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Drift
Thierry Di Rollo
Le Bélial’, roman (France), science-fiction, 352 pages, mai 2014, 20€

Darker est du mauvais côté de la barrière, il vit dans les cités poubelles abandonnées des Justes. Son grand talent réside dans sa capacité à tirer très vite, une mission d’importance lui permet de franchir la frontière, de découvrir le grand projet des Justes : quitter la Terre moribonde pour un autre monde.
Construit en orbite, le Drift est un vaisseau géant capable de franchir les immensités de l’espace. Malgré sa taille, il ne peut accueillir tout le monde...



Après un remarqué diptyque de fantasy, Thierry Di Rollo publie là son septième roman au Bélial’. Cette fois-ci, notre planète se révèle trop étriquée pour son imagination, les étoiles lui tendent les bras. Le choix de Manchu pour transposer le Drift sur la couverture s’imposait. Cette dernière est très réussie avec le fond bleu et le titre écrit en lettres rouges. Il faut dire que la voie de Darker est souvent jalonnée de sang, l’existence dans les cités poubelle laissées à l’abandon et aux conditions innommables laisse peu de place à la faiblesse.
Les habitants ne sortent que la nuit, car la journée la chasse est ouverte et les corps bouffés par les rats témoignent de la folie de sortir le jour. Darker est un as du Royster, alors il peut se permettre ce luxe, comme d’autres choses qui pousseront sa compagne Kenny à prendre des risques...
Le tableau est édifiant et le contraste est d’autant plus prononcé avec les conditions de l’autre côté dans les cités justes, surtout quand il s’agit d’un des pontes.

Thierry Di Rollo choisit de suivre Darker qui va s’élever socialement si l’on peut dire. Une étonnante mission lui ouvre de nombreuses portes, c’est ainsi qu’il apprend la construction puis le départ prochain du Drift. Depuis la disparition de sa compagne, Darker est détaché, n’entrevoit la vie que comme une voie sans issue, se resserrant toujours plus. La possibilité même lointaine de monter à bord, de prolonger sa vie, ma foi il s’en fout un peu.
Bien sûr, si c’est à ses conditions, cette idée devient attrayante...

L’auteur n’a pas voulu d’un vaisseau voyageant plus vite que la lumière ou empruntant des trous de ver ou autres portes s’affranchissant des distances. Le temps devient donc un facteur déterminant. Les partants veulent arriver à bon port, alors qu’une vie n’y suffirait pas, reste donc à prolonger le temps qui leur est imparti, soit par traitement soit par transplantation des souvenirs dans un nouveau corps. L’idée est très intéressante ; au passage, elle montre que le rang social a toujours son importance, que tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Ce choix permet aussi de dévoiler les interactions entre personnes à bord.
Jusqu’au bout, l’auteur démontre magistralement que la mentalité humaine n’évolue pas, qu’elle ne tire pas les leçons du passé, qu’une nouvelle terre n’est qu’une étape et non un nouveau départ. Les privilèges ne sont pas faits pour être abolis, mais entretenus jalousement par ceux qui les détiennent. Il serait injuste de décrire Thierry Di Rollo comme pessimiste, réaliste semble un adjectif plus approprié.

« Drift » offre beaucoup aux lecteurs, les tableaux exposés s’avèrent nombreux et variés, l’histoire rebondit souvent avec de nouveaux cadres. C’est ainsi que l’on passe de la crasse à l’univers aseptisé du vaisseau, avant un nouveau départ sur une planète vierge. À l’instar d’un Poul Anderson dans « Tau Zero », Thierry Di Rollo fait montre d’efficacité, il ne s’étend pas outre mesure à force rallonge. Il n’inscrit pas ce roman dans la hard science, ne s’étend donc pas sur les détails techniques qui auraient pu prêter à caution, l’humain est au centre de ses préoccupations.
Toutefois, il faut reconnaître que certains choix étonnent ou ne se justifiaient pas. Par exemple : il m’a échappé comment les Justes ont pu faire appel à Darker, alors qu’ils avaient déjà des hommes de main. Et quel intérêt que ce piratage de l’ADN de Darker ? La suppression des passages où l’imposteur apparaît ne nuirait en rien au récit, car ils n’ajoutent rien. Quelques bémols que l’on ne peut mettre de côté mais qui n’entachent en rien la qualité de l’ensemble.

« Drift » s’avère un roman ambitieux, une critique d’une société aux mains de privilégiés qui choisissent pour les masses sans se préoccuper de leur opinion. D’une grande force d’évocation, « Drift » se dévore, le lecteur perd le fil du temps comme les passagers à bord du Drift, un vaisseau fantastique. Il est trimbalé dans tous les sens, n’en sort pas intact mais heureux de cette excellente lecture.
Il semble que Thierry Di Rollo n’a pas fini de nous surprendre et de séduire le public !

Décidément, le Bélial’ nous gâte cette année dans la catégorie roman français. Le jury du Grand Prix de l’Imaginaire n’a qu’à bien se tenir !


Titre : Drift
Auteur : Thierry Di Rollo
Couverture : Manchu
Éditeur : Le Bélial’
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 352
Format (en cm) : 14,1 x 20,5
Dépôt légal : mai 2014
ISBN : 978-2-84344-126-4
Prix : 20 €



François Schnebelen
23 juin 2014


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