Après un premier contact peu amène avec les différents membres de l’équipage, Jules va donc expérimenter tous les postes de Taupe et essayer de trouver sa place.
Très vite cependant, plusieurs questions le taraudent : qui sont ces gens volontaires pour s’enfoncer à la recherche d’un hypothétique continent souterrain ? N’ont-ils pas tous un secret à cacher, derrière la façade de cosmopolitisme et de future société idéale qu’ils veulent fonder ? Si, bien sûr (mais je ne vous le dirais pas).
Tous sont en tout cas paranoïaques. Après Jules, c’est le chat qui les inquiète : potentiel saboteur, il met en péril le système d’éclairage naturel de Taupe, à base de lucioles. Et d’autres problèmes couvent, dans ce vase clos. Bien loin du monde idéal souhaité, les vieux démons des hommes reviennent : violence, vices, jalousie, peur...
Nico Bally, dans un style assez léger (au point que ce roman, certes non exempt de noirceur, est lisible dès 12 ans) rend un bel hommage aux “Aventures extraordinaires” de Jules Verne. Tout y est pour nous y replonger : la machine fantastique, au fonctionnement fort bien décrit, la folie visionnaire d’un tel voyage, les imprévus « prévus » (difficultés de forage, zones dangereuses, et même monstres cavernicoles !) qui brisent la routine d’une telle expédition.
Les personnages adultes, pour la quasi-totalité assez sombres, ne font pas du séjour de Jules une partie de plaisir. Entre le médecin au visage brûlé, le capitaine aveugle et le concepteur un peu radoteur, l’auteur dresse une galerie de portraits assez angoissants, même une fois le secret de chacun révélé et leur caractère un peu apprivoisé. Sous pression à chaque instant, ils n’ont pas la relative insouciance de notre jeune héros, qui conserve un certain optimisme malgré les épreuves endurées et ses multiples découvertes.
La fin, très vernienne, dans la veine de la science-fiction du XIXe siècle, apporte une note finale d’espoir, fragile, comme inattendue.
Un tel ouvrage est assez surprenant dans la collection “Absinthes, éthers, opiums”. Voire même chez Malpertuis. Il y avait matière à une histoire très sombre, et elle l’est c’est indéniable, mais Nico Bally l’adoucit en en faisant un roman jeunesse, avec un héros ado. Si cela n’enlève rien à la puissance de certains passages (les chauffeurs, l’enterrement, le passage de la lave), la dose d’humour injectée par Noé, la géologue ou encore Tapetum apporte de nombreuses bouffées d’oxygène dans cet univers qui pourrait être étouffant de noirceur.
Pour qui a lu et adoré lire Jules Verne, « Taupe » est un retour aux sources du steampunk et de la littérature d’aventures, et renoue pour notre plus grand plaisir avec ces voyages vers l’inconnu, ressuscitant dans ces balbutiements de la science une magie sans pareille.
Titre : Taupe
Auteur : Nico Bally
Couverture : Philippe Rozelon
Éditeur : Malpertuis
Collection : Absinthes, éthers, opiums
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 157
Format (en cm) : 23,3 x 15,8 x 1
Dépôt légal : décembre 2013
ISBN : 9782917035306
Prix : 13 €
On regrettera que l’auteur soit fâché avec la conjugaison des verbes du 3e groupe, et des coquilles qui hélas émaillent assez généreusement ces 160 grandes pages, chose qui me fait toujours tiquer dans la littérature destinée aux jeunes.