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Bleu Passion
Victoria Strauss
Albin Michel, Wiz, roman traduit de l’anglais (USA), apprentissage, 393 pages, févier 2014, 18€

Guilia, fille du comte Borromeo et de sa couturière, voit sa vie protégée basculer à la mort de son père. Sa belle-mère l’envoie à Santa Marta, un couvent de Padoue. Finie pour elle la liberté, le dessin -sa passion- et ses rêves de mariage et d’enfants.
La veille du départ, à l’insu de l’astrologue de son père, le maître qui a fait d’elle une jeune femme instruite, elle rend visite à un sorcier en ville. A sa demande, il lui confectionne, dans un morceau de lapis-lazuli, un talisman qui exaucera son plus cher désir.
Au couvent, après quelques journées difficiles, Giula est convoquée par sœur Humilita, qui lui dévoile l’atelier de peinture du couvent, qui fait sa renommée. Ici, loin des hommes, les femmes peuvent peindre. Aussi, au fil des jours, le cœur de Giula balance : que veut-elle vraiment ? Et malgré tout ses efforts, pourra-t-elle avoir la vie dont elle rêve ?



« Bleu Passion », de Victoria Strauss, est un très beau et bon roman qui mêle à l’Histoire (celle du Quattrocento, le XVe siècle italien, celui de l’essor de la peinture) très bien documentée une trame d’apprentissage très bien menée.
La première « peinture », si vous me permettez le jeu de mots, est celle de la vie des femmes à l’époque. Giulia démarre mal : bâtarde d’un noble, elle grandit protégée, même si elle fait partie de la domesticité de la maison. Ses deux parents morts, elle ne doit qu’à la générosité de son père d’avoir une dot. Hélas, sa belle-mère la destine au couvent, loin de ses espoirs de faire un mariage modeste avec l’amour de sa vie. Des rêves loin de la réalité, où une jeune fille comme elle choisissait rarement son mari, souvent bien plus âgé qu’elle. Je vous renvoie à « La Malédiction de la Pierre de Lune », sorti simultanément, où on retrouve ce thème du mariage.

Vient ensuite la passion de Giulia pour le dessin. Par un heureux hasard, la maestra de l’atelier de peinture découvre son talent, et cette réclusion à perpétuité qu’est le couvent s’emplit soudain d’un nouvel espoir. Comme on le (re)découvrira tout au long du roman, les femmes sont à l’époque quantité négligeable face au pouvoir du père ou du mari, de l’homme de la maison. Les ordres féminins ont été pour de nombreuses femmes la chance de révéler leur talent, égal ou supérieur à celui des hommes. S’attirant par là même leur colère et leur jalousie.

La rivalité majeure dans « Bleu Passion » est entre Humilita et son père, chef de la guilde des peintres de Padoue et son ancien professeur. Mais on retrouve cette suprématie du masculin dans le discours d’Ormanno, le jeune apprenti en qui Giulia croit avoir trouvé son grand amour. Les événements lui confirmeront que rares sont les esprits ouverts et progressistes. Et qu’ils ne sont pas forcément du côté des murs auquel on s’attend.

Si « Bleu Passion » est bien une histoire de fille(s), avec des idées et des problèmes de filles, et qu’il est publié dans la sous-collection Girl de Wiz, deux choses m’ont plu dans ce livre, moi l’adulte mâle lecteur de fantasy. Bien entendu, la porosité entre l’Histoire est la fantasy n’est plus a expliquer. Mais la pointe de magie dans ce livre, qui transpire via le talisman de Giulia et les horoscopes qu’elle tire pour connaître son avenir, rappelle aux lecteurs que la première magie, celle qui fonctionne, c’est celle à laquelle on croit, de tout son cœur, dur comme fer. Si le démon dans le médaillon « apparaît » à Giulia, c’est surtout dans ses rêves, le lieu de tous les possibles, où la réalité est ce qu’on en fait, consciemment ou non. Petite magie, certes, loin des boules de feu, mais tout aussi puissante, puisqu’elle guide les hommes tout comme elle guide Giulia, qui remet ses décisions aux horoscopes horaires, oscillant entre les conseils de sa mère (« Ne compte que sur toi-même ») et ceux de son ancien maestro astrologue (« Il faut accepter que la réponse soit celle qu’on redoute le plus »).

Excellent roman d’apprentissage, « Bleu Passion » pose la question, à l’entrée de l’âge adulte, de faire des choix pour la vie. Suivre ses rêves, ses désirs, ou y renoncer, faire une croix sur certains pour en préférer d’autres. Cela ne se fait pas sans mal, ni pertes, ainsi que le vivra Giulia.


Titre : Bleu Passion (Passion Blue, 2012)
Auteur : Victoria Strauss
Traduction de l’anglais (USA) : Alice Seelow
Couverture : iStockphoto
Éditeur : Albin Michel
Collection : Wiz
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 393
Format (en cm) : 21,5 x 14,5 x 3,1
Dépôt légal : février 2014
ISBN : 9782226252579
Prix : 18 €



Nicolas Soffray
28 juillet 2014


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