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Galaxies n°33 (Nouvelle Série)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Revue, n°33, SF - nouvelles - articles – critiques, janvier 2015, 192 pages, 11€

L’introduction de Patrice Lajoye en charge du dossier “SF et totalitarismes” situe bien le propos de savoir quelle science-fiction a pu être écrite dans une dictature. Avait-elle droit de cité ? Était-elle influencée ? Soumise à censure ? Qui en écrivait et comment ? Des questions que l’on se pose et auxquelles quelques articles apportent des réponses : la France sous le régime de Vichy, l’Allemagne nazie, La Roumanie sous Ceaucescu.
On trouve aussi un article sur un auteur italien précis : Virgilio Martini à l’œuvre ambiguë, qui a écrit du temps de l’Italie fasciste, ainsi que sur la tendance actuelle en Russie d’écrire sur les régimes totalitaires , un peu comme si cela manquait à certains intellectuels.
L’ensemble s’avère très intéressant, aussi bien qu’instructif. On sent qu’il y a souvent une certaine gêne, que beaucoup préfèrent laisser ces sujets dans l’ombre en attendant que le temps fasse son œuvre et que l’oubli les gagne.



Dans la partie Fictions, la nouvelle de Connie Willis, “Time Out”, se dégage d’emblée. D’une, elle couvre presque la moitié de cet espace ; de deux, l’auteure est multi-primée et de trois, elle nous ramène au début des voyages dans le temps qui l’ont inspirée à plusieurs reprises.
Le Dr Young a échafaudé toute une théorie quantique sur le temps, sur les particules qui le composent et permettent, à son avis, une distorsion temporelle. Reste à prouver par l’expérience ses idées originales.
Comme souvent, Connie Willis prend son temps et s’étend sur le sujet, même si on ne comprend pas toujours la raison. On aime ou pas. Il n’empêche que chacun de ses écrits possède un côté attachant. La distance importe finalement peu, car elle nous emporte dans ses récits et on se plaît à suivre les protagoniste en se demandant où tout cela nous conduit. Datant de 1983, “Time Out” ne déroge pas à la règle. Les 40 pages se lisent rapidement, la SF est discrète et la lecture se termine avec le sourire et le sentiment d’avoir passé un bon moment.

Jake Kerr use d’une forme originale pour “Le dossier Julian Prince”. La vie de cet auteur de romans post-cataclysmiques nous est dévoilée à travers des extraits d’articles sur Wikipédia. Ses principaux ouvrages sont notamment décrits, l’occasion de découvrir de manière détournée la catastrophe qui a frappé les States. Une certaine étrangeté se dégage de l’ensemble, car ce moyen de bâtir la nouvelle créé une certaine distance par rapport aux événements et cet artifice donne un cachet d’authenticité contrebalancé par la datation.
L’exercice et le résultat à la frontière entre fiction et réalité n’en sont pas moins attrayants.

Les anneaux de Vénus” possède un petit arrière goût de « 1984 » de George Orwell. Dans cette station spatiale, il n’est pas bon de critiquer ouvertement le régime, sous peine de voir des tueurs lancés à ses trousses. L’originalité réside dans la nature de ces exécutants.
Jean-Louis Trudel joue bien de l’ambiguïté entourant cette menace. On peut craindre pour la vie de celui qui fuie, mais non... la réalité est tout aussi terrible. Décor fouillé pour un récit bien vu.

La désillusion” de Jean-Paul Dekiss surprend par son écriture. Première page, je me suis demandé s’il y aurait au moins un point. La ponctuation au début est quasi absente. Soit, mais pourquoi changer en cours de route ? La fin est bien plus structurée que l’entame.
Il est dommage que la forme ne soit pas du tout à la hauteur du fond qui, lui, est intéressant. Un beau jour, les gens sont nombreux à ne plus se rendre à leur travail, à désirer simplement profiter de la vie. L’idée reflète un mal être dans l’emploi qui est d’actualité, mais elle est trop noyée dans une forme fluctuante, imprécise, pour séduire le lecteur. C’est rageant !

J’avoue avoir eu le plus grand mal à rentrer dans “Yôkai vous souhaite la bienvenue” de Gulzar Joby. À sa mort, M. Takazawa se réveille dans une nouvelle vie qui ne lui convient pas. Il souhaiterait qu’elle soit le prolongement de la précédente.
Le problème de ce texte, c’est le manque d’empathie avec le lecteur qui peine à se raccrocher à quelque chose. Un certain hermétisme s’en dégage et, comme Takazawa est plutôt du genre antipathique, l’ensemble ne prend pas. J’ai connu Gulzar Joby plus inspiré.

Un avenir si prévisible” de Deborah Walker s’avère aussi court que percutant, avec la fin d’une relation entre une femme et un homme qui voit l’avenir et que rien ne peut donc surprendre. C’est redoutable, notamment au niveau des dialogues, quand il a à chaque fois le dernier mot : « Je sais », « Non, nous ne le ferons pas. » Trois pages du meilleur cru.

Dans le volet critiques, il est dommage que certaines grosses sorties du trimestre comme « Les Perséides » de Robert Charles Wilson ou « L’éducation de Stony Mayhall » de Daryl Gregory aient juste droit à un résumé au lieu d’une étude approfondie, alors que des rééditions ou le dernier Werber sont chroniqués

Ce « Galaxies » nous offre un dossier aussi intéressant qu’instructif, ainsi que quelques belles nouvelles (mes préférés étant la plus longue “Time Out” et la plus courte “Un avenir si prévisible”).


Titre : Galaxies Nouvelle Série
Numéro : 33 (75 dans l’ancienne numérotation)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Couverture : Ula Kapala
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, entretiens...
Site Internet : Galaxies
Dépôt légal : janvier 2015
ISSN : 1270-2382
Dimensions (en cm) : 13,8 x 20,9
Pages : 192
Prix : 11€



Pour écrire à l’auteur de cet article :
[email protected]


François Schnebelen
20 avril 2015


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