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Game
Barry Lyga
Éditions du Masque, MSK, traduit de l’anglais (États-unis), policier, 485 pages, novembre 2013, 17€

Dans « I hunt killers », nous avions découvert Jasper « Jazz » Dent, un adolescent qui aurait sans doute été comme les autres s’il n’avait eu pour père William Dent, alias Billy, alias l’Artiste, alias Green Jack, un des plus fameux tueurs en série des États-Unis. Un adolescent confié, après l’arrestation de son père, à sa grand-mère dont il fait tout pour dissimuler la démence, de crainte d’être confié aux services publics. Mais la mise à l’ombre de son géniteur ne résout rien : Billy est en même temps épouvanté et tiraillé par ses pulsions homicides, sans doute héréditaires, et obsédé par l’envie de faire partie des individus normaux qui ne considèrent pas les gens autour d’eux comme de simples objets, mais aussi, et surtout, comme des êtres humains. Et tout ce qu’il a appris de son père, il le met au service d’une juste cause, la traque de l’Impressionniste, un serial-killer qui s’est mis en tête d’imiter le père de Billy dans la petite ville de Lobo’s Nod. Mais, au terme de « I Hunt Killers », le père de Billy s’évade, et il n’a manifestement qu’une seule envie : pousser son fils à marcher sur ses traces.



En abordant les thématiques du premier volet des aventures de Jasper « Jazz » Dent et les zones troubles qu’il explorait ou frôlait, nous avons craint d’être poussés à en dire du mal. Nous en avons finalement dit du bien. En découvrant sa suite, « Game », nous avons eu la même crainte. La même crainte, parce que si le premier volet, après s’être aventuré en zone périlleuse, s’en sortait avec les honneurs, il nous semblait qu’à trop vouloir tirer sur la corde, à vouloir à toute force remettre le couvert dans un second volume, la pilule cesserait de passer. La même crainte parce qu’après un premier roman de trois cents pages, celui-ci en fait près de cinq cents, et que l’on pouvait en toute honnêteté redouter le tirage à la ligne. La même crainte, enfin, parce que l’on pouvait tout simplement redouter l’usure du thème.

Mais les choses ne sont pas si simples, car Barry Lyga a manifestement plus d’un tour dans son sac. Si le début du roman – approximativement les cent premières pages – peut en effet paraître long au démarrage, avec notamment des dialogues un peu longs, il n’est plus question de lâcher le roman dès lors que l’action s’installe. En reprenant les personnages du premier volume – outre Jasper « Jazz » Dent, son serial-killer de père, son ami hémophile Howie, sa copine Conscience, sa grand-mère timbrée et à un degré moindre les agents Erickson et Tanner, Barry Lyga reprend les personnages plaisants (enfin, pour Billy, pas vraiment) du premier volume et surfe sur la sympathie qui leur est acquise. En déplaçant presque entièrement l’action du trou paumé de Lobo’s Nod à la mégalopole de New York, une inconnue presque complète pour nos héros, Lyga évite le piège de la redite et s’assure d’un cadre suffisamment ample pour faire plus fort.

Faire plus fort : la fatalité, d’une certaine manière, l’y condamnait. Car si Lyga reprend en toile de fond cette zone trouble dans laquelle évolue lui-même Jasper « Jazz » Dent, entre tentations homicides et aspiration à une véritable humanité, il est clair que cette fois-ci Jazz a définitivement choisi son camp. Son revers ténébreux n’est jamais très loin, son père Billy continue régulièrement à susurrer dans sa tête, mais il parvient à mieux contrôler cette facette schizoïde de sa personnalité, si bien qu’en ce qui le concerne le roman apparaît moins trouble, moins âpre, moins sulfureux. Mais l’enquête, elle, est plus complexe : le NYPD fait appel à ses services, à ses talents, à sa connaissance du jeu (n’oublions pas qu’il est déjà responsable de l’arrestation de l’Impressionniste), en off tout d’abord et malgré les réticences de certains, puis de manière plus officielle lorsqu’il s’avère que Billy (mais qui en doutait ?) est lié d’une manière ou d’une autre à ces crimes en série qui ensanglantent New York et déroutent jusqu’au FBI.

Un serial-killer ou plusieurs ? Les indices sont-ils des indices ou une simple manipulation ? Quel est le véritable schéma directeur de cette affreuse série d’homicides ? Un jeu ? Mais qui sont les joueurs et, surtout, qui est le véritable maître du jeu ? Et quel rapport avec le passé familial de Billy et de Jasper ? Une intrigue qui se révélera complexe, astucieuse, prenante, et riche en rebondissements. Même si l’on émettra, pour être exhaustif, une réserve sur un point de détail (la facilité avec laquelle l’un des suspects, en cours d’interrogatoire, est pratiquement abandonné par les enquêteurs et la rapidité avec laquelle ceux-ci le laissent ressortir), force est d’admettre que la tension ne retombe jamais et que ce mélange de traque, d’enquête et de jeu de piste fait de « Game » un thriller original – plus ludique que le premier volume, écririons-nous si nous ne craignions d’être accusé de faire un jeu de mots facile – et qui surpasse bien des thrillers adultes.

Reste une frustration d’envergure : « Game » ne se termine pas vraiment. Lyga abandonne en effet Jazz dans une très difficile posture. Et son amie Conscience dans de plus sales draps encore. Quant à Howie… Triple cliffhanger, donc, pour nos héros qui auront sans doute encore quelques moments difficiles à passer – si toutefois la route ne s’arrête pas là pour eux. Nous hésitions, écrivions-nous un peu plus haut, à entamer le second volume. En ce qui concerne le troisième, encore à venir, nul doute que les lecteurs de Barry Lyga, totalement happés et d’ores et déjà pris au piège, sont dès à présent condamnés à attendre sa publication.


Titre : Game (Game, 2013)
Auteur : Barry Lyga
Traduction de l’anglais (États-unis) : Marie Cambolieu
Couverture : Sara Baumgartner / Alison Impey / Valentino Sany
Éditeur : Le Masque)
Collection : MSK
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 485
Format (en cm) :15 x 21,5
Dépôt légal : novembre 2013
ISBN : 978-2-7024-3694-3
Prix : 17 €



Barry Lyga sur la Yozone :
- La chronique de « I hunt killers »


Hilaire Alrune
14 février 2014


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