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Ritournelle
Aoi Ikebe
Komikku - Horizons

Amilah n’a toujours connu qu’un seul endroit : le couvent. Recueillie par les sœurs quand elle était encore bébé, la jeune fille s’est remise à Dieu et à la prière. Elle accepte toutes les corvées que lui donne sœur Marwena. Amilah admire cette femme entièrement dévouée à Dieu et la jeune fille ne regrette qu’une seule chose : de n’avoir pas une belle voix pour participer au chœur du couvent. Elle aimerait avoir une voix de cristal comme son amie Lilas, mais elle, au moins, sait comment nettoyer convenablement le sol des pièces du couvent. Elle ne rechigne jamais à la tache, participant activement aux récoltes, lisant les prières au moment du repas. Sœur Vie trouve même que sœur Marwena exagère un peu trop en lui donnant toutes les corvées à faire, à la limite du harcèlement. Mais n’ont-elles pas accepter de vouer leur vie à Dieu et d’accepter toutes les épreuves qu’il mettra devant elle, toutes les tentations que le monde extérieur offre à leur regard comme les hommes, ce beau jardinier ? Vie qualifie les hommes de démons, mais Amilah les trouve plutôt gentils.



Que lui arrive-t-il ? Devant ses sœurs et les jeunes filles du couvent, Marwena fait bonne figure, l’exemple à suivre par toutes, bonne cuisinière, bonne croyante. Mais si seulement elles savaient le combat qui se déroule en elle. Bien sûr, devant Amilah, elle doit mettre en garde les jeunes novices contre le charme et la gentillesse des hommes car c’est là toute la force du démon. Mais en réalité, elle se ment à elle-même. Ce beau jardinier, elle le connait depuis son arrivée au couvent bien des années déjà. Elle connait même son nom : Kolja. Son regard lui fait perdre la raison et pourtant, elle a toujours résisté à la tentation, acceptant les obligations qu’impose le couvent. Mais aujourd’hui elle doute, et surtout en voyant la jeune Amilah, elle se voit en elle et ne peut accepter que la jeune fille finisse sa vie au couvent. Elle fait tout pour la dégoûter de cette vie de réclusion où la routine journalière n’offre aucun droit au plaisir et à la joie. Elles ne font que répéter cette sempiternelle ritournelle, faite de prières, de travail pour la communauté et rien d’autres.

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“Ritournelle” est le premier titre de Aoi Ikebe publié en France. Le sujet va certainement en surprendre plus d’un car loin d’être classique : la vie au couvent. L’histoire est intemporelle, quelque part en Occident, peut-être en Espagne, durant la Renaissance ou le début du XIXe siècle, Aoi Ikebe ne nous donnera aucune précision car cela n’est pas nécessaire à son récit. L’histoire qui nous est contée n’est pas celle d’une période mais de personnes, de la Religion et de l’amour.

Nous suivons en fait deux sœurs : une très jeune novice, Amilah, et la sœur devant parfaire son éducation, Marwena. Nous entrons avec elles dans ce lieu secret qu’est un couvent, un lieu interdit aux hommes, symboles de la tentation et présentés comme des démons dans l’univers collectif féminin de ce lieu. Ces deux personnages vont voir leur vie se lier puis diverger par une décision que l’on pourrait qualifier d’égoïste de la sœur Marwena. Marwena est l’exemple même de la vocation par obligation plus que par véritable dévotion totale envers Dieu. Car le choix de déclamer ses voeux lors de la cérémonie de passage à novice puis soeur est en réalité une déclaration d’amour exclusive pour Dieu, hors le cœur de Marwena est depuis longtemps tourné vers des choses plus terrestres. “Ritournelle”, c’est la danse du doute dans l’esprit de Marwena, un doute qu’elle va tenter insidieusement d’introduire dans l’esprit de la jeune Amilah. Mais cette histoire apparaît peu à peu assez pessimiste car Amilah va découvrir ce que pensent les autres jeunes novices d’elle et ce sera un choc pour la jeune fille, pourtant elle gardera sa foi en dieu mais se refermera sur elle-même, un peu comme Marwena. Cette dernière découvrira la réalité du monde extérieur et que la vie dont elle rêvait est loin d’être simple.

Ritournelle est un ouvrage peu banal. Son édition en grand format dans la nouvelle collection Horizons des éditions Komikku permet de mettre en valeur les dessins couleurs de Aoi Ikebe, car ce n’est pas un manga en noir et blanc comme il en est l’habitude. Aoi Ikebe a choisi la couleur comme pour les BD européennes. Les encadrés sont formés comme des enluminures, donnant à l’ouvrage un côté moyen-ageux, ancien. Les fonds brun et sépia aident à donner une allure de vieil ouvrage, permettant également au mangaka d’user de dessins peu détaillés, de traits de visages très simplifiés mais mis en avant par l’usage de couleurs parfaitement cohérentes dans leurs nuances et leur nombre réduit, évitant de surcharger les planches. Le discours est alors d’une grande clarté, facile à comprendre et à analyser, ne tergiversant pas. Aoi Ikebe parvient également à faire passer sans nécessité de fioritures des sentiments très forts, par des expressions, des non-dits, des silences qui en disent plus que de longs discours, où le seul bruit est souvent un chant ou une prière.

“Ritournelle” est un choix audacieux car sortant totalement des mangas habituels, même en shojo. Et contrairement à ce qu’il parait, c’est un manga très adulte abordant avec simplicité un succès des plus complexes : l’amour dans la religion chrétienne.


Ritournelle
- Auteur : Aoi Ikebe
- Traducteur  : Patrick Honnoré et Ryoko Sekiguchi
- Éditeur français : Komikku éditions
- Collection : Horizon
- Format : 17 x 24 cm
- Pagination  : 226 pages
- Date de parution : 26 novembre 2015
- Numéro IBSN : 979-1091610759
- Prix : 16 €


© 2014 Aoi Ikebe (AKITASHOTEN)
© Komikku éditions- Tous droits réservés



Frédéric Leray
3 février 2016




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