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Dualed, tome 1
Elsie Chapman
Lumen, traduit de l’anglais (États-Unis), dystopie jeunesse, 346 pages, mars 2014, 15€

Le dystopique jeunesse a le vent en poupe en ce moment : « Promise », « Ever Sky », « Divergente » (récemment adapté au cinéma) entre autres. Et pourtant le lecteur a toujours le droit au même schéma : un évènement horrible (mais le plus souvent inconnu) a décimé la population et bouleversé les codes sociaux. Un groupe d’individus s’est réfugié dans une cité cernée de lourdes barrières et, pour éviter que tout cela ne recommence, a inventé de nouvelles lois. « Dualed » est un récit de plus dans cette mouvance…



Là où le récit d’Elsie Chapman se démarque, c’est dans l’atmosphère hautement malsaine qui s’en dégage. Dans l’univers tissé autour de West, l’héroïne de cette histoire, une erreur médicale sur un vaccin contre la grippe a stérilisé une grande partie de la population. Même si le remède a finalement été trouvé, de violents conflits ont éclaté sur toute la surface du globe. Pour survivre, la ville de Kersch a érigé une immense muraille à sa frontière et décidé de créer une armée, mais pas n’importe laquelle : une armée de survivants.
Lorsqu’un couple de Kersch souhaite un enfant, son génome est mélangé au génome du couple suivant, un code supplémentaire est implanté et, de cette manipulation génétique, naissent deux enfants absolument identiques, deux Alts. Chacun des couples se voit confier l’un des enfants. À lui, la tâche de l’élever, d’en faire un guerrier car un jour, entre 10 et 20 ans, les Alts sont activés. À partir de cet instant, ils disposent de 31 jours pour s’affronter. Passé ce délai, si les deux adolescents sont toujours vivants, ils imploseront. À Kersch, il n’y a pas de place, ni tout autre ressource d’ailleurs, pour les lâches, ou pour les faibles.

Si tout part d’un constat simple, à savoir qu’il est plus difficile de s’attaquer à une ville dont tous les citoyens sont des guerriers, Elsie Chapman inclut volontairement de sérieuses failles dans le système : les plus riches peuvent s’offrir des cours particuliers, les meilleures armes, voire même un tueur à gages tandis que les plus pauvres doivent se contenter de l’enseignement public. De plus, une fois « accompli », que ce soit à onze ou vingt ans, l’Alt survivant n’a plus d’intérêt à continuer à apprendre à se battre ou à s’entretenir et finalement, la société citoyenne qui en découle ressemble à n’importe quelle société avec des individus fainéants, ou en surpoids, qui n’ont plus rien de commun avec des soldats.

Mais l’auteure passe à côté d’une conséquence gravissime, et pourtant très bien documentée, du phénomène « enfants soldats ». En effet, la population adulte dépeinte par Elsie Chapman est étrangement saine d’esprit (avec toute la palette disponible dans une société lambda). Pourtant dès leur plus jeune âge, il s’agit d’enfants que l’on dresse à tuer leur double.
Il y a fort à parier que l’auteure n’a voulu faire qu’un parallèle psychologique sur l’adolescent qui doit tuer l’enfant en chacun de nous pour devenir adulte. Mais la chose est présentée si durement, si crûment qu’il est presque impossible de ne pas le prendre au pied de la lettre. Et alors l’absence d’impact psychologique est choquante et en décalage total avec l’essence du récit.
Il paraît qu’Elsie Chapman écrit devant un film et/ou avec la musique à fond ; j’aurais presque envie, en toute amitié, de lui suggérer d’éteindre sa télé pour mieux saisir l’impact de ses mots mais aussi, et surtout, de ses blancs qui, au final, nuisent à l’ancrage du récit. L’ouvrage se retrouve bancal et, maintenant que les dystopiques fleurissent, cela pourrait lui coûter un certain nombre de lecteurs.

À part cela, le récit est fluide mais l’action fragmentaire. Ce premier tome se suffit à lui-même avec un final cohérent, mais non, il s’agit encore d’une série. À voir ce que donneront les prochains volumes, encore qu’il n’y ait pas vraiment d’urgence en la matière…


Titre : Dualed (Dualed, 2013)
Série : Dualed, tome 1
Auteur : Elsie Chapman
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Maud Ortalda
Couverture : Michael Heath
Éditeur : Lumen
Pages : 346
Format (en cm) : 14,1 x 22,5 x 2,8
Dépôt légal : mars 2014
ISBN : 9782371020016
Prix : 15 €



Emmanuelle Mounier
20 mai 2014


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