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Oscar Wilde, splendeur et misère d’un dandy
Daniel Salvatore Schiffer
La Martinière, biographie, 212 pages, septembre 2014, 32€

Que sait-on d’Oscar Wilde (1854-1900) ? Le commun des mortels est capable de dire qu’il écrivit, entre autres, le fameux « Portrait de Dorian Gray ». Qu’il fut un brillant faiseur de répliques et de maximes dont on trouve des exemples dans tous les recueils de citations ou de bons mots. Qu’il croupit en prison, convaincu d’homosexualité à une époque victorienne sévèrement corsetée. Mais, au-delà de ces éléments sus de tous, le Béotien des lettres, ou même l’amateur éclairé, connaissent-ils vraiment Oscar Wilde ?

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L’écrivain et poète Oscar Wilde (1854-1900) (INP/AFP)

C’est sans doute partant de ce constat que Daniel Salvatore Schiffer et les Éditions de La Martinière ont décidé de mettre à disposition du lecteur une bibliographie richement illustrée, érudite mais néanmoins accessible à tous. Un très beau tableau de la vie d’un personnage excentrique, théâtral, brillant, surdoué, fascinant, mort dans la misère avant de gagner l’immortalité des artistes maudits.



«  Le public fait preuve d’une tolérance étonnante. Il pardonne tout sauf le génie.  »

C’est donc à une plongée méthodique dans la vie de l’auteur, sans rien laisser dans l’ombre mais sans déséquilibrer la biographie au profit de cette « affaire Wilde  » dont tout un chacun a entendu parler, que Daniel Salvatore Schiffer convie le lecteur. Erudit et très documenté, faisant appel à une grande diversité de sources (citons par exemple les œuvres et la correspondance de Wilde, les essais, souvenirs, éloges d’auteurs comme Robert Merle, André Gide, Pascal Aquien, ou les journaux de l’époque), l’auteur déroule, étape par étape, la vie de l’écrivain.

Une vie qui commence dans des circonstances particulièrement favorables – un père chirurgien et ophtalmologue de la Reine, une mère poète et quelque peu mégalomane, la fréquentation très tôt d’auteurs de haut vol comme Bernard Shaw et William Butler Yeats – circonstances propices à l’épanouissement d’une intelligence précoce, et même d’un futur génie qui ne tardera pas à se manifester.

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Car c’est jeune encore, et après des études brillantes et de très classiques voyages esthétiques (Grèce, Italie ), qu’Oscar Fingal O’Flahertie Wills Wilde, déjà excentrique, dandy et orateur de talent, entame une ascension sociale vertigineuse. Sa théorie indéfinissable de l’esthétisme (critique, puis technique), sa conquête à grand renfort de conférences de l’Amérique (où il s’entretient avec Longfellow, Walt Whitman, Henry James) et du Canada, son passage à un dandysme moins outrancier, son premier séjour parisien (où il rencontre Proust, Paul Bourget, Maurice Rollinat, Verlaine), son mariage avec Constance Lloyd seront rapidement suivis de succès théâtraux et littéraires qui feront de lui un personnage reconnu par tous.

«  Je donne l’impression d’être seulement un dandy dilettante (…) l’extravagance, sous des aspects de trivialité, de désinvolture et d’indifférence, est le costume du sage (…) »

Tout au long de ces étapes, à travers l’étude de la personnalité déjà duale de Wilde, qualifié d’« oxymore vivant, clair-obscur en chair et en os », à travers certaines de ses déclarations curieusement prémonitoires, à travers certains traits déjà latents dans son œuvre, Daniel Salvatore Schiffer note les éléments augurant la chute d’Oscar Wilde, non moins fulgurante que son ascension. La décompensation d’une homosexualité latente, sans doute à l’occasion de la déchéance physique de son épouse, enlaidie par ses grossesses successives, sera cause d’une chute vertigineuse qui le conduira devant les tribunaux, à la ruine, à l’exil, à la mort. La cause d’un procès qui aura marqué les annales, et une bien mauvaise manœuvre de la part de la société victorienne, qui sera privée à la fois d’un génie et des œuvres majeures qu’un Wilde encore jeune, s’il avait pu vivre dans de bonnes conditions, aurait pu continuer à lui offrir.

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Illustration de Charles Ricketts

«  Je meurs au-dessus de mes moyens  »

Mais la prison ne sera pas la seule infamie infligée à Wilde. Après avoir purgé sa peine à la prison de Pentonville, puis de Wandsworth, puis à la fameuse « Geôle de Reading », après avoir connu les travaux forcés, Wilde retrouvera enfin sa liberté, mais assortie de telles conditions – contraint de se séparer de son épouse, déchu de ses droits paternels, forcé à l’exil – qu’il lui sera difficile, sinon impossible, de redevenir le Wilde d’avant. Et c’est sous le nom très littéraire de Sebastian Melmoth (l’auteur de « Melmoth, l’homme errant » étant l’un de ses cousins) que Wilde, rejeté par presque tous, achèvera sa vie à Paris dans un état de santé médiocre auquel ni ses années carcérales, ni les médications drastiques de l’époque – « Mon docteur a tenté de me soigner à l’arsenic et à la strychnine, mais sans succès », écrit Wilde –ne sont sans doute étrangères. Dans un logement sordide, il mourra d’une septicémie le 30 novembre 1900, et sera inhumé sans tambour ni trompettes dans le petit cimetière de Bagneux. Douze ans plus tard, sa dépouillée sera transférée au cimetière du Père Lachaise, sous un monolithe de vingt tonnes en marbre blanc. Et bien plus tard encore, en 1995, un vitrail à son effigie sera installé dans l’Abbaye de Westminster, là où ont lieu les couronnements des reines et rois d’Angleterre. Une réhabilitation posthume bien tardive pour un auteur qui aura marqué son époque.

Un ouvrage richement illustré

Agrémenté de citations, de notes, d’une chronologie et d’une bibliographie sélective (seul manque un index) « Oscar Wilde, splendeur et misère d’un dandy  », combine les avantages du beau livre et de l’ouvrage de référence. Si l’on excepte une consternante faute de goût (dos du livre et bon nombre de pages intérieures rose bonbon) qui, hélas, fera se détourner du volume plus d’un lecteur ou d’un acheteur potentiel, « Oscar Wilde, splendeur et misère d’un dandy », apparaît comme un très bel ouvrage, non seulement fortement documenté, mais également richement illustré. Empruntant à un vaste éventail de sources iconographiques – reproductions de manuscrits, de lettres, de journaux (anglais comme « The Illustraded Police Budget », « Police News » ou français comme « Le Quotidien illustré », « Le Grelot ») de gravures, de couvertures ou d’illustrations des œuvres de Wilde, de photographies et portraits de l’auteur et des personnages avec lesquels il fut en relation, de représentations des lieux où il vécut ou qu’il visita, et, enfin, de reproductions d’œuvres d’artistes en lien avec son époque ou ses écrits –Daniel Salvatore Schiffer a composé une très belle introduction à la vie et à l’œuvre d’un écrivain qui aura su marquer son époque, mais, au-delà, plus d’un siècle après sa mort, conserve l’aura unique d’un très grand auteur.

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Titre : Oscar Wilde, splendeur et misère d’un dandy
Auteur : Daniel Salvatore Schiffer
Couverture : Floc’h
Éditeur : La Martinière
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 212
Format (en cm) : 20 x 26,7 x 2,3
Dépôt légal : septembre 2014
ISBN : 978-2-732464039
Prix : 32 €


Dans la même collection sur la Yozone :

- « Sherlock Holmes, détective consultant » par John Bastardi Daumont


Critique par Hilaire Halrune, mise en images de Fabrice Leduc


Fabrice Leduc
Hilaire Alrune
22 janvier 2015



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