront une vérité qu’ils auraient préféré ignorer, mais qui donne à l’ensemble un éclairage original. Sous le titre éveillant déjà les soupçons “On ne meurt pas un soir de pâté chinois” se cache une belle histoire policière qui ne manque pas d’atouts ni d’humour.
“Les moutons andalous et les pâturages du Yorkshire” m’a laissé dubitatif. Hugues Morin s’inspire de la politique ultra sécuritaire des pays menacés de terrorisme et du mouvement des Indignés en Espagne. Pas mal d’intervenants, chacun participant à un morceau du récit pour avancer jusqu’au dénouement aux conséquence exagérées quand tout le fil est dévoilé. L’ensemble a du mal à prendre, une certaine naïveté se dégage des actes relatés, le plus cultivé s’avérant finalement le plus irréfléchi. Il est difficile d’adhérer à l’histoire, même d’y trouver intérêt. Hugues Morin ne s’avère ici pas très inspiré.
Comme à l’accoutumée, Christian Sauvé chronique des films suivant différents axes directeurs, rendant la rubrique “Camera Oscura” toujours aussi attrayante.
Après lecture de ce numéro d’« Alibis », il est clair que le message d’alerte sur la pérennité de la revue éclipse un peu le contenu. Ce serait toutefois un tort de ne pas mettre en avant le bilan sur le polar au Québec en 2015 et les nouvelles d’Alain Bergeron et de Maude Gosselin-Lord.
« Alibis », une revue qui mérite vraiment d’être soutenue !
Titre : Alibis
Numéro : 57
Comité de rédaction et direction littéraire : Martine Latulippe, Jean Pettigrew et Pascale Raud
Couverture : Bernard Duchesne
Type : revue
Genres : nouvelles, entretiens, articles, critiques
Site Internet : Alibis ; numéro 57
Période : hiver 2016
Périodicité : trimestriel
ISSN : 1499-2620
Dimensions (en cm) : 13,2 x 20,9
Pages : 160
Prix : 12,95 $ CAD
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