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Kanopé
Louise Joor
Delcourt

2137 : plus de dix milliards d’habitants sur la Terre dont les ressources ne parviennent plus à subvenir à leurs besoins.
Le seul espace encore non ravagé par la surexploitation des ressources de la planète : l’Amazonie, car une catastrophe nucléaire qui a eu lieu 119 ans plus tôt à Manaus l’a rendue impropre à l’homme.
Aussi, il faut que Jean, un hacker, soit bien désespéré pour s’y rendre.
Sa rencontre avec Kanopé va lui enlever bien des idées reçues.



« Kanopé » est le premier album BD de Louise Joor, née en 1988 à Bruxelles. Pour ses débuts, elle signe un album solo en s’occupant aussi bien du scénario, du dessin que de la colorisation. Une première expérience de 128 pages qui mérite déjà d’être saluée.

Le concept de cette bande dessinée est dans l’air du temps, surtout après la catastrophe de Fukushima. L’Amazonie constitue aujourd’hui un vaste territoire avec son aura de mystère, car elle se révèle impénétrable, luxuriante et fascine l’imagination sur ce qui peut s’y cacher. La frénésie humaine à s’étendre met cette partie du globe à mal avec une déforestation intensive pour, entre autre, augmenter les surfaces habitables et agricoles.
L’idée de Louise Joor de concilier les deux s’avère très bonne. Elle imagine une catastrophe nucléaire qui, d’un côté, noie la forêt sous les radiations, et d’un autre, éloigne les hommes de l’Amazonie, la préservant ainsi de la destruction. Un mal pour un bien.

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Après l’irruption dans la forêt de Jean poursuivi par des robots, le début de « Kanopé » est fascinant par ce déploiement de vert à travers une nature foisonnante. Pas de paroles, juste des cris de bêtes, des animaux que l’on identifie tout de suite, même si les radiations les ont parfois contrefaits. Les premières pages sont propices à la contemplation, elles happent le regard, donnent le ton sur une histoire où la nature est reine.

La rencontre entre Jean et Kanopé, jeune femme rousse, sert de moteur à toute l’histoire, il s’agit d’un choc de culture. L’existence de Kanopé dans la forêt balaye les certitudes qu’il est impossible à l’être humain de vivre dans ce territoire radioactif. D’ailleurs, comment est-ce possible ? Comment a-t-elle pu arriver ici ? Est-elle seule ? Si leurs premiers rapports sont heurtés à cause de l’attitude de Jean, les deux vont apprendre à se connaître, à s’apprécier et le mystère sur la vie en ces lieux va être levé.

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L’anticipation dévoilée par Louise Joor est intelligente, elle met le doigt sur cette volonté actuelle du toujours plus. L’homme ne peut se satisfaire de ce qu’il a déjà, même si le prix doit être la destruction de son habitat. L’émerveillement de Jean à manger de la viande montre comment les choses ont changé en plus d’un siècle.
Ce vaste espace préservé, car jugé sale par celui qui l’a rendu ainsi, est d’une grande beauté, les dessins de Louise Joor le magnifient.
En créant cette BD seule pour mieux retranscrire sa vision, elle s’est sûrement fait plaisir, mais le plaisir est partagé par les lecteurs dont la fibre écologique est titillée.
Ce retour à Mère Nature est de toute beauté, le récit monte en puissance au fil des pages. Les révélations sur le passé de Kanopé, sur la source de sa bonne santé contre toute logique alimentent notre envie de poursuivre l’aventure amazonienne.
D’ailleurs, la fin est ouverte, on retrouve le choc des cultures, la croisée entre les deux mondes. La civilisation constituée de dix milliards d’habitants reste la grande inconnue, dont seule quelques bribes nous sont dévoilées comme pour aiguiser notre curiosité.

Une fois « Kanopé » achevée, les lecteurs conservent des images plein la tête, feuillètent l’album pour s’immerger à nouveau dans cette luxuriance et retrouver la simplicité d’une vie en contact de la nature. La grande habilité de Louise Joor est aussi de ne jamais oublier, de montrer que la radioactivité est toujours présente, sournoise dans son action. Il faut bien garder ce paramètre à l’esprit, comme une alerte sur notre existence actuelle.

Un premier album remarquable, maîtrisé de bout en bout et qui ne s’oublie pas.


Kanopé
- Scénario & Dessin & couleurs : Louise Joor
- Éditeur : Delcourt
- Collection : Mirages
- Dépôt légal : 2 avril 2014
- Pagination : 128 pages couleurs
- Dimensions (en cm) : 20,3 x 26,3
- ISBN : 978-2-7560-3676-2
- Prix public : 16,95 €


Illustrations © Delcourt & Louise Joor (2014)



François Schnebelen
19 mai 2014




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