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Néogicia, tome 1 : Second Eveil
Fabien Fournier
Olydri éditions, roman (France), Science-fantasy, 311 pages, avril 2014, 18€ / 12,99€ en numérique

Jeune Olydrienne, Saly Asigar se porte volontaire, comme d’autres, pour subir une injection d’un sérum qui la coupera des Sources de la magie et fera d’elle une néogicienne, une adepte de la technologie. Frôlant la mort durant le processus, elle développe, à la surprise de son encadrant médical, des facultés bien supérieures à l’amélioration attendue, notamment un don de télékinésie. Son cas lui vaut même de rencontrer l’Empereur qui lui dit s’intéresser de près à son avenir.
Rejoignant l’Académie de Mémoria, l’élite, elle commence son apprentissage de médecin. A l’issue de la première année, l’examen final la conduit, avec ses condisciples, sur le mystérieux Continent sans Retour, Syrial, désormais accessible, où, sous la direction du frère de l’Empereur, Nox Lucans, les néogiciens tentent de s’attirer les bonnes grâces du peuple local, qui se réveille d’un très long sommeil magique.
Hélas, Saly comprend que leur mission, ramener la princesse à son père, est un piège, et qu’ils vont être sacrifiés lors d’une embuscade de la Coalition. Grâce à son pouvoir et les talents de son professeur, Saly déjoue le piège puis dévoile aux yeux de tous les plans de Nox Lucans, lequel s’en sort avec une pirouette et un bras de fer, n’augurant rien de bon à l’avenir.
Fin.



Autant j’aime le travail de Fabien Fournier sur Noob, et lui reconnais de grandes qualités de scénariste et de réalisateur, autant je ne vous cacherai pas la triste réalité : ce roman est un désastre total.
Cinq ans après « La Pierre des Âges », le Noob 1.5 (je n’ai pas lu la suite), j’ai même l’impression d’une régression.
Descendre un livre n’est pas un plaisir pour moi, ni une habitude. Je vais donc détailler.

Premier point, l’auto-édition. Je loue le côté autodidacte de Fabien Fournier, mais en littérature les choses ne roulent pas aussi vite qu’en vidéo. Si sa (ses) série(s) a/ont remporté un franc et immédiat succès, lire demande un effort. Puis vient le tri entre les fans déjà acquis et leur niveau de lecture. Un niveau que l’univers ambiant de fan-fictions tire, hélas, vers le bas pour la majorité.
Aussi, si « Second Éveil » ferait quelques bons épisodes de série, son histoire sans relief, originalité ni épaisseur ne passe pas à l’écrit. Ces 300 pages ont presque relevé du calvaire. Et quand lire devient pénible, tout fan que l’on soit, ça coince. Pour l’auteur, cela veut dire qu’il faut revoir sa copie. Personne ne semble avoir tiré la sonnette d’alarme. Un travail probablement fait par l’éditeur Octobre pour les romans Noob, mais absent ici.

L’histoire, ensuite. Enfin le scénario. Une jeune fille acquiert des super-pouvoirs, ce qui lui fait un peu peur mais extasie le docteur qui la suit. Très vite sur un piédestal, elle découvre son nouvel univers, la capitale impériale Centralis, et toute la technologie qui y fourmille, avant de rejoindre son école.
Fabien Fournier nous invite à une sorte de panorama touristique. Après nous avoir abreuvé de jargon philosophico-technique, car le doc tente de convaincre Saly de l’irréversibilité de son choix, c’est une grande et superficielle visite de Centralis, ville de la démesure, qui nous attend. À son univers de fantasy l’auteur substitue les codes de la SF, avec une technologie encore plus puissante que la magie, des véhicules volants, des bâtiments de plusieurs centaines d’étages... à vous en donner le tournis. Mais si le doc est un bon guide touristique, il n’est pas historien, et sa logorrhée suffit peut-être à sidérer Saly mais elle nous laisse dans un certain flou.
La première année d’école est balayée en quelques pages, le temps de présenter la nouvelle meilleure amie de l’héroïne, une grosse bourrine lesbienne. Et pan ! fin d’année, examen, on vous envoie sur le terrain. Là, le plan ne se déroule pas comme prévu, et étant donné sa simplicité, c’est vraiment la poisse. Ça canarde pas mal, gros flingues contre magie. Peut-être enfin l’occasion de différencier les néogiciens des autres. Enfin Saly dévoile cet évident complot avec un discours à gros sabots, façon chevalier blanc. Manque de pot, l’autre est influent, on ne la croit pas. Heureusement que l’Empereur veille sur elle. Il ne ressort de cette seconde partie que la sensation d’une SF militariste premier degré et sans aucune finesse.

Finissons par le plus gros écueil : l’écriture. À de multiples niveaux, les choix sont mauvais. « Noob » doit sa fraicheur à son opposition entre vie réelle et jeu, les personnages s’idéalisant dans leur avatar, avant que tôt au tard leurs défauts ressortent. D’où le cocasse de certaines situations normalement tragiques ou héroïques, la tension brisée par les petites bassesses individuelles et autres mécaniques de jeu. « Second Éveil » est de la pure science-fantasy, et perd donc cette force principale. Il fallait remplacer l’humour par quelque chose, mais Fabien Fournier s’avère incapable de décider sur quel pied nous faire danser.
La surabondance d’informations purement descriptives noie la voix de son héroïne, elle-même épuisante à force d’interrogations, d’observations et d’hypothèses sans suite à tout bout de champ. Le choix d’une narration à la première personne se révèle désastreux : la jeune femme timorée, surchargée d’informations une fois ses sens exacerbés, échafaude sans cesse des châteaux de cartes qui s’effondrent et qu’elle reconstruit de zéro à chaque nouvel élément. Il pourrait s’en dégager, si c’était bien construit, une impression de paranoïa, mais la jeune femme ne va pas (en tout cas dans ce tome) se changer en monstre psychotique, oh non, c’est même le contraire ! Touriste totale en visitant Centralis, elle devient une étudiante comme les autres à son arrivée à Mémoria.
On est enfin soulagé, les personnages vont augmenter en quantité, mettant fin aux seuls dialogues entre Saly et le docteur. Oui, car mis à part l’Empereur, la première partie ne comporte que 2 personnages.
Toujours timide, il faudra sa colocataire extravertie pour initier Saly aux us et coutumes de l’académie. Si cela vous rappelle votre premier jour à la fac, c’est le cas. Si ça vous rappelle « Harry Potter », sachez qu’on est largement en dessous. L’année est dégagée en quelques pages, un cours ou deux pas plus intéressants que le babillage du docteur. Balayé en même temps tout l’aspect social justement central dans « HP », alors que nous avons ici la même situation : Saly est une Olydrienne, et pas une néogicienne de naissance, elle est donc, comme Harry, à cheval entre ces mondes, et encore naïve de celui dans lequel elle vient d’arriver. Mais donc rien de tout cela. Seule chose notable, la piètre tentative d’humour avec la virile colocataire lesbienne, mais qui tombe plus bas que les mauvais teen-movies américains, grâce notamment à un niveau de dialogues d’un langage et d’une vacuité similaires.

Quand enfin ils partent sur le terrain, on n’a toujours pas vu ni lu ce qui faisait des néogiciens des concurrents des magiciens. Il faut attendre la bataille (je ne m’étends pas sur ce qui précède, la rencontre avec la princesse Saryahblööd, à peine digne d’un scénario de jeu de rôles et tout aussi surchargé d’informations inutiles pour notre roman) pour découvrir qu’en un an Saly a appris à appliquer de la mousse régénératrice et des pommades. Mais vu la technologie derrière, cela suffit sur le champ de bataille à relever les morts. Elle qui ne maitrisait pas sa télékinésie arrive, sur un gros coup de colère, à en faire une arme redoutable du premier coup. Tant pis pour la logique, le spectaculaire prime.

“Toute technologie suffisamment développée se confond avec la magie.”disait Arthur C. Clarke. C’est plus que jamais le cas ici. Fabien Fournier, en développant son univers du côté des néogiciens, en voulant faire quelque chose de différent de la fantasy rôliste, semble l’avoir oublié. Son roman n’a pas d’âme, tant son héroïne est inintéressante, capable de la pire paranoïa et des plus grands enfantillages, dans ses actes ou sa façon de penser, la seconde suivante. Il échoue à brosser le tableau des néogiciens, se bornant à une façade touristique alors qu’il aurait au contraire dû nous plonger dans leur quotidien. Enfin, l’histoire, censée raccrocher avec la séries et les films en préparation, est trop creuse et superficielle pour combler les attentes des fans.

Tous mes espoirs initiaux ont été déçus. Ce livre, mal écrit, pénible à lire, ne sait pas où il va, s’étend démesurément sur du superflu et zappe l’essentiel, nous assomme sous du background qu’en tant que fan de la série je n’ai trouvé ni intéressant ni pertinent, enchaîne les mauvais clichés, passe du thriller à la pire mièvrerie adolescente (cela se clôt sur le bal de fin d’année où les filles, même les soldates, ont des robes !!). Mis à part prouver que Fabien Fournier est capable d’aligner les mots, parfois avec talent, souvent trop mécaniquement, les 300 pages de « Second Éveil » ne sont qu’un inutile remplissage, où on peut passer une page à décrire un uniforme mais pas deux lignes à une technologie omniprésente et décisive. En tant qu’auteur/réalisateur, Fabien Fournier tente de pallier l’absence d’images par ses descriptions ad nauseam. Mais pourquoi écrire, alors ? Il aurait mieux fait de transposer cette historie en une poignée d’épisodes. Les multiples défauts de ses dialogues, rien que cela, lui auraient alors sauté aux yeux. C’est d’autant plus surprenant venant de quelqu’un comme lui, avec cette double casquette auteur/réalisateur.

Une bonne série ne fait pas un bon bouquin. Un bon scénario ne fait pas un bon bouquin. Alors un scénario faible entre les mains d’un auteur novice... Cela donne un bouquin que, page après page, je me force à lire, accroché à l’espoir que cela va s’améliorer. Mais non.

Tout comme Saly Asigar, « Second Éveil » avait un gros potentiel. Mais il n’a pas supporté le traitement et s’est changé en une abomination qui n’aurait jamais dû sortir des sous-sols de Centralis.


Titre : Second Éveil
Série : Néogicia, tome 1 sur 5 (minimum prévu)
Auteur : Fabien Fournier
Couverture : Phanat Pak
Éditeur : Olydri éditions
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 338
Format (en cm) :
Dépôt légal : avril 2014
ISBN : 9782954756707
Prix : 18 € ou 12,99 € en numérique (PDF)



Note : la chronique a été réalisé d’après la version numérique, celle-ci n’étant qu’en PDF, totalement inadapté à la lecture sur liseuse (autre aberration incompréhensible venant d’une structure jeune et geek comme Olydri). Je ne m’étendrais pas sur les nombreuses coquilles qui la parsèment encore, toutes symptomatiques d’une relecture superficielle et non-professionnelle qui achève de noircir le tableau.


Nicolas Soffray
11 octobre 2014


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