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Far Arden
Kevin Cannon
Çà et Là

Dans le Haut-Arctique canadien vit Army Shanks. Il est obsédé par Far Arden, une île mythique au milieu des eaux périlleuses du coin aux conditions des plus rudes.
Problème : il faut savoir où elle est. Le mentor d’Army, Simon Arctavius l’aurait trouvée et Army lui avait promis de l’y rejoindre, mais il a perdu son bateau : l’Aréopagitica qui cacherait dans ses entrailles une carte y conduisant.
Avec le retour du navire, commence une redoutable chasse à l’île paradisiaque pour Army Shanks. Il trouve des compagnons pour l’aider : son ami Hafley, l’orphelin Alistair et un couple d’étudiants. Mais bien des forces s’opposent à lui, en premier lieu, la belle Fortuna avec qui il partage des sentiments ambigus, ainsi que le professeur Bessehl, sans oublier la Royal Canadian Arctic Navy.
Et puis, avec le réchauffement climatique, les ours blancs ont faim...



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Cet ouvrage de la maison d’édition Çà et Là, spécialisée dans les auteurs étrangers, présente des dehors extérieurs plus proches du roman que de la bande dessinée. Son format de 14 x 18 cm surprend au milieu d’albums bien plus grands en taille, mais pas en épaisseur. En effet, « Far Arden » affiche 384 pages ! Avec ses 3,5 cm d’épaisseur, il a tout du livre que l’on prend plaisir à lire couché au lit, ce qui n’est pas le propre d’une BD. L’objet est atypique et son contenu ne l’est pas moins.

Kevin Cannon nous invite à l’aventure avec un grand A. Il a choisi un territoire rude où la faiblesse n’est pas de mise. Army Shanks possède toutes les qualités pour y vivre, sa condition d’ermite n’en fait pas moins un rude combattant, rôdé au froid, aux eaux dangereuses et traîtresses. Son plus grand ennemi est bien sûr l’humain, celui qui cache des choses, obéit à d’obscurs plans et qu’il préfère savoir loin de lui.

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L’auteur nous livre une multitude de péripéties tout au long des presque 400 pages, il nous donne le tournis à faire sillonner Army au milieu des îles du Haut-Arctique canadien. Ses compagnons le suivent, l’abandonnent un temps, reviennent, montrent leur vrai visage... Ça n’arrête jamais ! De quoi perdre le nord, un comble quand on navigue en eau trouble comme Army, obsédé comme beaucoup par Far Arden.
Cette île attire toutes les convoitises, l’histoire nous apprend le pourquoi au fil des pages, ainsi que les liens entre les différents personnages que l’on était très loin de seulement soupçonner au départ. Kevin Cannon cherche justement à en mettre plein la vue, à nous perdre dans ce nord canadien pour vivre la grande aventure. La référence à Jack London nous vient bien sûr à l’esprit.
Cette recherche de l’île s’apparente aussi à une chasse au trésor et l’allusion à des romans de pirates s’impose également avec cette opposition gentils / méchants sur les mers. Là, l’ombre de Stevenson plane sur le récit.

Bien des figures sont invoquées dans « Far Arden », celles du savant fou, du dur à cuire se tirant de toutes les situations, de l’amoureuse transie, de l’enfant abandonné, du traître qui s’en mord les doigts. Même un cirque abritant des pseudos freaks apparait au détour du voyage. L’histoire est complètement folle, mais qu’est-ce que cette imagination débordante et délirante nous régale ! Et n’espérez pas deviner l’issue de cette bande dessinée ! Jusqu’au bout, le scénario tient toutes ses promesses.

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Les planches en noir et blanc constituent l’autre point fort de « Far Arden ». Pas de couleurs, ce qui met le dessin en avant. Kevin Cannon est parfaitement à l’aise dans ce registre et cela s’en ressent à la lecture. Pas besoin de regarder à deux fois pour savoir de quoi il s’agit, alors que les cases sont tout de même petites. Son trait est net et précis et dénote d’une belle souplese. Il aime aussi joindre le geste à la parole, c’est-à-dire accompagner une action par sa description. Par exemple, quand Army saute à l’eau pour sauver Alistair, il est écrit « Plonge », puis quand il l’attrape et remonte à la surface « Sauve ». Cette manie donne un côté amusant, comme si l’auteur forçait le trait.
Il aime bien aussi jouer avec les lois de la nature en apportant cette petite touche personnelle qui rend « Far Arden » si attachant. Quand Army fume la pipe, elle n’est jamais vissée au coin de sa bouche, mais en lévitation à quelques centimètres, suspendue en l’air comme par magie. Quand Army se bat, ce qui arrive très fréquemment, il prend des poses des plus étonnantes, joue du déhanché comme personne et ses membres affichent une élasticité à toutes épreuves.
Feuilleter cette bande dessinée suffit à adopter la patte Kevin Cannon et à désirer s’immerger dans ce petit bijou.

D’ailleurs, les éditions Çà et Là ont fait du très beau travail en reprenant la typographie originale, ce qui devait s’apparenter à un véritable casse-tête. Souvent, ce n’était pas possible de reproduire l’écriture de la version anglaise et il a fallu faire une partie du lettrage en manuel pour rester fidèle à la VO ! L’auteur n’a pas fait dans la simplicité, œuvrant plutôt pour créer une bande dessinée atypique mais ô combien séduisante visuellement.

Une fois les 384 pages avalées, ce qui ne se fait pas dans l’heure, le lecteur en sort des étoiles plein les yeux. Plonger dans cette BD revient à vivre une grande aventure, à partager de grands sentiments et à connaître un vrai plaisir de lecture. Comment alors ne pas souhaiter suivre les péripéties d’Army Shanks à la dégaine inimitable ?
« Cratère XV » étant sorti en juin 2014, la réponse à la question est toute trouvée.

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Kevin Cannon au Festival d’Angoulême 2015

Une bande dessinée à ne pas manquer et un auteur sympathique et talentueux à découvrir !


Far Arden
- Scénario & Dessin : Kevin Cannon
- Traduction de l’américain (États-Unis) : Fanny Soubiran
- Lettrage : Hélène Duhamel et Pauline Bravar
- Lettrage manuel : Sorya Lim
- Éditeur : Çà et Là
- Dépôt légal : 22 octobre 2012
- Format : 14 x 18 cm
- Pagination : 384 en noir et blanc
- Numéro ISBN : 978-2-916207-76-6
- Prix public : 22 €


Images © Çà et Là & Kevin Cannon - Tous droits réservés


Note : certaines illustrations sont tirées de la version originale, ce qui explique qu’elles soient en anglais.



François Schnebelen
9 février 2015




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