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Brainless
Jérôme Noirez
GulfStream, Electrogène, roman (France), zombies et lycée, 249 pages, mai 2015, 16€

Vermillion, petite ville du Dakota du Sud. Jason, un ado déjà pas bien vif, est mort étouffé dans un concours de rognage d’épis de maïs. Puis s’est relevé à la morgue, atteint d’un récent syndrome que les autorités tentent de dissimuler. Non-violent, Jason le zombie, qui mérite plus que jamais son surnom de Brainless, peut rentrer chez lui, reprendre une vie presque normale -sans oublier son injection de formol et en consommant de la viande crue- et faire sa rentrée au lycée -bienvenue au nouvel enfer.
Mais l’année scolaire ne va pas se passer comme prévu. Et les monstres ne sont pas ceux qu’on croit.



Autour de Jason « Brainless » gravite une galerie de personnages au travers desquels Jérôme Noirez prend un évident plaisir à réduire en charpie le rêve américain auquel certains croient encore et qu’ils tentent de perpétuer dans des pop-corn movies plus ou moins affligeants. Une mère épuisée par deux jobs à mi-temps indispensable pour subvenir aux besoins de la famille depuis le départ de son mari ; un meilleur ami par défaut, rejeté lui aussi mais pour son physique, gros boulet adipeux toujours vêtu de jaune et se rêvant détective, pour l’instant seulement voyeur au téléobjectif ; des filles gâtées organisées en Club des Salopes, dont la première ambitionne, dès son premier jour de lycée, de mettre les griffes sur le capitaine de l’équipe de foot ; ledit capitaine et ses potes qui carburent gentiment aux amphet’ lors des soirées...
Mais le pompon est atteint avec les deux gentils scouts qui, sous leurs airs angéliques, tabassent des SDF et planifient un massacre d’envergure au lycée pour « réveiller l’Amérique » en redonnant aux USA le record du plus grand nombre de victimes adolescentes et faire passer Columbine pour un spectacle pour enfants.

Jérôme Noirez s’en donne à cœur joie, prenant tous ces stéréotypes dont les USA nous abreuvent, et sans pousser bien fort, montre que l’amalgame produit naturellement ou presque la totalité des problèmes actuels du pays : obésité, racisme, paranoïa, trafics, dépression, abêtissement. Jason meurt dans une fête, lors d’un bête concours (pour de bêtes gens, direz-vous) d’à qui mange le plus vite ce maïs qui couvre les milliers d’hectares autour de la ville, qui enrichit les producteurs au point qu’ils s’imposent comme mécènes de l’éducation et décident du menu hyper-calorique des cantines... (ceci n’est hélas pas de la fiction). Le culte de l’apparence, la réputation, les clans entre les gens fréquentables et les boulets atteignent des sommets qu’ont ne voient que Là-bas, et rarement par chez nous. Enfin, ce goût immodéré pour les armes et leur libre circulation est un détonateur tellement sympathique que ce serait dommage de s’en priver.

Mais l’auteur ne se contente pas d’un portrait à l’acide des USA. Donnant la parole à Jason, étonnamment lucide depuis sa mort (je vous laisse découvrir le comment et le pourquoi, super ragoûtant), il parle de la jeunesse, pas la plus favorisée, et du regard réaliste qu’elle pose sur le monde d’aujourd’hui.
Et puis ça n’en a pas l’air, mais « Brainless » est une histoire d’amour. Loin des apparences ou au contraire à cause d’elles, Brainless attire l’attention d’une fille, en plein cours de sciences naturelles et de dissection de rein de bovidé. De quoi en dégoûter pas mal, sauf celle qu’on qualifie déjà de bizarre, la seule gothique de Vermillion... Mais loin d’être un couple de monstres, ils semblent tous les deux davantage marquer la normalité (pour peu que cela existe), par la sincérité de leurs sentiments et leur franchise mutuelle -notons que Jason ne maîtrise plus le second degré depuis sa mort, ça aide aussi, pour parler aux filles bizarres.

Truculent sur la forme, au vitriol sur le fond, « Brainless » est un nouveau coup de maître de Jérôme Noirez, qu’ados et adultes savoureront avec délices. Un roman intelligent sur l’Amérique, sur l’adolescence, une belle histoire d’amour avec un zombie, il n’y avait qu’un Français pour écrire cela.

Notez enfin que « Brainless » inaugure la nouvelle collection Electrogène de GulfStream, (que je ne qualifierai pas de Young Adult, tant ce terme est galvaudé par la production américaine et réduit à des choses édulcorées pour ados élevés dans du coton), et que les romans jeunesse de Jérôme Noirez (« Fleurs de Dragon », « Le Shogun de l’Ombre », « Desolation Road », « L’Empire invisible ») sont tous réédités pour l’occasion.


Titre : Brainless
Auteur : Jérôme Noirez
Couverture : Istock
Éditeur : Gulf Stream
Collection : Electrogène
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 249
Format (en cm) : 22 x 14 x 1,8
Dépôt légal : mai 2015
ISBN : 9782354882488
Prix : 16 €



Nicolas Soffray
Hilaire Alrune
20 mai 2015


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