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Solaris n°196
L’anthologie permanente des littératures de l’imaginaire
Revue, n°196, science-fiction / fantastique / fantasy, nouvelles – articles – critiques, automne 2015, 160 pages, 12,95$ CAD

Comme chaque année, les lecteurs de « Solaris » peuvent découvrir les textes lauréats du Prix d’écriture sur place du Congrès Boréal 2015 et ce, dans deux catégories. Et c’est là que c’est intéressant, car les auteurs montants sont distingués des auteurs confirmés (catégorie auteurs pros, appellation me semble-t-il galvaudée). Au fil des années, il est amusant de voir les premiers franchir le pas et entrer dans la seconde catégorie.
Enola Deil (“Lupusdias”) montre qu’elle dispose déjà des qualités pour intriguer les lecteurs en une heure de temps (durée de l’épreuve !) avec un jeune de 21 ans à la recherche de sensations fortes. Dave Côté m’a semblé à l’étroit. “Il a un papillon” aurait mérité plus de pages, mais en soixante minutes, écrire trois pages d’une histoire aussi ambitieuse s’avère déjà une belle performance.



Eva Patenaude nous livre une fiction fascinante mettant en scène deux frères : l’aîné Damion est un Hypersensible, alors qu’Arkimède est un Cérébral. Le cas est rarissime et une véritable torture pour l’Hypersensible, mais il prend sur soi et accepte très bien son petit frère dénué de la moindre émotion. Et quand Arkimède quitte le cocon familial pour intégrer une école d’élite obligatoire, c’est un déchirement pour Damion.
Au-delà du débat sur la mainmise de l’état sur les Cérébraux, “Le sourire d’Arkimède” recèle une belle tendresse avec cette complicité difficile entre deux frères que tout sépare. Récit très bien mené, inspiré et passionnant.

Ghislain St-Germain Forcier nous présente un cas de possession dans lequel il ne fait pas dans la dentelle. Celui qui détient l’esprit de cet homme s’adresse à lui tout au long du voyage le conduisant jusqu’à une famille. “Et vous en avez accusé un autre que moi” ne m’a pas vraiment convaincu, le massacre m’a semblé gratuit, présent pour choquer les lecteurs plutôt que d’une réelle utilité. Toutefois le dernier paragraphe donne un certain éclairage à l’ensemble : l’auteur a-t-il cherché à donner sa vision des récents attentats et du fanatisme qui s’en dégage ? Sentiment final mitigé.

Seconde partie de “Ô Laurentie !” de Jean-Pierre Laigle. Cette uchronie se déroulant dans la province du Québec est déclinée sous forme d’un carnet journalier. Le personnage traite aussi bien de sa vie que de l’actualité internationale très mouvementée. La chronologie s’avère pour le moins déstabilisante. On apprend qu’il va donner des cours à des enfants, avant quelques jours plus tard de lire qu’il fait cela depuis des semaines. La succession des événements et leur laps de temps n’ont eu de cesse de m’étonner. Ces chroniques au long cours ne sont pas d’un accès immédiat, surtout de l’autre côté de l’Atlantique et, pour saisir pleinement leur portée, doivent sûrement être lues dans leur globalité.

Personne n’est jamais revenu de “La Cordillère des Monts et des Fosses”. Personne ? Pas si sûr, mais le rescapé préfère garder l’information secrète pour éviter que quiconque ne tente l’expérience. À la révélation de l’escapade en compagnie de son frère, cette retenue s’avère des plus compréhensibles. Dominic Tardif nous offre un personnage torturé par le passé. Il essaie d’oublier dans l’alcool, mais les souvenirs demeurent, juste un peu moins forts. Comment faire abstraction de son incursion dans la Cordillère et du prix de son retour ? L’auteur ne nous présente pas l’histoire de but en blanc, il prend le temps de décrire l’homme, de donner du relief au contexte, avant de nous plonger dans ses souvenirs angoissants. Nouvelle prenante et bien maîtrisée.

Mario Tessier signe “Les semailles du temps, les moissons du ciel”, un texte empli de souffle, où un vaisseau poursuit inlassablement sa mission d’ensemencer les planètes de la galaxie. Le récit s’étend sur des millénaires, voire bien plus, montre quelques réalisations de Vaisseau et de son pilote et affiche une belle inventivité. Cette nouvelle n’est pas sans rappeler les romans d’Olaf Stapledon. De plus, elle se lit très facilement, alors que les sautes de temps auraient pu rendre l’ensemble rébarbatif. De la SF comme on aime !

En plus de son récit grandiose, Mario Tessier nous fait découvrir un pan relativement méconnu de Lovecraft : sa passion pour l’astronomie. Il nous est révélé que ce sont ses lacunes en mathématiques qui l’ont empêché de faire carrière dans cette voie. Pourtant il a toujours conservé un regard vers les étoiles. Très bonne étude qui apporte un autre éclairage sur le reclus de Providence et sur les sources de son inspiration, avec un aparté sur les auteurs astronomes (David Brin, Gregory Benford...).

Autre article, celui de Pierre-Alexandre Bonin qui met en regard deux nouvelles : “De peur de nous souvenir” d’Isaac Asimov et “Souvenirs à vendre” de Philip K. Dick. Les deux traitent de la mémoire, mais de façon différente. Intéressante comparaison qui creuse en profondeur les deux textes de deux monuments de la science-fiction que l’on associe très peu.

Avant les chroniques d’ouvrages parus des deux côtés de l’Atlantique, dans “Sci-néma”, Christian Sauvé s’attarde sur les films d’inspiration biblique, sur les remakes qui ne sont pas toujours inspirés, sur les adaptations au cinéma et sur la cinquième saison de « Game of Thrones » où il note les choix scénaristiques qui ont été faits et que la prochaine saison risque d’être une surprise pour tout le monde, car précédant le roman.

Un numéro de « Solaris » solide, notamment par sa partie rédactionnelle, mais avec des nouvelles d’intensités variables.


Titre : Solaris
Numéro : 196
Direction littéraire : Jean Pettigrew, Pascale Raud, Daniel Sernine et Élisabeth Vonarburg
Couverture : Tomislav Tikulin
Type : revue
Genres : nouvelles, articles, critiques
Site Internet : Solaris ; numéro 196 
Période : automne 2015
Périodicité : trimestriel
ISSN : 0709-8863
Dimensions (en cm) : 13,2 x 20,9
Pages : 160
Prix : 12,95 $ CAD


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François Schnebelen
17 janvier 2016


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