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Présences d’Esprits n° 84
Le zine des mondes de l’imaginaire
Fanzine, n°84, articles - critiques - entretiens - nouvelle, été 2015, 64 pages, 5€

Je n’avais jusqu’à présent eu entre les mains qu’un seul numéro de « Présences d’Esprits » et j’avais apprécié la présentation tout à fait professionnelle de cette revue qui s’identifiait modestement à un fanzine. Un fanzine, et c’est un « fanéditeur » des temps anciens qui parle, est avant tout la réalisation d’un passionné qui y déverse ses fantasmes « science-fictionnesques » (mais pas que !...), dont la carrière dure le temps d’une explosion atomique, fait main dans la plus pure tradition de l’autodidacte et distribué par quelques librairies consentantes ou désabusées. Sans doute la diffusion de « Présences d’Esprits » est-elle confidentielle – par rapport aux périodiques qui fleurissent ou fanent parfois dans nos kiosques – mais là s’arrête à mon sens la comparaison avec un fanzine.



L’illustration de couverture, en quadrichromie, est due à un dénommé Nicolas Le Tutour et, sans aller jusqu’à crier au chef-d’œuvre, elle dégage une belle ambiance d’étrangeté. Cette illustration est complétée par une interview de ce dessinateur aux projets multiples.
Ce numéro 84 nous donne donc rendez-vous avec l’utopie et son contre-pied, la dystopie. Ces thèmes sont traités à travers deux dossiers réalisés par François Manson et Vincent Delrue. Disons-le clairement : je suis resté scotché tout au long de ces pages où l’érudition le dispute à la capacité d’analyse. Le long article de François Manson est une véritable somme, qui aborde le sujet sous toutes ses faces et pousse le raisonnement… très loin ! Ainsi l’utopie se construirait dans une géographie imaginaire, une île perdue sur les rives de laquelle l’homme trouverait le bonheur. François Manson fait partir l’utopie moderne en 1516 avec la première édition de l’« Utopia » de Thomas More. On peut descendre plus loin dans le temps bien sûr, je pense au Jardin d’Eden biblique par exemple. François Manson explique avec force références comment l’homme projette dans ces lieux rêvés son désir salvateur, comment il y décrit une société idéale en réaction aux déceptions qu’il ressent au quotidien. On le voit, la conception des utopies est évolutive… La dystopie, ou les lendemains qui déchantent, est un thème auquel se prête bien notre genre, qui accueille moult textes apocalyptiques ou post apocalyptiques, mais également les évocations de mondes totalitaires – « 1984 » d’Orwell en l’occurrence, ou « Planète à Gogos » de Pohl et Kornbluth. L’uchronie, abordée également dans le cadre de cet article est considérée comme un avatar de l’utopie - dystopie permettant de réécrire l’Histoire en la faisant diverger. Il s’agit là aussi d’une manière de projeter non plus dans l’avenir ou sur un continent perdu, mais « ailleurs » ses peurs et ses rêves ; « Pavane » de Keith Roberts étant à mon sens l’archétype de ce genre d’histoire. Vincent Delrue complète enfin cette belle étude en abordant ce thème par le biais du 7ème art où les exemples abondent : « La Planète des singes », « Orange mécanique »… Un article également fouillé et pertinent.
Après ces deux pavés que tout amateur se doit de lire, quelques livres sont passés en revue, puis une nouvelle dystopique – c’était bien le moins auquel on pouvait s’attendre - nous est proposée par Nicolas Kempf. Bon, un texte honnête mais sans plus.

Suivent deux comptes-rendus des Oniriques et du premier Festival des Mondes Imaginaires qui s’est tenu à Montrouge en remplacement du festival Zone Franche. On retiendra de ces chroniques les interviews recueillies, en particulier celle d’Ophélie Bruneau dont j’aime la décontraction, la simplicité et le bon sens. Son premier bouquin était loin d’être mauvais et nous tenons là une auteure à surveiller de près.
Enfin, et mon vieux cœur de fanéditeur a bien failli s’arrêter, une chronique sur les revues anciennes est proposée par Jean-Luc Guinamant, consacrée ici au fanzine « Ailleurs » édité en des temps préhistoriques par Pierre Versins (sauf erreur c’est le premier fanzine français, « Lunatique » et « Mercury » ont suivi ensuite ; c’était l ‘époque héroïque de Jacques Ferron et de ses petits robots agrafeurs – en fait ses enfants). J’apprends ainsi que dans sa première livraison de mai 1957, « Ailleurs » compta un article d’Adrien Sobra (alias Marc Agapit) intitulé (coïncidence avec ce n° 84) “Faut-il lire les utopies ?”. Si le sieur Guinamant pouvait bien m’en donner copie…

En conclusion, un excellent numéro 84 de ce fanzine dénommé « Présences d’Esprits » et dont la réalisation est digne d’un magazine. Les clefs de lecture des utopies – dystopies y sont livrées sur un plateau. Chers lecteurs, vous n’avez plus qu’à vous servir !


Titre : Présences d’Esprits
Numéro : 84
Rédacteur en chef : Christian Hochet
Couverture : Nicolas Le Tutour
Type : fanzine
Genres : SF, articles, critiques, entretiens, nouvelle, etc.
Site Internet : le club Présences d’Esprits
Période : été 2015
Périodicité : trimestrielle
ISSN : 1291-2689
Dimensions (en cm) : 29,7 x 21
Pages : 64
Prix : 5 €



Didier Reboussin
24 octobre 2015


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