Kawai a toujours eu l’impression qu’il n’existait pas réellement, que quelque chose clochait dans sa vie et le cauchemar qu’il est en train de vivre ne fait que le confirmer. Pourtant, malgré le danger, Kawai souhaite revenir en arrière. Mais comme dans un mauvais rêve, l’hôtel où les cinq étaient réunis est vide et le lieu des meurtres nettoyé de toute trace. Sa dernière chance reste le train et ce sera la bonne pioche... jusqu’à son agression. En fait, Kawai et sa partenaire de mésaventure sont tombés sur le garde de la gare. Pendant ce temps, le dernier survivant s’est réfugié dans un église mais le tueur le retrouve facilement. Et alors que toute trace était effacée, il laisse des témoins de son acte. Mais quand la police réalise le portrait robot du tueur, il est le parfait sosie de Kawai. Quel lien existe donc entre tous ces protagonistes ? Quel trafic cache la société protégeant ce monstre qu’ils ont mandé pour éliminer les cinq rebuts ?

Gou Tanabe est un maître dans l’art de créer des ambiances sombres, glauques à souhait. Nous l’avions découvert avec sa version de la nouvelle de H.P. Lovecraft, « Je suis d’ailleurs », dans « The Outsider ». Il nous avait montré sa capacité à illustrer l’horreur sous bien des formes.
Cette fois, il s’attaque au thriller où se mêle suspense, une dose d’horreur et la tension croissante au fur et à mesure que le lecteur découvre le macabre complot mis en oeuvre pour cacher les agissements tout aussi macabres d’un laboratoire. Gou Tanabe nous ramène au temps du bloc de l’Est où l’Allemagne de l’Est et l’Union soviétique réalisaient des expériences interdites. L’histoire fait inévitablement penser à « Monster » de Naoki Urasawa qui utilisait le même contexte. Mais ici, Gou Tanabe va plus loin en montrant que rien n’a changé et que la Russie moderne peut être la source de bien des cauchemars. Le mangaka maintiendra le suspense jusqu’au bout, diluant ses révélations tout le long des trois tomes composant cette mini-série. Le mangaka profite aussi de l’engouement qu’a pu créer la série « Millénium » pour ce genre d’atmosphère malsaine mais en poussant l’horreur plus loin.
Car c’est une véritable machine à tuer qui a été créée et s’est une course à la survie pour le héros de cette série : Susumu Kawai. Un nom quelque peu ironique vu le contexte et la personnalité de Susumu. Le dessin hyper réaliste de Gou Tanabe aide fortement à générer l’atmosphère, même si l’histoire en elle-même est déjà de qualité. C’est aussi là que la comparaison avec « Monster » s’arrête. Naoki Urasawa est de l’école Osamu Tezuka et reste fidèle à un style classique. Gou Tanabe n’hésite pas à s’inspirer du dessin occidental, parvenant à un mixte extrêmement intéressant visuellement. Des planches sombres, noircies sans crainte de cacher certains éléments au lecteur pour augmenter le suspense, un rien de frustration pour mieux lui révéler la réalité un peu plus loin. A noter les planches où flottent des parties de corps, une idée des plus malsaines mais surtout particulièrement efficace pour jouer avec nos nerfs.
« Mr. Nobody » est un véritable petit bijou, malsain, glauque comme on les aime. Maintenant, il faut espérer que le grand final sera à la hauteur des deux premiers tomes.
Mr. Nobody (T1 et 2)
Auteur : Gou Tanabe
Traducteur : Sébastien Ludmann
Éditeur français : Doki-Doki
Format : 127 x 180 mm, noir et blanc - sens de lecture original
Pagination : 192 pages
Date de parution : 14 mai et 4 juin 2014
Numéro ISBN : 9782818931011 ; 9782818931172
Prix : 8,95 €
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