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TK, l’important c’est d’y croire
Philippe Laborde
Gallimard, Scripto, roman (France), 309 pages, mai 2014, 11,90€

Trois ados profitent des vacances pour se plonger dans l’apprentissage de forces de l’esprit : divination, télépathie, et télékinésie (TK). Fortement marqués par cette « magie » naturelle qu’ils ont pu observer chez des proches (un paysan barreur de brûlures ou de verrues, un sourcier), ils approchent un radiesthésiste de la ville pour « apprendre ». Mais l’homme, Huysmans, leur explique que c’est un don, qui se transmet, mais qui ne s’apprend pas.
Déçus, les jeunes sont surpris quand le médium les recontacte quelques jours plus tard : des gens dangereux menacent sa famille pour le contraindre à employer son pouvoir à leurs fins, aussi a-t-il décider de s’en débarrasser, et de leur confier, à eux quatre.
Le pouvoir reçu, il faut désormais le maîtriser...



Alan, l’un des quatre ados, a prétendu vouloir réviser avant la rentrée pour rester seul chez lui, laissant sa mère et ses frères partir 15 jours en vacances. Là, en suivant les informations glanées sur internet, il tente l’exercice de base : faire bouger, par la seule force de l’esprit, une pyramide en papier alu.
Cela prendra du temps, mais il y arrivera, trouvant le « truc » ! Dès lors, c’est l’escalade avec ses potes Esteban et Brad. Mais si le premier progresse vite, Brad, déjà la pièce rapportée du groupe, peine désespérément. Les deux autres ont hâte que Manu rentre de vacances, pour lui montrer leurs formidables pouvoirs.

Alan est néanmoins inquiet pour Huysmans, avec qui il voudrait partager cette joie, mais le vieil homme leur a ordonné de ne pas le recontacter, pour ne pas attirer l’attention sur eux. Et quand Alan passe à proximité de son appartement, une voix inconnue hurle dans sa tête : « QUI ES-TU ? »
Là, gros moment de flip pour nos collégiens... qui, ayant testé leur divination sur des tickets à gratter, décident d’employer un détective privé, qui va découvrir beaucoup de choses dont nos ados ne se doutaient pas.

Pour son premier roman, Philippe Laborde frappe un grand coup. Son « TK » réemploie les grandes thématiques des super-héros (“un grand pouvoir implique de grandes responsabilités”, etc.), mais au lieu de nous servir un énième ado piqué-muté-irradié, il préfère une bande de potes, à fond dedans, qui bossent comme des malades pour développer des pouvoirs de ouf. Car il le fait en donnant la plume à Alan, donc un certain parler « djeuns » est omniprésent, farci d’abréviations, d’argot adolescent (même si je ne suis pas sûr que « biclou » soit encore employé par la jeune génération). La syntaxe et la grammaire souffrent un peu, mais très vite on réalise que ce n’est pas un frein mais un excellent moyen d’immersion, tant ce phrasé colle au rythme de parole et de pensée d’Alan, calme lors de ses tentatives infructueuses de TK, plus rapides lorsqu’il fête ses succès.

Pendant la première moitié du roman, la narration alterne les paragraphes entre passé et présent, Alan nous racontant comment ils en sont venu à la TK et leur rencontre avec Huysmans, et comment il travaille son pouvoir. Si bien que sa réussite coïncide avec le récit du transfert de don aux quatre ados, gardant le suspense jusqu’au bout.

Une fois le truc trouvé, c’est l’escalade, et l’échec de leur ami Brad, avec les conséquences sur son humeur, occupe une place majeure. Comme quoi, même si ça parle de pouvoir, c’est un roman sur les ados, et ces liens très solides qui peuvent les lier, au point qu’ils peuvent renoncer à quelque chose par amitié (ici, à leur groupe de musique autrefois, et ils sont à deux doigts d’abandonner la TK). D’autres conséquences, désastreuses, arrivent bien évidemment lorsque Brad se « débloque », et tout comme l’épisode des tickets à gratter, c’est l’occasion pour Alan et l’auteur de parler franchement, sans grandes formules ni idéaux, des limites morales du pouvoir. Message asséné par le cinéma de super-héros américain, Spider-Man, Batman (pas de pouvoirs mais du pouvoir), les X-men. Toutes références qui sont bien sûr très présentes dans les dialogues du groupe, et des exemples qui jalonnent leur apprentissage et leur emploi de la TK, entre espoirs et frontières.

Philippe Laborde réussit à mêler à cela un soupçon d’enquête, qui en fait n’ira pas loin (nous n’avons que le point de vue d’Alan) dès lors qu’ils alertent la justice.
J’ai un peu tiqué à la lecture du finale, qui est un peu attendu : face à un sceptique, les pouvoirs des quatre ados ne fonctionnent plus. Et l’adulte, l’Adulte même pourrait-on écrire, de prétendre à une auto-suggestion des ados. Pourquoi pas ? Nous n’avons, encore une fois, que leur point de vue, et ils ont pris garde de ne pas ébruiter leur secret. Et après cela, un dernier retournement final, façon cliffhanger de cinéma...
Mais après tout, l’auteur avait-il une autre solution ? Entre ce que son histoire demandait comme fin logique et ce que nous, lecteurs, nous attendions à trouver ? L’autre voie nous aurait plongé dans les excès d’une bande d’ados aux super-pouvoirs qui se dresseraient contre les méchants... au mépris de toute autorité parentale ou d’obligation de scolarisation des mineurs ? Ah, il n’y a que dans la fiction américaine qu’on voit ça !

Bref, un excellent roman de super-pouvoirs mais qui nous parle de plein d’autres choses en même temps, un peu à la façon d’œuvres comme le « Stand by me » de Stephen King (pour citer un classique), bref une histoire où le thème et la forme n’empêchent pas d’avoir beaucoup de fond.


Titre : TK
Sous-titre : L’important c’est d’y croire
Auteur : Philippe Laborde
Couverture : iStock / David Clark
Éditeur : Gallimard Jeunesse
Collection : Scripto
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 309
Format (en cm) :
Dépôt légal : mai 2014
ISBN : 9782070656509
Prix : 11,90 €



Nicolas Soffray
26 août 2014


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