Voilà, résumée dans les grande lignes, toute l’histoire de « Chroniques de Coralis ». En presque 350 pages, assez denses, c’est à la fois peu et beaucoup. Peu, parce qu’au final il se passe peu de choses, et qu’elle sont toutes séquencées en épisodes pendant lesquels on a la sensation qu’en l’absence des jumeaux, il ne se passe rien d’important, et que les adultes livrés à eux-mêmes sont bien mollassons. Beaucoup, parce que le texte est chargé de détails, souvent inutiles et incongrus, qui alourdissent une lecture déjà peu amène au vu du nombre d’incohérences et de grosses ficelles qui la composent.
Si « Chroniques de la Terre Figée » avait un petit arrière-goût de voyage extraordinaire à la Jules Verne, ces « Chroniques de Coralis » cumulent les mêmes défauts sans en reprendre les quelques qualités.
Avec le personnage de Jeanlin, l’auteur se fait donneur de leçons sur l’histoire passée, les désastres écologiques et assène sans guère de dialogue avec les autres communautés ses choix pour l’avenir. C’est l’occasion de quelques passages involontairement drôles, comme le plan initial de la ville, en spirale, comme une coquille d’escargot, avec des maisons identiques pour ne pas créer d’inégalités entre les habitants. Tout cela un chapitre après avoir fustigé les logements champignons façon lotissements des Temps anciens. Et le chapitre suivant, chacun vient voir Axel pour embellir sa maison ! Exit déjà cette égalité entre tous, sans que personne relève cette faiblesse très humaine. Cet exemple n’est hélas pas le seul.
Dans la veine du premier tome, l’auteur prend aussi quelques libertés avec les sciences, qu’il nous assène pourtant à longueur de pages, notamment lorsqu’Axel veut fabriquer des panneaux de verre pour construire, comme une ruche, la nouvelle cité. Il suffit pour lui de sable de plage et d’un grand feu pour couler du verre en quantité industrielle ! La cerise vient quand la cité enfin assemblée, grâce à un coup de pouce des coraux, devient un gigantesque four solaire ! Eh oui, Axel le génie n’a pas pensé que vivre dans une cité de verre nécessiterait des stores ! Assez pitoyable...
Tout le roman est de même. Les énormités scientifiques alternent avec des rebondissements scénaristiques abscons. On hésite souvent entre remplissage, leçon maladroitement assénée et délire complet. Le texte est lourd, surchargé, et même les scènes d’action, où chacun prend le temps de détailler son plan et ses actes, peinent à convaincre. Les descriptions à rallonges de lieux où nos héros ne font que passer et ne remettront pas les pieds ralentissent encore la lecture sans grande raison.
Les personnages secondaires sont inexistants, les compagnons des héros cantonnés à les attendre en s’inquiétant. Rien n’émerge, ou si peu, de la communauté, qui ne sert que de foule, de masse compacte et docile, acclamant les idées de génie, fuyant comme des moutons face au danger, se lamentant en chœur dans l’adversité. Sous couvert d’une unité nouvelle des peuples, les religions sont effacées, ne reste qu’un vague chamanisme pseudo-médical (qui échoue face à la maladie d’Axel), et les conflits internes sont quasi inexistants dans Pangée. De même, la barrière des langues, qui contraint Nova à jouer les interprètes au début, est vite passée à la trappe. De toute façon, puisqu’ils ne font rien, ces gens ont-ils besoin de se parler ?
Écrire de la bonne anticipation ne se cantonne pas à de bonnes idées pour reconstruire le monde, des recettes d’insectes mitonnés et le souhait de la paix entre les hommes. Pierre Gemme n’évite pas l’écueil des poncifs dans ces « Chroniques de Coralis », les « aventures » de ces héros n’apparaissant finalement que comme des gesticulations scénaristiques qui masquent à grand-peine l’absence de travail réel sur le fond, simple patchwork d’éléments grappillés ici et là.
Pierre Gemme montre qu’il sait plein de choses, mais échoue à s’en servir, à les utiliser au profit de son histoire. Au contraire, il préfère la nourrir de rebondissements parachutés là sans raison, évacuant à leur profit des questions qui pourraient interpeller le public jeunesse sur la vie en communauté mixte. Les questions de racisme, d’échange culturel, de partage des tâches, du rôle social des femmes, des anciens, des jeunes auraient pu rendre ce roman captivant et intelligent. Ce n’est au final qu’une mauvaise anticipation de gare, avec plein d’effets spéciaux, de pseudo-science et de gesticulations inutiles.
Une réelle déception.
Titre : Chroniques de Coralis
Série : Les Aventures d’Axel et Nova, tome 2
Auteur : Pierre Gemme
Couverture : Kara
Éditeur : La Clef d’argent
Collection : Jeunesse
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 343
Format (en cm) : 20 x 14 x 3
Dépôt légal : janvier 2014
ISBN : 9791090662193
Prix : 20 €
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