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Garçon qui Savait Tout (Le)
Loïc Le Borgne
Syros, Soon, roman (France), voyage temporel, 133 pages, juin 2015, 5€

Malo, ado de la campagne, aimerait bien briller aux yeux de la jolie Maï. Mais elle est souvent rivée à son smartphone, quand lui n’en a pas et préfère la pèche à la ligne. Et à 12-13 ans, les filles, c’est pas facile à comprendre.
Débarque alors un garçon en pagne, Jehan, au langage peu compréhensible. Il dit venir du futur, via une faille temporelle pas loin. Futur cataclysmique ou idyllique, il n’est pas évident de le savoir tout de suite. Dans cet avenir, les gens sont hyper-connectés, et on accès à toute l’information via la Brume omniprésente : météo, présences, informations personnelles... sans jamais pouvoir s’en déconnecter ! Ce qui a poussé Jehan, membre des rebelles, à revenir dans le passé pour rencontrer le créateur de cette technologie. Emmenant Malo et Maï la curieuse avec lui, cinq siècles dans le futur, il va tenter de les convaincre.



Il y a comme, comme souvent, d’extrêmement bonnes choses dans ce petit Soon. Mais en tant qu’adulte, j’aime pinailler, et cette fois-ci quelques détails m’ont plus que chiffonné. Je les expose d’entrée, on sera débarrassé :
Le voyage dans le temps est un exercice dangereux, et ici le but de Jehan est bel et bien de modifier l’avenir. Donc danger du paradoxe : en créant certaines choses (des photos) et en modifiant le passé, son voyage n’aura plus de raison d’être, et donc n’aura pas lieu ! Bref, il efface son propre avenir qui n’existe pas encore pour un autre où cette histoire ne pourra pas avoir lieu, puisqu’il n’aura pas voyagé dans le passé... Vous avez compris ? Non ? C’est normal, c’est un paradoxe.
Ensuite, même si la vie réserve des surprises, il est étonnant qu’un gamin moyen à l’école devienne, même vingt-cinq ans plus tard, un génie du numérique. Sauf avec un coup de pouce de l’avenir (coup de pouce qui n’existe pas encore au début de l’histoire !). Enfin, à la vitesse actuelle des progrès en informatique, il est sidérant que des hommes aient attendu 500 ans sans se plaindre et ne se rebellent qu’au moment où ils sont capables de retourner dans le passé (et qu’ils devraient plus que savoir les risques que cela comporte !)

Mais bon, faites abstraction de cela, et le roman de Loïc Le Borgne est truffé de questionnements à mettre entre toutes les mains des jeunes lecteurs (et les autres) : l’accès permanent à l’information a rendu l’école caduque, puisque la connaissance est partout disponible. Cela veut-il dire que l’école n’est là que pour nous apprendre des données, ou aussi à s’en servir ? Comment Jehan et Armand sont-ils devenus hackers ? On regrette que l’auteur ne pousse pas un peu plus loin la question de l’(auto-)apprentissage au XXVIe siècle.
Quelques cataclysmes, naturels ou humains, ont « nettoyé » la Terre, suite à la surpollution et à la raréfaction des ressources naturelles. La température est montée, changeant le paysage français en jungle tropicale. La société s’est réduite, concentrée dans des mégapoles, laissant la nature revenir à l’état sauvage. Le paysage brossé est saisissant.

Enfin, au centre de cette histoire, l’information, et son accès permanent. On pinaillera sur certains paradoxes (les jeunes hackers savent ouvrir une faille temporelle mais pas restreindre ou court-circuiter leurs capteurs sensoriels...) et on se concentrera sur les questions centrales : quand on a accès à toute l’information, quels sont nos buts dans la vie ? Quand commence l’ennui ? Quand on est presque capable de deviner les pensées des autres par l’analyse de leurs données, que cela induit-il sur les relations avec autrui ? Quelle intimité lorsque toutes nos informations personnelles, même biologiques, sont visibles de tous ?
Encore une fois, c’est là que la logique de cette histoire pêche : les questions de vie privée sur les réseaux sociaux sont déjà au cœur de l’actualité, et il paraît bizarre qu’en 500 ans les choses aient à ce point viré dans la mauvaise direction. Même pour les meilleures raisons du monde.

Dernier point très intéressant : faute de pouvoir « disparaître », les deux jeunes hackers dissimulent leur s activités grâce à des papillons, qui produisent un surplus de données, « noyant » leurs faits et gestes dans le « bruit » numérique. Une manière de rappeler que quand l’information existe, encore faut-il la trouver dans un océan virtuel. Le Web actuel est déjà un bazar monstrueux et exponentiel, où il est souvent difficile de séparer le vrai du faux...

S’il fait montre de certaines failles à des yeux adultes, « Le Garçon qui savait tout » remplit parfaitement son office chez les jeunes lecteurs : accentuer un phénomène contemporain à l’extrême et révéler, après une première approche positive, tous les dangers qui en découlent.


Titre : Le Garçon qui savait tout
Auteur : Loïc Le Borgne
Couverture : Stéphanie Hans
Éditeur : Syros
Collection : Soon / Mini Syros +
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 133
Format (en cm) : 16,5 x 11 x1,3
Dépôt légal : juin 2015
ISBN : 9782748517118
Prix : 5 €



Nicolas Soffray
29 juin 2015


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