« La loi des Sames » est le premier roman de Lars Pettersson qui a travaillé de nombreuses années en tant que réalisateur et scénariste pour la télévision suédoise.
Il nous plonge dans la rigueur de la Laponie, dans un froid glaçant qui peut tuer si l’on se retrouve seul et démuni. Ce climat façonne les êtres humains, tout comme la difficulté de leur vie. L’élevage de rennes s’avère difficile et très contraignant, il faut toujours une présence sous peine de se faire voler des bêtes. Manquer de bras est impensable, ce qui explique bien des choses dans le présent roman.
Alors qu’elle est appelée à l’aide, Anna n’est pas vraiment accueillie à bras ouverts. Le départ de sa mère lui est toujours reproché et c’est un peu comme si ce bénévolat pour que son cousin ne soit pas condamné servait à expier cette faute. Ce retour aux sources s’accompagne donc de nombreuses difficultés, la langue des Sames n’étant pas la moindre.

L’héroïne de ce roman ne manque pas de volonté, ni de caractère pour mettre toute la lumière sur cette affaire. Alors que l’on pourrait penser que dès Nils Mattis tiré d’affaire, elle partirait, il n’en est rien, elle se fait un devoir de poursuivre ses investigations.
Là où c’est astucieux, c’est que ce n’est pas forcément pour la justice, mais pour la connaissance et plus simplement pour elle. En effet, la justice de la capitale n’est de loin pas celle des Sames, où ce sont les impératifs de l’élevage de rennes qui commandent. À remuer le présent et le passé, bien des vérités remontent à la surface. Anna dérange et on le lui fait savoir. Mais plutôt que de la décourager, cela ne fait que renforcer sa détermination. Et elle n’écoute qu’elle-même, n’obéit qu’à ses convictions, ce qui la rend si attachante à nos yeux et si agaçante pour ceux qui la côtoient.

En 440 pages, les rebondissements et moments de bravoure sont nombreux et Lars Pettersson se plaît à perdre le lecteur, à l’immerger en pleine nature à la recherche de repères. En plus d’une héroïne qui emporte l’adhésion, le décor est superbe. Il fait partie de l’histoire et apporte sa rigueur pour rappeler tout le monde à l’ordre. Lire « La loi des Sames » revient à partir très loin, dans ce Nord exigeant et intransigeant. Le dépaysement figure justement dans les qualités de ce livre mouvementé, loin du schéma habituel des polars.

Lars Pettersson nous livre également de belles scènes familiales. Si les relations avec sa tante restent toujours tendues, les retrouvailles avec ses grands-parents s’avèrent émouvantes. Sa grand-mère affiche la figure de l’autorité, alors que son grand-père est plus complice et la nomme avec malice Anna Marja, sa fille partie au loin et décédée depuis. La fin est d’ailleurs marquante avec Anna et le kolt, l’habit traditionnel qu’aurait dû porter sa mère. Les dernières pages avalées, les lecteurs ne manqueront pas de souhaiter qu’Anna retourne un jour chez les Sames.

L’histoire est belle, l’héroïne illumine le roman de sa présence, le tout dans des paysages grandioses. La justice possède là-bas un goût différent, elle doit souvent s’adapter à la subsistance des familles dont la richesse se compte en nombre de rennes.
Un polar venu du froid qui nous emporte ailleurs, dans un milieu fermé dont un coin du voile est levé.

Titre : La loi des Sames (Kautokeino, En Blodig Kniv, 2012)
Auteur : Lars Pettersson
Couverture : Photo © B & C Alexander / Arcticphoto.com
Traduction du suédois : Anne Karila
Éditeur : Gallimard
Collection : Série Noire
Site Internet : Page roman (site éditeur)
Pages : 444
Format (en cm) : 15,5 x 22,5
Dépôt légal : août 2014
ISBN : 9782070142293
Prix : 22,50 €