Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Poisons de Katharz (Les)
Audrey Alwett
Bad Wolf, roman (France), fantasy, 350 pages, juin 2015, 17,50€

Dame Carasse est la sorcière la plus puissante de la Trisalliance. Du moins c’est ce qu’on dit, et personne n’est allé vérifier. C’est pour cela que Morbak Harsnik, le tyran de Katharz, la cité-prison, lui a demandé d’être la marraine de sa fille, qui lui succèdera. Car la gamine, devenue adulte, aura un lourd fardeau à porter : gérer la ville qui sert de poubelle aux 3 gouvernements de la Trisalliance, qui y expédient leurs criminels (et y font une fois par an leur marché quand ils ont besoin d’un tueur à gages). Mais surtout, la cité a un secret : elle a été construite après la guerre entre les anges et les démons, et une grosse bête endormie repose dessous. Une grosse bête qui vampirise le maître de Katharz, hante ses pensées, le torture mentalement dès qu’il se relâche. Une bête qui n’attend qu’une chose : que 100.000 âmes peuplent la ville, condition imposée par l’ange qui l’a vaincue pour le lier à presque jamais.
Et sous le règne de la jeune et cruelle Ténia Harsnik, on approche dangereusement ce recensement.
Et voilà-t-y pas qu’un magnat des armes, accessoirement sénateur, persuade le falot prince Alastor de détruire la ville (avec des nouveautés de ses usines, vendues à prix d’ami, bien sûr). Sauf que l’arrivée d’une armée pourrait ruiner les efforts démographiques de la tyranne...
Heureusement, Dame Carasse veille au grain, et part chercher une solution. Ou se mettre à l’abri, loin, très loin...



Miam, la bonne fantasy bien dark que nous a mitonnée Audrey Alwett ! Le tout servi avec un humour décapant, dès les premières lignes, où l’on découvre que la toute-puissance de Dame Carasse est davantage de la débrouillardise et un peu d’esbroufe que de la puissance brute...
J’ai lu ce livre il y a quelque temps déjà (pour le réveillon, au coin du feu) et 3 mois après certaines images me hantent encore. Tout est original dans « Les Poisons de Katharz », où se concentrent une foule de bonnes idées piochées de-ci de-là : la maison sur pattes de la sorcière, pas sans évoquer certaines machines de Miyazaki (mais en fait inspirées des Baba Yaga russes), la fabrique de balais, des intrigues de couloirs dignes de « Game of Thrones ». La ville est un personnage en elle-même, et l’auteure y dépeint une réalité sociale de bidonville, équilibre fragile entre misère noire, insécurité permanente et une certaine normalité du quotidien pour les malheureux qui vivent au bas de l’échelle. Mais c’est une ville à part entière, avec ses beaux quartiers, où on s’enrichit sur le dos des autres et où l’on complote pour gagner toujours plus de pouvoir.

Certains passages font froid dans le dos, et le roman aurait pu être très, très sombre. L’excellente idée est de peupler cette histoire de personnages largement imparfaits, parfois caricaturaux (le sénateur Mâton et sa nièce, la nymphom...« délurée » Grace en tête), souvent minables dans leur cruauté banale, et à l’inverse certains sont hors catégorie (Dame Carasse la première, le portier zombie...) dans l’absurde ou le paradoxal.
L’histoire peut paraître très simple, et on s’amusera des litotes et autres tournures pour ne pas parler de la Bête et du péril qui menace. L’apocalypse est imminente, ceux qui sont au courant déploient toute leur énergie à la repousser, et pendant ce temps-là les idiots du village, naïfs ignorants, complotent à qui-mieux-mieux sans savoir ni ce qui les attend ni ce qu’ils risquent de précipiter.
La solution viendra de manière totalement inattendue, et Dame Carasse, quasi l’héroïne de cette histoire, va s’engouffrer dans une brèche qui semble trop belle pour être vraie. Même si tout n’est pas gagné d’avance, loin de là...

Je ne vous en dis pas plus, je vous ai déjà gâché assez de surprises. Sachez seulement que si vous envisagez le pire, vous êtes loin du compte, quant au meilleur, également. Le rythme et la tension vont crescendo, synchro avec l’annonce de la fin du monde, une petite histoire d’amour surprenante compense les histoires de fesses et autres séances de douches collectives (ah, les paladins, ce n’est plus ce que c’était...)
En fait, je crois que dans « Les Poisons de Katharz », Audrey Alwett prend un malin plaisir à salir tous les trucs trop proprets de la fantasy, hérités de contes de fées (pensez au kitchissime « Peau d’âne » de Jacques Demy très justement relégué sur Gulli). Mais en même temps, elle montre toute une palette de gris dans la noirceur de la dark fantasy, car ses personnages, objectivement les « méchants » habituels des histoires, s’avèrent bien plus humains que les « gentils ». On a en tout cas davantage d’empathie à leur égard.

C’est drôle, épique, tragique, haletant... que demander de plus ?


Titre : Les Poisons de Katharz
Auteur : Audrey Alwett
Couverture : (inconnu)
Éditeur : Bad Wolf
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 350
Format (en cm) : 15 x 23 x 2
Dépôt légal : juin 2015
ISBN : 9791094665022
Prix : 17,50 €
- version numérique
Pages : 300
ISBN : 9791094665015
Prix : 2,99 € via Amazon (format Kindle) uniquement


On regretta une flopée de coquilles (dont un personnage qui change de nom !), qui je l’espère auront pu être corrigées de la version numérique.


Nicolas Soffray
29 mars 2016


JPEG - 42.4 ko



Chargement...
WebAnalytics