Dans le cas de figure qui nous occupe, Philippe Bonifay insinue que Perrault aurait eu un frère jumeau, dont les rapports conflictuels et même antagonistes seraient pour beaucoup dans la tonalité de l’histoire de « Barbe-bleue », une des plus sombres et violentes de ce conteur.

Un présupposé qui pourrait donner lieu à une intéressante relecture du célèbre « Barbe-bleue », d’ordre psychanalytique ou cathartique ? C’est une voie tout autre que choisit le scénariste, se servant de Perrault pour mieux le remplacer et se lançant alors dans l’histoire de deux frères que tout oppose dans leur rapport aux femmes, jusqu’à faire de l’un une façon d’ange de la séduction, et de l’autre un pervers sexuel en série.

Une illustration de plus de la confrontation immémoriale entre le Bien et le Mal ? Pas tout à fait, dans la mesure où il appert que le meilleur des frères facilite les basses besognes de son jumeau hideux, et que leur complicité larvée débouche sur la création d’un chef-d’œuvre : cet ensemble de statues auxquelles leurs victimes assassinées ont servi de modèles...

Une histoire belle et forte, en somme, même si le scénario pèche par trop de complexité. Une histoire originale aussi, ce qui fait à la fois sa force et sa faiblesse : avait-elle bien sa place dans une série intitulée « A l’Origine des contes », quand elle s’éloigne tant du titre revendiqué ?

Reste un album habité, volontiers dérangeant. Et même si le travail graphique de Stéphane Duval ne va pas sans approximations (dont, entre autres, ces ombres sur les visages qui souvent font tache), force est de lui reconnaître un vrai sens du mouvement et de la mise en page, le tout dans des ambiances baroques, voire paroxystiques, qui conviennent parfaitement au sujet.

La Barbe bleue
 Série : A l’origine des contes
 Scénario : Philippe Bonifay
 Dessins : Stéphane Duval
 Éditeur : Glénat
 Dépôt légal : 2 octobre 2013
 Pagination : 88 pages couleurs
 Format : 24 x 32 cm
 Numéro ISBN : 978-2-7234-7291-3
 Prix public : 18,50 €

Illustrations © Glénat et les auteurs