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Pacte du Hob (Le)
Patricia Briggs
Milady, Fantasy, roman traduit de l’anglais (USA), fantasy, 353 pages, novembre 2014, 7,60€

Mauvaise journée pour Aren que le lendemain de son mariage. Des maraudeurs s’en prennent à la vallée, tuant toute sa famille et son jeune époux. Puis la terre se met à trembler, une partie de la montagne s’effondre sur la route Royale, et Aren se met à voir des choses, lointaine ou à venir. Quelque part un mage du sang, à moitié fou comme tous ceux de son espèce, a brisé les entraves magiques qui enserraient la terre depuis des générations. Le pouvoir afflue de nouveau. Les créatures féériques, souvent hostiles aux hommes, aussi.
Rejetée par une partie des villageois à cause de son pouvoir, elle aide néanmoins la communauté à se reconstruire, à se défendre des maraudeurs et à explorer la vallée, à la recherche d’un chemin praticable pour en sortir. C’est en découvrant qu’au-delà, tout est mort, qu’elle va croiser la route du hob.



De ce qui s’est passé on n’en saura peu, des fragments dans les visions d’Aren : une guerre perdue, un mage de sang trahi, un cercle de mort. On gardera une vision centrée sur le village, à travers la narration d’Aren. Quelles conséquences pour cette communauté, loin du pouvoir ?
Elles seront nombreuses. La libération de la magie a réveillé les forces anciennes, et les créatures magiques reviennent hanter les bois et la nuit. Le cercle de mort a certes mis fin à la guerre, en tuant tout le monde, mais les troupes qui en ont réchappé se sont faites maraudeuses, et un groupe de soldats a décidé de s’emparer de la vallée par la force. Enfin, l’effondrement de la montagne les a coupés du monde, balayant tout espoir d’aide extérieure.

Aren est une femme, plus toute jeune (la trentaine. Oui, je sais...). Sa joie d’avoir trouvé un époux n’aura pas duré. Dès les premières pages de cette histoire, elle a une vision, floue. Un pouvoir dans son sang, hérité d’une grand-mère guérisseuse. On l’apprend vite, la magie est en ce monde chose très contrôlée. Ceux qu’on appelle les mages du sang l’ont contrainte, étouffée, il y a des générations, et tirent leurs pouvoirs de la souffrance. Ne tardant pas à sombrer dans la folie. Les hommes doués sont engagés de force, ou tués, comme le frère d’Aren. Les femmes... Il n’y a pas de femmes mages, vous vous en doutez. Mais on brûle vite et bien les « sorcières ».
Le retour de la magie décuple le faible pouvoir d’Aren. Mais elle ne contrôle pas ses visions, qui la font davantage passer pour folle et dangereuse au village, malgré quelques soutiens de poids. Dont Kitt, son beau-frère, revenu manchot de la guerre peu avant, avec quelques secrets.

C’est avec lui et Wandell, un barde, qu’Aren va parcourir le mont du Hob, et croiser la route d’un hob, le dernier, gardien de la montagne. Et que face à leurs difficultés actuelles, elle va aller lui demander son aide, car en connaisseur des êtres féériques et du fait de sa grande force, il semble le protecteur idéal. Mais voilà, l’aide de cet être charmeur et félin n’est pas gratuite. Et ses exigences n’engagent pas qu’Aren, mais tout le village.

« Le Pacte du Hob » est une très belle et bonne histoire de femme. Aren passe du rôle d’épouse (qu’elle ne croyait plus obtenir) à celui de femme émancipée, plus ou moins de son gré. Son veuvage rapide, ainsi que la perte de tous ses proches, la laisse livrée à elle-même, aux bons soins de sa communauté que son pouvoir divise. Ce sont les événements, l’enclavement soudain de la vallée, autant que les liens étroits entre les familles, qui empêchent sa mise au ban.
Les fans de Patricia Briggs y verront là un motif de son œuvre, en bit-lit (la série “Mercy Thompson”) ou en fantasy, comme dans « Corbeau » : un personnage féminin central, investi d’un pouvoir qu’elle (re)découvre.

Notons qu’Aren a son petit caractère, parfois une détermination butée de gamine, qu’on attribuera tantôt à son long célibat dans la maison parentale, tantôt à la parade qu’elle danse avec le hob, qui devient son mentor en magie, et montre un certain intérêt pour cette humaine au pouvoir apparemment puissant et si mal formée.

Je ne ferai pas de polémique sur la littérature de genre, mais si on s’interroge un moment sur les sentiments d’Aren pour Kitt, on est guère dupe de ce petit jeu qui s’instaure entre Aren et le hob. Aussi, lorsqu’il annonce le prix de son pacte, n’est-on pas surpris qu’il s’agisse d’une compagne, pas plus du fait qu’Aren se porte volontaire. Même si, dans son esprit, c’est pour simplifier les choses : débarrasser le village de sa présence et leur donner mauvaise conscience de l’avoir sacrifiée.
Rapidement, le duo fonctionne bien, entre les facéties charmeuses du hob et la fougue d’Aren. Ce n’est pas « la Belle et la Bête », car Aren n’a pas peur, même au début, du hob. Et elle se fait même rapidement à l’idée de vivre avec lui. Elle (s’)avoue aussi l’aimer. Au point, bien sûr, d’être tentée par le côté sombre de sa magie lorsqu’il se met en danger pour elle.
Merci, au passage, à Magali Villeneuve pour sa magnifique couverture, qui a le mérite de montrer les personnages (oui, parfois on laisse les illustrateurs lire ce qu’ils vont vanter). Le hob n’y apparaît pas monstrueux, peut-être un peu rude, exactement la première impression qu’il fera à Aren.
Bref, un côté sentimental bien présent.

Néanmoins, on aura droit à un beau duel final, un happy end et malgré l’épilogue un peu hâtif, ce petit bouquin laissera un bon souvenir.

D’abord, car sans renier des racines de pure fantasy, on y trouvera pas le déchaînement habituel de violence. Patricia Briggs, en faisant le choix de circonscrire géographiquement son intrigue, qui plus est loin de pouvoir, nous offre quelque chose qui oscille agréablement aux frontières du mythpoetic, avec un petit peuple facétieux et des esprits en peine, et de la romance, dans une esquisse de triangle amoureux (qui n’en est pas un). L’aventure est présente, mais n’occulte pas la vie de la communauté, sans nous plonger pour autant (nous sommes en période de crise) dans des intrigues villageoises trop compliquées.
Ensuite, avec cette femme impétueuse, à la langue bien pendue, perdue dans ses sentiments et ses pouvoirs mais déterminée, on a un récit prenant, vif, souvent drôle.
Enfin, qu’il est appréciable de ne pas avoir encore une énième saga, mais une histoire finie, de « seulement » 350 pages. Dont je me suis délecté deux petites journées, comme un chocolat d’avant Noël.


Titre : Le Pacte du Hob (The Hob’s Bargain, 2001)
Auteur : Patricia Briggs
Traduction de l’anglais (USA) : Marie Surgers
Couverture : Magalie Villeneuve
Éditeur : Milady
Collection : Fantasy
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 353
Format (en cm) : 17,8 x 11 x 2,3
Dépôt légal : novembre 2014
ISBN : 9782811213589
Prix : 7,60 €



Nicolas Soffray
15 décembre 2014


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