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Danser avec le diable
Maud Tabachnik
Albin Michel, Special-suspense, thriller (FRance), 389 pages, mars 2015, 20,90€

On ne présente plus Maud Tabachnik : quelques dizaines de volumes, en adulte ou en jeunesse, parmi lesquels beaucoup de polars, et tous styles de polars, souvent avec une pointe de thriller. C’est le cas de « Danser avec le diable », qui emprunte à diverses veines des mauvais genres.



Assisté par l’impassible Xi Hong Chen, son adjoint, Boris Berezovsky enquête sur une série de crimes qui, s’ils ne sont pas tous exactement semblables, ont plusieurs points en commun. Il ne tarde pas à se rapprocher de l’assassin, et, lorsqu’il se trouve confronté à lui, devine presque instantanément sa culpabilité. Faute de preuves, il est alors forcé de le relâcher. Dès lors, les crimes s’accumulent, avec la même conviction, et la même absence de preuves. Un jeu du chat et de la souris qui ne fait l’affaire de personne – et surtout pas des victimes.
Dans le même temps, très loin de là – non plus aux États-Unis mais à Londres – la mort d’un autre Boris Berezovsky, dont le premier ignorait l’existence, commence à faire des vagues. Un oligarque soviétique, ancien proche d’Eltsine et de Poutine, officiellement suicidé, très vraisemblablement liquidé. Un homonyme dont le flic apprend bientôt qu’il était de la famille de son propre père, opposant ayant choisi l’exil américain bien des décennies auparavant. Et un décès conduisant, aussi bien auprès de Boris que de son père, à des entrevues parfois fort peu académiques avec la mafia russe ou le MI5 britannique.

«  Ce refuge ressemblait à une couveuse de détraqués. Jusqu’aux employés . »

Mais le flic est surtout flic : il n’accorde que peu d’importance à cet homonyme qu’il n’a jamais connu et se concentre sur son enquête. Mais Tod, son supérieur, doute fortement de ses intuitions, et il est bien conscient du fait que l’intime conviction de Boris Berezovsky, face aux lois, face aux juges, face aux avocats, ne pèsera pas bien lourd dans la balance. En attendant, le tueur poursuit sa cavale et les cadavres s’accumulent.

«  Boris grimaça un sourire. Manger à la cantine d’un asile avec une flopée de mabouls avait toujours été le vœu de sa vie.  »

Un serial-killer de plus. On en ferait presque la moue s’il n’était passablement mémorable. Atteint de syndrome de Klinefelter, qui n’entraine pas de handicap mental à proprement parler mais peut être parfois responsable de troubles de l’apprentissage, Holme, le suspect, sait à merveille jouer de son passé de perdant. Maladies, mauvais traitements pendant l’enfance, origine sociale défavorable : entre victime et bourreau, Holme pose, une fois de plus, l’insoluble problème d’une justice qui voudrait à la fois punir et exempter, qui peine à trouver l’impossible frontière entre responsabilité et irresponsabilité. Plus grave, Holme en est parfaitement conscient, plus encore, sans doute, que ne le devine Boris Berezovsky. Car si ce dernier a cru comprendre que le suspect est rusé mais pas réellement intelligent, impulsif mais méthodique, et avant tout manipulateur, peut-être n’a-t-il pas malgré tout pris la pleine mesure du problème. Mais il est vrai aussi que les soucis s’accumulent : même mort, l’autre Boris Berezovsky lui cause de plus en plus de tracas. À commencer du côté de son père, qui n’habite pas loin de chez lui, et dont il commence à comprendre qu’il ne lui a pas toujours tout dit avec la franchise la plus exemplaire.

Un polar tendu, nerveux, efficace

Entre traque et manipulation, entre faux-semblants et vérités difficiles à admettre, on savourera, dans la grande tradition, les face-à-face entre flic et psychopathe, mais aussi les affrontements entre passé et présent, entre Russie post-communiste et démocraties de toujours, ces dernières, au nom de la realpoltik, s’accommodant particulièrement bien des dérives mafieuses. Deux intrigues parallèles qui finiront par fusionner en une fin qui donnera à « Danser avec le diable  » une âpreté supplémentaire.

Pour obtenir ce résultat, Maud Tabachnik use d’une écriture dépouillée, fonctionnelle, sans fioritures. Seule compte l’efficacité, et l’on serait bien en peine de trouver, par exemple, de véritables descriptions. Pourtant, tout fonctionne, les lieux et les scènes de crimes, brossés en quelques lignes, parfois en quelques mots, se matérialisent sans peine dans l’esprit du lecteur. De même, les personnages rapidement campés prennent vie, tout particulièrement à travers des dialogues abondants et qui sonnent juste.

Cette simplicité d’écriture, combinée avec deux intrigues simultanées, toutes deux faciles à suivre, fait de « Danser avec le diable  » un roman fluide dont les près de quatre cents pages s’avalent d’une traite. Un récit sans complexité excessive, mais qui, en mêlant l’Histoire et le présent, en revenant sur les injustices passées et en mettant en lumière les compromissions politiques contemporaines, n’en dresse pas moins un portrait éloquent de notre monde.


Titre : Danser avec le diable
Auteur : Maud Tabachnik
Jaquette : Philippe Narcisse
Couverture : Susanne Kreler/ Sime / Photononstop / Scoot Schaefer / Cultura Creative
Éditeur : Albin Michel
Collection : Spécial Suspense
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 389
Format (en cm) :14,5 x 22,5
Dépôt légal : mars 2015
ISBN : 9782226314703
Prix : 20,90 €



Maud Tabachnik sur la Yozone :

- « Si tu meurs elle reviendra »
- « Dans l’ombre du monde »

Texte - 523 octets
Coquilles Danser avec le diable

Hilaire Alrune
17 mars 2015


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