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Gokan
Diniz Galhos
Pocket, roman (France), thriller déjanté, 247 pages, mai 2015, 6,20€

C’est une histoire qui parle d’une bouteille réservée à Quentin Tarantino, dans un bar miteux de Tokyo. C’est l’improbable rencontre d’un timide professeur de lettres, Jean-Luc Ponty, parti au pays du soleil levant faire une conférence sur Zola, et un gérant de club-house de golf qui met en relation collectionneurs excentriques et propriétaires d’objets extraordinaires. Ce sont les démêlés de deux vieux Yakuzas en mal de personnel compétent, obligés de sous-traiter, tandis qu’un psychopathe américain s’amuse à décimer leurs troupes dans des bains de vapeur. Il y a aussi une valise avec beaucoup d’argent dedans, malencontreusement entourloupée par une garagiste pas tendre et résolue à ne jamais être une victime...



Le « gokan » est l’équivalent japonais au XIXe siècle du pulp américain du XXe. Si vous ajoutez les références à Tarantino, ai-je besoin de vous faire un dessin ? Dans son roman, Diniz Galhos rend un vibrant hommage au cinéaste américain, jouant comme lui sur le mélange violent des cultures, les situations ubuesques et les face-à-face tendus armes au poing. La chronologie du récit est également torturée, autant que dans « Pulp Fiction ».

Les personnages sont nombreux, mais les lignes narratives savamment séparées, avant le cocktail final, rendent la lecture aussi fluide qu’addictive. Il sera quasi impossible de reposer le roman avant d’avoir achevé les 250 pages. La déconstruction chronologique, si elle peut paraître parfois superflue, prend tout son sens en quelques pics de tension et retournements de situations dont les autres personnages n’ont pas encore eu vent.

Je ne vais pas me risquer à vous le raconter. Cela vous gâcherait la lecture. Comme chez QT, les rencontres improbables sont l’occasion d’échanges verbaux qui le sont tout autant, anecdotes croustillantes et/ou riches d’enseignement. Galhos fait preuve d’une imagination foisonnante et d’une grande culture cinéphile, ce qui ne gâche rien.

Plutôt que s’entrecroiser, les lignes convergent, inéluctablement, vers ce bar miteux et minuscule. Et le héros malheureux de cette histoire, notre Jean-Luc national, se retrouve en bien fâcheuse posture. Et sa vie va totalement basculer. Bon, celle des autres aussi, et certains ne quitteront plus jamais la position horizontale, lestés comme ils le sont.

Si la violence déferle allègrement, de nombreuses émotions agitent la lecture de « Gokan », l’émotion le disputant au rire, comme lors du bilan sentimental de Jean-Luc ou l’évocation de la jeunesse de Nina. Néanmoins c’est un humour noir qui prédomine, du psychopathe américain qui déroule son discours raciste fort bien léché au jeune yakuza si zélé qu’à défaut de seppuku, il veut régulièrement se trancher une phalange ou deux (un honneur qu’on lui refuse, bien sûr).

C’est fou et tarabiscoté, c’est un bazar monstre qui prend monstrueusement sens peu à peu, c’est « survolté et jubilatoire » pour reprendre la citation des Inrocks en exergue sur la couverture. Tarantino a fait des émules, et avec « Gokan » Diniz Galhos s’est largement hissé au niveau de son modèle, mêlant légèreté de façade et richesse du fond.


Titre : Gokan
Auteur : Diniz Galhos
Couverture : Nicolas Galy
Éditeur : Pocket (éditeur original : Le Cherche-midi)
Site Internet : fiche du roman
Collection : Thriller
Numéro : 15733
Pages : 247
Format (en cm) : 17,7 x 10,8 x 1,3
Dépôt légal : mai 2015
ISBN : 9782266243940
Prix : 6,20 €



Nicolas Soffray
31 janvier 2016


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