Après les guerres de l’Eau, ils se sont exilés, dans la vallée des Tambours, que seuls les grands vents du nord visitent. Ils sont en train de mourir, de tomber en poussière et, même s’ils ont fixé des interdits qui les isolent des hommes depuis des siècles, ils ont décidé de se mettre en route pour rejoindre la Montagne Sacrée qui les a vu naître. Craignant que la magie d’un esprit puisse utiliser leurs pouvoirs, comme dans un funeste passé, ils décident de chercher un contre-esprit parmi les hommes. Hommes-fourmis, Hommes-perchés, Hommes-ramures, Hommes-plats, Hommes-gris... autant de tribus que chacun d’entre-eux, autrefois, représentait.

Indécis, ils se mettent en route, suivant le choix de Tour d’Ivoire, vers la tribu des Hommes-fourmis. L’un d’eux, sentant une vie en danger, ira secourir une « petite fourmi » épuisée et prête à céder sous les assauts de la griffe et du croc. C’est ainsi que Tour du Septentrion rencontre Nefer...

Mais j’ai déjà assez raconté, bavard que je suis quand j’ouvre un livre empli de magie. Celle des contes, des légendes, de la poésie, des esprits et des hommes. Avec un conteur tel qu’Arnaud Boutle, je suis aux anges, tombant chaque fois que j’ouvre ce livre dans le ravissement qu’il procure. C’est un plaisir esthétique immédiat qui guette, à chaque page, tant la douceur, la finesse et la qualité du trait subjuguent. Si le dessinateur reste un brin académique, il a la bonne idée d’être remarquable coloriste. Sa palette de couleurs recherche les élémentaires, jouant des saveurs de la terre, de la chaleur du soleil, de la brûlure du feu, de la minéralité des sables, de la vivance de l’eau et de la nature. Ses personnages sont fins, emplis d’humanité, rappelant la magie du Kirikou de Michel Ocelot, l’inventivité d’un Léo à créer faune et flore extraordinaires. Et au milieu de cet univers riche et chatoyant, évolue ce duo formidable, Nefer et Sept (oui, elle l’appelle vite ainsi !). La frêle fourmi, abandonnée à l’humiliation et à la torture, rencontre la compassion, l’amitié et le savoir. L’un et l’autre ont besoin de cette rencontre.

Au travers d’un conte, qui a sa part de cruauté (l’homme ne sait s’en passer !), Arnaud Boutle invite à un long voyage où l’aventure, la poésie et l’onirisme sont réunis. Il interpelle de très jolie façon sur la question du libre arbitre, si souvent enlevé à des jeunes filles dont on échange les vies contre de l’argent, du pouvoir. Il appelle à se rebeller face aux injustices, à évoluer selon ses propres choix dans le respect des apprentissages et des expériences du passé. “Nefer” est une leçon de courage et de sagesse, sans doute un peu naïve, mais redoutablement optimisante.
C’est un formidable livre de plus de 140 pages (agrémenté d’un cahier graphique pour prolonger le plaisir), qu’il faut plébisciter pour le partager avec vos enfants, petits-enfants et autres grands enfants qui aiment l’esprit magique des légendes. Arnaud Boutle a réussi à convoquer beaucoup de celles-ci, brassant de multiples influences pour créer l’enchanteuse “Nefer” et un premier chant empli d’enthousiasme et de fraîcheur.

Ces “Chants et contes des premières terres” m’ont véritablement enchanté. Nefer, j’espère un autre long voyage, pour trouver d’autres Anciens, encore bien plus vieux, et pour prendre quelques nouvelles de ton arbre à rêves...

Nefer - Chants & Contes des première terres
 Scénario, dessin et couleurs : Arnaud Boutle
 Éditeur : Delcourt
 Collection : Hors Collection
 Pagination : 152 pages couleurs
 Format : 22,6 x 29,8 cm
 Dépôt légal : 23 septembre 2015
 Numéro ISBN : 978-2-7560-4776-8
 Prix public : 23,95 €

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Illustrations © Arnaud Boutle et Éditions Delcourt (2015)