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YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Avalon
Film japonais de Mamoru Oshii (2001)
27 mars 2002

****,5



Genre : Réalité virtuelle
Durée : 1h46

Avec Malgorzata Foremniak (Ash), Wladyslaw Kowalski (Game Master), Jerzy Gudejko (Murphy), Dariusz Biskupski (Bishop), Bartek Swiderski, Katarzyna Bargielowska (la réceptionniste), Michal Breitenwald (Murphy des neufs soeurs), Zuzanna Kasz (le fantôme), Alicja Sapryk (Gill)

Dans la Pologne d’un futur proche, « Avalon », un jeu de guerre virtuel multi-joueur, permet à de plus en plus d’adeptes d’échapper à la morosité d’un environnement social en pleine déliquescence. Les points gagnés, dans cette réalité alternative, sont échangés contre des billets de banque par les joueurs performants à leur retour dans le monde réel. Mais, ce wargame est loin d’être sans danger et les « non-revenus », des joueurs totalement accrocs dont la conscience n’a pu réintégrer leur enveloppe corporelle, ont envahis les établissements hospitaliers. Si métaphoriquement, ils sont censés avoir rejoint l’île paradisiaque d’Avalon (référence aux légendes Arthuriennes), le jeu, lui, est devenu complètement illégal.

Dans la sinistrose ambiante, Ash, ancien membre des Wizards - une équipe d’élite ayant splittée après que son capitaine ne soit pas « revenu » - joue dorénavant en solo. Joueuse émérite, elle partage son temps entre la salle de jeu et son studio d’habitation, dans lequel elle passe ses nuits à fumer et à boire avec son chien pour seul compagnon.
Alors qu’un nouveau joueur fait son apparition sur le plateau virtuel, surpassant en rapidité les records de la belle guerrière, un ancien coéquipier des Wizards alerte Ash sur l’existence d’un niveau de jeu secret qui permettrait d’accéder à la mythique Avalon.

Mamoru Oshii, qui nous avait démontré ses exceptionnelles qualités de création et de mise en scène dans le domaine de l’animation à tendance cyberpunk, revient cette fois-ci avec un long métrage entièrement tourné avec des acteurs de chair et de sang.

Après ses réflexions techno-politico-religieuses (« Patlabor 1 et 2 »), puis son immersion dans le monde des cyborgs et de la vie artificielle (« Ghosts in the shell »), Oshii, toujours en compagnie de son scénariste Kazunori Itô, s’intéresse cette fois-ci à la réalité virtuelle.

Amateur averti de l’école de cinéma polonaise (Wajda, Kawalerowicz, Munk), il choisit de planter son récit dans une ville de Varsovie moribonde où la misère n’a d’égale que le délabrement de ses infrastructures. Usant de prises de vue teintées en sépia, il installe une ambiance rétro qu’il transcende au moyen d’une kyrielle d’effets visuels sophistiqués, hérités du manga et l’animation 3D. Un très grand soin a été apporté à chaque images, retouchée numériquement, de chaque séquence où ombre et lumière, mouvement et immobilité, réalité et virtuel se fondent en une multitude de tableaux de toute beauté. Alternant action guerrière et lenteur excessive, il construit un subtil puzzle dans lequel le spectateur, à l’image de Ash à la recherche de son chien disparu, se perd entre réalité virtuelle et simulacre existentiel. Sommes-nous vraiment ce que nous croyons être, ou le monde qui nous entoure n’est-il qu’un fantasme informatisé ? Quant à la virtualité, n’est-elle qu’un moyen technologique de divertissement ou un médium suffisant et nécessaire à l’évolution de la psyché humaine ? Ces questions, comme tant d’autres, tant Oshii nourrit ses plans de détails évocateurs à la symbolique trop riche pour être embrassés en une seule projection, sont les thèmes sous-jacents qui accompagne Ash dans sa quête du Graal.
Bien entendu, on pourrait, d’un point vue thématique et schématique, rapprocher « Avalon » de « Matrix », si les objectifs des deux métrages ne s’avéraient pas diamétralement opposés. En effet, là où « Matrix » nous proposait un univers futuriste montrant l’humanité piégée sans le savoir dans une enclave matricielle, Oshii lui, choisit, sur les traces du « eXistenZ » de David Cronenberg, d’explorer la fascinante perversité des jeux de simulation et d’envisager, à l’image du « Ouvre les yeux » d’Alejandro Amenábar ou de son récent remake « Vanilla Sky » de Cameron Crowe, le concept d’une existence au-delà de la réalité, située dans les limbes cybernétiques et ludiques de la virtualité. A ce constat visuel et narratif, il ne faut pas oublier d’ajouter la partition musicale de Kenji Kawai qui vient littéralement sublimer les images de Mamoru Oshii.
Si cette expérience cinématographique pourra sembler lente et nébuleuse aux spectateurs hermétiques à la teneur existentielle du propos, « Avalon », oeuvre troublante aux partis-pris de mise scène étonnants, est incontestablement un film à voir (et même à revoir si l’on veut en saisir toutes les implications).
En un mot, un chef-d’œuvre.

Bruno Paul
Mars 2002

FICHE TECHNIQUE

Titre original : Avalon

Réalisation : Mamoru Oshii
Scénario : Kazunori Itô

Producteur : Atsushi Kubo
Producteurs exécutifs : Tetsu Kayama, Naoyuki Sakagami, Toru Shiobara, Shigeru Watanabe

Musique originale : Kenji Kawai
Image : Grzegorz Kedzierski
Création des décors : Barbara Nowak
Son : Kazuhiro Wakabayashi
Effets visuels : Nobuaki Koga

Distribution : Cinévia Films

INTERNET

http://www.animint.com/encyclopedie/auteurs/oshii.html


Bruno Paul
27 mars 2002



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