Très remarqué à sa sortie, nominé aux prix Imaginales (2011) et Futuriales (2012), Le T’Sank apporte une bouffée de nouveauté dans le paysage de la fantasy, bien loin de la production classique anglo-saxonne.
Alexis Flamand crée un univers fabuleusement dense, presque trop. Les créatures bizarres abondent, et malgré le procédé classique du voyage dans une contrée inconnue, nous sommes comme son héros, émerveillés autant qu’ébahis devant tout ce que croise notre route, et pas toujours capables d’en appréhender la totalité. Le climat politique est à l’orage et les complots, réels ou supposés, foisonnent, une race dont on ignore beaucoup fait montre de velléités territoriales...
Mais le voyage de Jon fait aussi écho à celui de Candide, qui plus est à son arrivée à la capitale, tant la culture bureaucratique de sa nation adoptive est tortueuse, illogique et outrancière. L’occasion pour l’auteur de développer un humour par l’absurde déjà abordé par petites touches. Ainsi, tout le monde semble avoir des cousins partout, comme si le royaume n’était qu’une grande famille.
On le découvrira un peu tard (plus des 2/3 du roman), mais cela en fait tout le sel, tout ça n’est qu’une vaste entourloupe aux dépens du mage, dont les services très particuliers d’enquêteur magique sont requis. L’énigme policière en chambre close qui suivra est un peu nébuleuse, et on regrettera un peu que sa conclusion soit surtout une ouverture sur le tome suivant, nous laissant un peu sur notre faim.
Parallèlement à tout cela, nous suivons l’odyssée initiatique du jeune Maek à travers le champ de blé carnivore, puis la barrière de champignons géants. Tout cela prend des allures de légende, avec un flou temporel entretenu qui s’étale sur plusieurs décennies sans que le protagoniste semble vieillir.
Si cette partie n’est pas inintéressante, elle n’a aucun lien avec les aventures de Jon, rien qu’une hypothèse finale très ténue (l’assassin fantôme serait un T’Sank) et un statut nébuleux de demi-dieu inconscient partagé par Jon et Maek. Bref, il faudra lire la suite pour en savoir plus.
Néanmoins, au fil des pages, on s’interroge. La lenteur de progression de l’intrigue, cette absence de lien entre les deux trames, la surcharge lexicale et descriptive qui va parfois jusqu’à la lourdeur, sont-elles compensées par l’inventivité littéraire, la plume travaillée presque à l’excès, l’humour noir et absurde omniprésent ? Je suis partagé. Il m’a fallu du temps pour m’y plonger, du temps pour m’en délecter, pour m’y retrouver, et le digérer. Finalement, c’est la sensation d’avoir été bombardé d’une foule d’informations, d’images bigarrées qui domine, mais de n’avoir lu qu’un long prologue.
Comme si cette immersion prolongée, cette acculturation était nécessaire à la bonne compréhension de ce qui va suivre.
Je comprends donc parfaitement que certains aient été rétifs, découragés. Les frileux pourront se frotter au style d’Alexis Flamand avec les premières pages mises à disposition par l’éditeur.
Moi, je suis curieux.
Le tome 4, sur les 5 prévus de la saga, vient de sortir. On reparlera donc d’Alamänder sous peu.
Titre : Le T’Sank
Série : Le cycle d’Alamänder, tome 1/5
Auteur : Alexis Flamand
Couverture : Alexandre Dainche
Éditeur : Les éditions de l’Homme Sans Nom (édition originale : L’Olibrius Céleste, 2008)
Site Internet : page roman, page du cycle (site éditeur)
Pages : 364
Format (en cm) : 14 x 21 x 2,5
Dépôt légal : avril 2011
ISBN : 9782918541004
Prix : 19,90 €
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